12 notes dans la catégorie "Bonnand (Alain)"

[réédité, relu] renata n'importe quoi, roman de catherine guérard

aux éditions du Chemin de fer, novembre 2021, 178 pages, 18 euros

en 4è de couv : Catherine Guérard nous emporte dans le monologue de son héroïne, bonne à tout faire, qui décide un jour de quitter ses patrons pour devenir “une libre”. Ce sont trois jours et deux nuits d’errance, à marcher dans les rues, s’asseoir sur les bancs, regarder les passants et écouter les oiseaux. La narratrice va se confronter à un monde qu’elle semble découvrir au fur et à mesure qu’elle l’arpente, un monde qui la rejette systématiquement, elle dont la liberté ne peut souffrir aucune entrave. Le plus saisissant dans ce roman est la réussite magistrale d’un parti pris formel : une seule longue phrase ponctuée de quelques virgules et majuscules judicieuses. Le flot du texte emporte le lecteur dans les ressassements et les obsessions d’une pensée pleine de candeur mais toujours déterminée et dangereusement radicale. Publiée pour la première fois en 1967, cette œuvre résonne aujourd’hui comme un hymne prémonitoire. N’annonce-t-elle pas le vent révolutionnaire qui soufflera bientôt sur un monde corseté dans ses certitudes et empêtré dans sa peur de manquer ou de perdre ses acquis ? Renata n’importe quoi c’est l’invraisemblable odyssée d’une bonne de Giraudoux qui attendrait Godot. Un trésor qu’une communauté de lecteurs initiés se transmet comme une pépite, qui nourrit une réflexion profonde et nécessaire sur l’absurdité de nos sociétés, la loi, l’argent, le travail et la consommation. Ou pour le dire autrement : comment refuser l’aliénation qui nous est imposée sans apparaître soi-même comme un aliéné dans le regard des autres ?  "Alors leur vie ne leur appartient pas, ils obéissent au temps, et j’ai pensé Moi je suis mieux qu’eux ma vie m’appartient, je n’ai pas un patron qui possède ma vie, c’est horrible ça, j’ai pensé, d’avoir une vie qui n’est pas à soi, C’est des fous les gens, j’ai pensé, pour avoir de l’argent ils vendent leur vie à quelqu’un d’autre, comme si on vivait mille ans, comme si on vivait deux fois"Réédition tout à fait inattendue et très heureuse, d'un roman-culte, marquant et mystérieux ; c'est le second (dernier) roman d'une auteure incompréhensiblement disparue des radars de l'Édition, compte tenu de son talent et sa modernité.

Je l'ai lu une première fois en 2013 ; Alain Bonnand m'avait offert l'édition Gallimard (aujourd'hui épuisée), il avait deviné que cela allait me plaire. C'est lui encore qui vient de me signaler la réapparition de Renata n'importe quoi.

À l'époque j'avais voulu me renseigner sur l'auteure. Mais Catherine Guérard, c'est plutôt Catherine n'importe qui parce qu'avec ce nom très homonymé, on ne trouve pas grand-chose sur elle. Un Masque et la Plume de 67 à l'INA dans lequel elle intervient depuis la salle, mais aucune image. Est-ce que la Catherine Guérard qui regrettait le départ de bébé Adjani de la Comédie Française en 75, c'était elle ?  "Une Adjani, il n'y en a qu'une par siècle !". Si elle avait si complètement disparu des internets, c'était sans doute pour une triste raison ?

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[lu] la valse seconde (on me dit que ma poule est un coq), recueil de billets d'alain bonnand

Éditions La Bibliothèque, collection Les Billets de la Bibliothèque,lien mars 2020, 172 pages, 16 euros

rabat de couverture : Pas seulement le plaisir des phrases, la musique de la littérature, mais un lieu habitable, un biotope ô combien humain, que vivre et écrire vaillent ensemble, voilà ce que nous propose La Valse seconde. Deux années de vie offertes en une ronde d'idées et de mots. Alain Bonnand est unique dans l'art de nous enchanter  — Né en 1958, il est l’auteur de Je vous adore si vous voulez (Puf), Feu, mon histoire d’amour (Grasset), Martine résiste (Le Dilettante), Le Testament syrien (Écriture), Il faut jouir, Édith (La Musardine), La Grammairienne et la petite sorcière (Serge Safran) — Les illustrations sont de Maurice MietteAlain Bonnand, deuxième.
Deux fois Alain Bonnand (la première c’est Arthur Cauquin au Yémen lien) pour un printemps insensé qui nous confine en chambre (par ailleurs, le lieu de littérature préféré de l'auteur !) : une double aubaine à profiter pour libérer les esprits gaiement en attendant le retour à la vie normale.

carnet de bal, bréviaire, ou almanach ?
J'ai déjà dit (ici) la qualité esthétique non pareille des petits livres de l'éditeur Jacques Damade. Pour moi, celui-ci est le plus beau.
Jaquette framboise, avec de seyantes broderies intérieures (les belles illustrations pertinentes de Maurice Miette).
Un parfait carnet de bal.
Mieux, un joli bréviaire profane avec plein d'idées de lectures intelligentes dedans, des “ phrases à danser ”, et des aphorismes taquins à relire aussi souvent qu'on en a oublié (ou pas encore vu) tous les sens cachés.

Tout à la fois — mais pas seulement — correspondance littéraire, amoureuse, journal intime, et almanach entraînant joyeusement le lecteur : d'un livre à une dame, un petit tour, puis à un autre livre, à un ami, à une autre amie, encore un tour... une valse, on vous dit.

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[lu] arthur cauquin au yémen, roman d'alain bonnand

Serge Safran éditeur, 20 mars 2020, 224 pageslien, 17 euros 90

CONFINEMENT COVID-19 : les librairies sont fermées, le courrier n'est pas distribué, mais Arthur Cauquin au Yémen est disponible sur les meilleures plateformes de vente de livres numériques, au prix de 9 euros 99 (liste ici)

MARDI 24 MARS, DERNIÈRE MINUTE COVID-19 : du 24 mars au 7 avril, Serge Safran éditeur offre une PROMO PLAISIR SOLIDAIRE à 50 % sur toutes ses nouveautés !

4éme de couv — Arthur creuse des trous au Yémen pour le compte d’un grand groupe. Laurence, sa maîtresse, se trouve à Orléans. Ils s’aiment de loin grâce à Internet et un matériel qu’ils finissent par utiliser très bien…
Cela dit, l’échange électronique a des limites. C’est le printemps et Laurence, qui d’habitude ne croque pas la vie à moitié, se morfond beaucoup. Même la lecture de Raymond Queneau ne l’aide plus à patienter. Qu’est-ce qu’Arthur, soucieux du plaisir de son amie, va bien pouvoir inventer pour que passent agréablement les deux mois qui les séparent de son retour ? Une histoire pimentée, qui nous transporte en 2006 quand les amoureux découvraient avec l’ordinateur, un micro et une caméra portatifs, les joies et permissions de l’échange à distance.
 Un érotisme qui ne manque ni de tendresse ni d’encouragements. — Alain Bonnand, né en 1958, dans l’Oise. Adolescence ardennaise ; fait Rémois à dix-neuf ans, Arabe à quarante-cinq, puis Florentin. Aujourd’hui, de nouveau Rémois.  Auteur de Feu mon histoire d’amour ; Martine résiste ; Il faut jouir, Édith… et de La Grammairienne et la Petite Sorcière chez Serge Safran éditeur.De la mi-avril à fin mai 2006, entre Sanaa et Orléans, un printemps arabe heureux ; à une époque révolue où les sites de rencontre et les technologies émergentes offraient aux aventureux des terrains de jeux interactifs plus délicieux et modernes (même si parfois techniquement incertains) que les petites annonces du Nouvel Obs ; où les réseaux sociaux n'avaient pas encore été empoisonnés par leur propre puissance de nuisance ; un temps où l'on ne “partageait” pas tous azimuts et sans discernement, mais où l'on privilégiait encore les relations choisies (ou refusées). Ça n'allait plus durer bien longtemps.

Ce n'est ni un regret, ni un mensonge : je n'ai jamais pratiqué ça... mais cela ne m'a pas empêchée, et même au contraire, de trouver un délicieux plaisir par procuration dans cette lecture beaucoup moins légère qu‘il y parait car la profondeur se niche dans les détails !

J'ai cherché dans la liste des synonymes de coquin, j'ai retenu : polisson, libertin, leste, malicieux, canaille, badin, espiègle, sensuel, émoustillant.
Et repoussé catégoriquement les autres : égrillard, gaulois, croustillant, grivois, graveleux, licencieux, obscène, porno.

Bon, je ne diverge pas plus longtemps : oui, Arthur Cauquin au Yémen est un roman sexy ! ouiiiiiiiii, c'est une histoire de plaisirs !
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lire le résumé de l'action en quatrième de couverture en passant sur l'image, ou en allant sur le site de l'éditeur

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[balade] juillet à saint-germain-des-prés

billet inspiré dans l'ordre d'apparition par : Eric Naulleau, Jean-Paul Caracalla, Alain Bonnand, Stéphan Lévy-Kuentz

La rue Taranne sur le plan Turgot vers 1734 - source WikipédiaUn jour à la télé, j'ai entendu l'excellent Eric Naulleau raconter avec gourmandise ce qu'il faisait chaque année pour son anniversaire : il s'accorde une journée rien qu'à lui, dehors, à pied, dans Paris, au hasard, ne dit rien à personne, ni avant, ni après.

J'ai flashé sur cette idée de célébration solo, d'autant que je ne me souviens pas que le chroniqueur ait dit qu'il s'interdisait tout à-côté festif familial ou amical par ailleurs ! Cette année, j'ai eu le souper fin, les fleurs, les déjeuners-copine, une bougie rose dressée sur un pain au lait par ma toute petite fille, une sortie au théâtre, des messages qui ne doivent rien à la base de données et aux algorithmes de Zuckerberg (je n'y ai pas déclaré mon #bday !), et un livre (dont il sera question plus loin). Déjà fort bien gâtée.

Mais restait mon self-anniversaire... Puisque j'en parle ici, c'est que je n'ai pas suivi jusqu'au bout le rituel Naulleau !

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[extraits, calet, bonnand] figaro-ci, figaro-là

google imageCelui-ci est parisien, celui-là est damascène.

L'un coiffe Henri Calet ; on est dans les années 50, à Paris dans le XIVème arrondissement.
Alain Bonnand se rend chez l'autre chaque semaine, en 2007, à Damas.

Quand j'ai découvert l'un ce week-end, j'ai repensé à l'autre ; comme rapprochés dans le temps et l'espace par le talent de deux écrivains connivents dans la tendresse pertinente de leurs observations, et leur espièglerie indémodable.

Honneur à l'ancien, Henri Calet (1904-1956) ; j'ai relevé l'extrait dans Le Croquant indiscret, 1955 :
Calet s'est lancé dans une étude du grand monde ; lui le croquant, le prolétaire, enquête dans les beaux quartiers, pénètre les H.P. (sic : hôtels particuliers !) ; là, il se prépare pour aller déjeuner chez Maxim's...

Suivi d'Alain Bonnand ; l'extrait est tiré de Damas en hiver, 2016, dont j'ai déjà parlé ici.

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[lu] damas en hiver, récit d'alain bonnand

lemieux éditeur, août 2016, 136 pages, 14 euros

en quatrième de couverture : Fin des années 2000. L’écrivain Alain Bonnand, accompagné de sa femme, leurs quatre enfants et le chat Lewis, pose ses bagages à Damas, en Syrie. Il entame depuis le quartier Malki, « affreusement résidentiel », une chronique damascène, croquis sur le vif des habitants, de la ville et de ses usages.  Esprit indépendant, père de famille engagé, écrivain soucieux de faire plaisir à chaque ligne, fin connaisseur et amoureux du Proche-Orient, tendre avec les petites gens, se moquant des puissants, Alain Bonnand nous restitue, en un portrait singulier et précieux, Damas et la Syrie tels qu’on pouvait y vivre peu de temps avant la guerre. -- Alain Bonnand (né en 1958) est l’auteur, entre autres, de Feu mon histoire d’amour, Je vous adore si vous voulez, La Grammairienne et la Petite Sorcière. Dans Le Testament syrien, il a rapporté comment il avait vécu, en direct de Damas, les premiers mois de la révolte syrienne et sa répression meurtrière par le régime Assad. Il se partage aujourd’hui entre Florence et Reims. -- photo de couverture : Rivière Tora, quartier Malki, Damas (c) Yahia Abou AssaliDamas, été 2011. Fin du Testament syrien.lien
" Assez de Syrie comme ça."
écrit Alain Bonnand qui vient d'y passer quatre ans.
Les manifestations pacifistes du printemps ont été réprimées dans le sang par le régime, suscitant une rébellion armée. L'affrontement tourne à la guerre civile. Les expatriés sont invités à quitter le pays. Les centres culturels étrangers sont fermés pour " une durée indéterminée ". Les Bonnand rentrent en France.

Retour arrière. Après la fin, le début.
À la rentrée scolaire 2007, venant d'Amman en Jordanie où elle avait séjourné depuis 2003, toute la famille (Monsieur et Madame Bonnand, leurs quatre enfants - 8, 11, 15, 16 ans - et le chat Lewis) emménage dans le quartier résidentiel Malki, au 4031 Abdul Munim Riad. C'est là que commence Damas en hiver.

Prenant son temps (2012 pour le Testament, 2016 pour Damas), dans le désordre, par petites touches personnelles sensibles, Alain Bonnand rassemble son expérience proche-orientale dans des livres rares et d'autant plus indispensables que ce qu'il a vu, connu, vécu et aimé là-bas, n'existe plus.

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[lu] la grammairienne et la petite sorcière, d'alain bonnand

aux éditions Serge Safran,lien mai 2015, 144 pages, 15 euros 90

en quatrième de couverture : Un écrivain répond à une jolie universitaire, sa contemporaine, qui voudrait lui consacrer une étude : « La littérature se vit avant de s’écrire, venez donc vous promener un peu avec moi — Vous me ferez la lecture ? lui demande-t-elle. — Oui, entre deux plaisirs ! » Il retrouve pour elle, oubliés dans une malle, des inédits concernant un amour ancien, la Sylvie de Je vous adore si vous voulez, une jeune éditrice 1990 à qui il aura, décidément, écrit beaucoup de belles choses. De Sylvie à Adeline : humour, séduction et, peut-être aussi, nostalgie…— la littérature peut-elle être une arme de séduction non conventionnelle ?
— absolument : quand elle est maniée par Alain Bonnand !

Les titres des livres lien d'Alain Bonnand sont des énigmes poétiques au grand charme piquant.
La Grammairienne et la Petite Sorcière (avec les majuscules comme il faut) : voyez, celui-ci ne déroge pas dans le registre sibyllin et délicieusement intriguant.

Pourtant, ce titre est aussi tout bêtement l'honnête résultat de la juxtaposition des sous-titres des deux parties qui composent le texte, comme on verra en allant à la table des matières. La grammairienne (un seul chapitre). La petite sorcière (quatre chapitres). Entre les deux une conjonction pour la coordination mais si neutre qu'elle ne dit rien du tout de ce qui lie les deux entités féminines. La quatrième de couverture (passer la souris sur l'image juste à gauche, ou aller voir sur le site de l'éditeur), tellement parfaite qu'on dirait du Bonnand, vend un petit bout de la mèche.

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[relu] martine résiste, recueil de textes d'alain bonnand

Le Dilettante, 2003, 93 pages, 11 euros 50 lien
Martine résiste
reprend l'édition parue au Dilettante en 1988 revue et corrigée par l'auteur et augmentée de sept textes formant l'intitulé
“ L'Amour dans les journaux ”.

présentation de l'éditeur : Proche d'un Morand dont il a le goût du sprint et de la fringale d'aventures, et d'un Nimier, à qui il emprunte la dureté de dent et la pointes démouchetée. Pas d'épanchements chez cet auteur, mais les brefs moments d'une épopée amoureuse où défilent Martine et Annie, Cécile et Nathalie: fugaces comètes de la galaxie Bonnand, aussi vite disparues qu'entrevues, adulées qu'évincées.
couverture : atelier Civard

Bernard Pivot lors d’un Apostrophes lui aurait dit — ça doit pouvoir se vérifier — :
“ Oh, oh !
Alain Bonnand, on couche dans vos histoires ! ”.

— Oh, oh ! Monsieur Pivot, on lisait pas les livres dans vos émissions !
Ou alors c’était la vengeance froide d'une fichiste dédaignée par l’écrivain. Elle n’a même pas obtenu une dédicace malgré le rentre-dedans éhonté qu’elle lui a fait.  Alors elle a mis sur la fiche : “ on couche beaucoup dans les histoires d’Alain Bonnand ”.
Mais dans les histoires d’Alain Bonnand,lien on n’couche pas, Monsieur Pivot, on n’couche pas. Ou pas que, ou presque, ou alors très vite, extrêmement vite. On veut coucher, ou pas coucher, selon. Selon l’âge, la longueur des jambes, la fortune, la qualité de résistance de la dame.  Évidemment il n’est question que de cela, c’est comme qui dirait le thème du recueil. Évidemment.

Martine résiste qui donne son titre au recueil est un poème (en prose) noir. Il faut le lire plusieurs fois. Comme on va revoir un tableau aimé au musée. On s’étonne de le voir autrement, de l’interpréter d’une autre façon, d’y découvrir des détails méconnus, des beautés nouvelles, sombres.

L'Amour dans les journaux n'est pas une revue de presse... certains des articles commandés à Alain Bonnand n'avaient pas été fournis à temps, ou pas envoyés du tout. Merci Le Dillettante ! 

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[lu] chroniques syriennes

Cadre rouge  304 pages - 19.00 € TTC -- "Quelques années avant que la guerre n’éclate, Stéphane Chaumet s’installe en Syrie, dans la ville de Lattaquié.  Ni touriste, ni journaliste, il ouvre les yeux, les oreilles, les narines, les mains, se fait éponge. Les rencontres commencent…    Nisrine, pas voilée, se glace dans l’espoir toujours déçu d’un mariage. Bana, sa cousine de vingt ans, voilée, joue avec le feu plutôt que de se consumer à attendre un mari. Hiba, véritable descendante du Prophète s’est fait tatouer sur le sein le prénom de son amant. Kinda, la cendrillon de 22h30, lutte pour préserver sa liberté. Sarab, brillante étudiante en médecine dont le père, général de l’armée, est surveillé par les services secrets. On croise aussi Victor, peintre français, que son homosexualité précipite dans des aventures périlleuses. Une bibliothécaire chrétienne envoie des SMS à Dieu, un mystique musulman fume du hash roulé dans les pages du Coran…    Autant de romans vrais où le désir, le sort des femmes, les liens de famille, la religion, la surveillance, l’hypocrisie sont vécus par des personnages saisis dans leur intimité. C’est un autre monde que le regard chaleureux de Stéphane Chaumet rend tout proche.    Stéphane Chaumet est né en 1971. Il a publié de la poésie avant Même pour ne pas vaincre, son premier roman, paru en 2011au Seuil."C'est la première fois que cela m'arrive : lire un livre en pensant à un autre... 127 pages, 15 euros -- "Les dames ont été malheureuses en 2011 : Alain Bonnand, qui habitait Damas, qui vivait là, en direct, les débuts de la révolte syrienne, a réservé tout son courrier à son ami le philosophe nihiliste Roland Jaccard. 47 lettres, comme autant de chapitres. On y croise : - Une famille de Français installé bourgeoisement quartier Malki - Un dictateur idiot - Un écrivain rentier, bibliophile, footballeur et cuisinier - Un marchand chrétien, cinq coiffeurs - Un ambassadeur de France réclamant la danse - Un poète en prison au cimetière - Des jardiniers - Un bibliothécaire, sa femme - Des petites poules sur le bec -- Une valse de mots et d'idées qui vaut testament."

Deux écrivains, qui n'ont rien de touristes, ont vécu plusieurs années dans la Syrie d'avant la guerre civile. Leurs récits sont parus à quelques mois de distance (je les ai lu dans cet ordre) :

octobre 2012, Le testament syrien, par Alain Bonnand, chez Ecriture lien
[voir ma note de lecture du 10 novembre 2012] lien

mai 2013, Au bonheur des voiles, par Stéphane Chaumet, au Seuil lien

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[lu] renata n'importe quoi, roman de catherine guérard

éditions Gallimard, 1967, 204 pages

Brassaï : Clocharde, quai des Tuileries, vers 1930-1932 — (C) Estate Brassaï - RMN-Grand Palais — Crédit photographique : (C) Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / Adam
Clocharde, quai des Tuileries, Brassaï (c) Estate Brassaï - RMN

C'est un monologue intérieur, ininterrompu, qui couvre environ soixante heures : celui d'une femme simple qui en a assez et qui part. On entend d'abord sa jubilation et sa fierté de planter là sa patronne, la concierge de l'immeuble, les commerçants de sa rue qui ne comprennent pas ce qui lui prend tout  à coup. Puis, ses étonnements comiques (un self, le métro, un hôtel minable), ses bonheurs touchants (un banc, une rose, une pomme). Plus tard, sa rage et sa révolte, quand des personnes qu'on dit bien intentionnées tentent de mettre un terme à son envol, en la réinsérant malgré elle.

Catherine Guérard joue avec une ponctuation réduite au strict minimum (la virgule) pour rendre à l'écrit le flot des pensées de son héroïne. La virgule pour la respiration. Après tout quand on se parle à soi-même on ne met pas les points au bout des phrases, ni deux points, ni point virgule. Après une courte adaptation (relire les trois premières pages, par exemple) on pige vite le truc, le rythme.

Quel dommage que ce beau texte trop peu connu n'ait pas été adapté pour le théâtre. En le  lisant, je pensais à (j'entendais) Yolande Moreau ou Corinne Masiero.

Dans la suite à ce billet, lire un extrait de la chronique littéraire de François Nourissier, et la transcription d'une partie de l'émission Le Masque et la Plume du 10 décembre 1967 dans laquelle on entend la voix et le rire de Catherine Guérard.

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