[jaserie de nouvel an] on n'a pas tous les jours vingt ans
vendredi 10 janvier 2025
où il sera question du Louvre, de Venise, de Marcel Zanini, de Jackie Berroyer, et de l'Opéra Comique
Voilà qu'il me revient un peu tard que mon blog a eu vingt ans en décembre 2024.
— Vieille blogueuse indigne qui a oublié de saluer en temps et heure la maturité de son rejeton !
— Pas plus qu'elle n' a accueilli l'an neuf avec un vague bilan d'activités, ni même un feu d'artifice de vœux à l'attention de ses quelques gentils lecteurs.
En guise de vaine réparation, voici un vrac de quelques images heureuses de mon année passée.
Une nuit au Louvre — Un soir de mai : c'était un mardi, jour de fermeture du musée. J'ai oublié comment j'avais eu vent de l'événement sur internet en tout cas j'avais sauté sur l'occasion.
Rendez-vous dans la pyramide en fin d'après-midi pour une déambulation en musique, et un concert final (Birds on a Wire, Stephan Eicher, Les Chanteurs d'Oiseaux, un mentaliste dont j'ai oublié le nom).
Les salles du Louvre vides de touristes, les escaliers monumentaux, les sculptures, peintures, des musiciens exceptionnels et rares.
Venise — En 1959, pour mes dix ans, mon grand-père maternel m'avait emmenée dans un voyage organisé en car dont le but était Venise. Le secret avait été gardé jusqu'au départ tout début juillet. Malheureusement je n'ai pas de photos souvenirs (une, qui avait été prise dans une trattoria mais que je n'ai pas retrouvée).
Cette année Jeanne-Petite-Fille a eu dix ans en août... vous devinez la suite.
J'étais revenue à Venise à plusieurs reprises et en toutes saisons, mais celle-là était vraiment spéciale, inoubliable.
Notre hôtel du Dorsoduro avait tout d'un charmant palazzo XVIIIè ; au petit déjeuner dans le jardin, chaque table disposait d'un pistolet-vaporisateur à eau pour chasser les pigeons qui fondaient avidement sur les miettes ! La Guidecca moins visitée était notre refuge fraîcheur en fin de journée, et les Zattere pour le spritz (moi).
La ville aux mille ponts en compte un de plus, immatériel, celui qui enjambe les générations : je ne serai plus là pour vérifier mais quelque chose me dit que cette tradition restera dans la famille...
Marcel et Jackie — À la rentrée, concert hommage pour l'anniversaire de Marcel Zanini (9 septembre 1923 — 18 janvier 2023), cette fois au Petit Journal Saint-Michel ; j'ai ressorti le petit livret que j'avais composé pour l'année de ses 100 ans (2023).
Il y a quelques jours, une surprise m'a cueillie quand j'ai ouvert le dernier roman de Jackie Berroyer : Presque mort à Venise, au Dilettante.
Le chapitre incipit est presque tout entier pour Marcel (qu'il ne nomme pas, juste Marcel). Berroyer l'avait écrit au présent, un peu avant la mort de son vieux copain :
“ Marcel n'est pas malade, il ne souffre pas physiquement. Il est seulement faible, usé, fragile et de ce fait privé d'activités. Mais alors que la musique est centrale dans sa vie, ne voyant presque plus, n'entendant pas davantage, il ne peut plus souffler dans ses binious et jouer ses disques. En conséquence, il s'ennuie. Il me rappelle monsieur Désir, ancien gardien dans l'immeuble où je vis depuis longtemps. Je le revois, veuf depuis quelques années, toujours assis dans l'entrée de la loge où il a passé une cinquantaine d'années. Il attend. On a l'habitude de dire que la vie est courte, écoutez ça : Alors Monsieur Désir, comment ça va ? Et lui en soupirant plaintivement : Oh là là... c'est long, la vie. Marcel est dans le même état d'esprit. Encore conscient, il attend en espérant que tout ça finira sans douleur. Il souhaite que ça ne traîne pas trop, et espère qu'un de ces matins, il aura le plaisir de ne pas se réveiller. Ah comme il doit être bon de ne pas se réveiller alors qu'on vivait comme mort. Être “ comme mort ”, c'est pas du tout comme “ être mort ”. Être mort c'est du solide, c'est franc... tous les morts vous le diront. À vrai dire, être comme mort, c'est comme être mort et le savoir. Marcel aura donc vécu peut-être un siècle entier. Et pour lui, la vie ne s'est pas trop mal déroulée. Mais je dois m'attendre tôt ou tard au triste coup de téléphone d'un proche. À moins que ce ne soit à lui qu'on annonce la disparition de mon auguste personne. On lui dira : tu as su ? Qui ça ? Qui ? Je n'entends pas. On lui présentera ma photo. Ah bon ? Lui ? C'est pas vrai ? Il est encore venu me voir il y a peu de temps. Il apportait toujours des bonnes pâtisseries. Il avait quel âge ? Même pas quatre-vingts ? C'est jeune.
[...] Il y a quelque temps, lors d'une de mes visites, Marcel et sa femme plus jeune m'attendaient dans l'encadrement de leur porte à ma sortie de l'ascenseur. Ils avaient maille à partir avec un pot de confiture. L'écrivain écrit “ maille à partir ”, c'était peut-être du fil à retordre. Je ne sais plus où son mes notes. Si on perd la note [...] ce n'est plus le même livre. Vous verrez ça quand vous serez écrivain. Mais ne bougez pas, ça me revient, c'était un différend. Ils avaient un différend avec un pot de confiture. Le couvercle résistait. Aucun des deux n'avait la force de desserrer ce couvercle. Alors, Zorro est arrivé. Bien sûr, face à ces êtres qu'un fort courant d'air pouvait plaquer au sol, j'ai su cacher ma fierté, ma joie d'avoir éprouvé ma pleine puissance en leur portant secours. Et sincèrement, constatant qu'ils me voyaient entouré d'un halo de lumière, j'ai simplement dit : C'est rien, c'est juste un peu de sainteté.
Chaque fois, lors de mes visites, sa femme moins âgée, mais bien malade et très fatiguée, s'excuse et retourne vite dans sa chambre un peu gênée. Je la rassure : Ne vous inquiétez pas, je ferai le thé moi-même et nous vous garderons de ces bonnes pâtisseries.
Je reste alors près de lui, parlant le moins possible pour lui éviter d'avoir à me demander plusieurs fois de répéter mes questions et je l'oriente toujours vers le jazz, son sujet roi. Musicien, il a voisiné avec tous les grands des meilleures années lorsqu'il vivait à New York.
Je le laisse au plaisir de me raconter pour la énième fois les mêmes anecdotes. Mais la mémoire me faisant de plus en plus défaut, je sens que je pourrai bientôt, grâce à cette infirmité réécouter ses histoires dans leur fraîcheur retrouvée. ”
Opéra Comique — Il fallait s'inscrire à temps (gratuitement) pour participer à cette expérience collective formidable. Une quarantaine de choristes amateurs venus d'horizons divers, une dizaine d'heures de répètes enthousiastes, et zou : sur la scène Favart le 9 novembre 2024 ! Salle comble (places gratuites également). Nous avons chanté des extraits pour chœur de La Périchole, Fantasio et Madame Favart d'Offenbach.
Nous étions magnifiquement dirigés par Iris Thion-Poncet, soutenus par son chœur professionnel Entresilences, avec au piano Katia Weimann. Bonheur, sourires, énergie... comme c'est facile et communicatif quand c'est bien préparé et accompagné.
Si ça vous chante... guettez les infos du site de l'Opéra Comique pour la saison prochaine !
La neige — Ça peut paraître grandiloquent, mais je n'avais pas pensé revoir un jour la montagne en hiver. Pas pour skier, non surtout pas ! Pour le blanc, la lumière, le froid astringent. J'en avais pris mon parti (peur de chuter, tout ça), mais les enfants n'ont pas eu besoin de trop insister et nous avons eu un Noël Blanc somptueux.
Il y a eu bien sûr d'autres moments 2024 délicieux, merci aux amis qui nous les ont fait partager.