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[babelio, masse critique] l'enfant chamane et autres bestioles à plumes, à poils et à peaux, nouvelles de jean-luc a. d'asciano

aux Forges de Vulcain,lien janvier 2024, 192 pages, 20 euros

lu pour l'opération Masse Critique de Babelio lien (on choisit un livre dans une liste de nouveautés, on reçoit le livre, on donne son avis sur le livre, on le partage)

Résumé L’Enfant chamane et autres bestioles à plumes, à poils et à peaux, recueille dix nouvelles aux correspondances souterraines, parle de l’enfance, de l’héritage, des arts et manières de fuir la violence des êtres, ou de comment se réconcilier avec eux. Adolescente en rébellion contre une cigogne sauvage, enfant chamane vivant au milieu de ses animaux, demi-fou sans domicile se créant un nid de ronces, frères siamois à la voix miraculeuse, reclus obsessionnel, fille d’explorateur ou dernière survivante d’un monde lointain, tous ces personnages portent en eux une vision du monde critique, drôle et désenchantée. Dans un univers se situant à la lisière du fantastique, ils font alliance avec d’étranges figures tutélaires : bestioles à plumes, poils ou peaux, qui leur permettent de réenchanter le monde et de vivre.La première fois que j'avais lu du d'Asciano, c'était en 2015 et déjà un recueil de nouvelles (Cigogne, Serge Safran éditeur, épuisé).

Puis il y avait eu l'inoubliable Souviens-toi des monstres en 2019, suivi du Tamanoir (tiens une bête à poils !) en 2020 (à quand une deuxième aventure d'i-celui ?) ; deux romans de genre mais de genres très différents : du mythologique fantastique pour le premier, du policier ésotérique pour le second !

C'est sans doute ça le truc de Jean-Luc André d'Asciano : mélanger les genres, hybrider les émotions, celles de ses personnages comme celles qu'il fait naître chez ses lecteurs.

Un écrivain alchimiste !

Donc ici, à nouveau des nouvelles. Dix. Une note de l'auteur explique la genèse de ce nouveau recueil qui reprend plusieurs des textes du premier (six). Trop facile pensez-vous ? Que nenni.


Déjà, parce que le premier recueil étant épuisé il aurait été dommage et triste pour vous de ne jamais connaître Klappi la cigogne, le docteur Loizeau, le maître de Zsa-Zsa, le corbeau qui disait Viva el Duce, et d'autres encore. Moi je les ai retrouvés avec infiniment de plaisir et j'ai adopté avec enthousiasme les nouveaux venus.

Ensuite, quand on compare les tables des matières, on voit se dessiner des entrelacements, des liens tentaculaires entre les histoires. Un corpus organisé prend forme, dirait une exégète trop sérieuse et un peu ridicule.

Avec la nouvelle inédite L'Ami 8, La Trilogie chamane du premier recueil, devient tétralogie dans le second. La dixième nouvelle, inédite elle aussi, a des allures de début de quelque chose d'ambitieux. L'auteur laisse entendre dans sa note qu'il pourrait s'agir des prémisses “ d'une monstrueuse histoire des lointains ”... L'auteur est malicieux mais on peut lui faire confiance pour tenir ses promesses : une nouvelle du premier recueil (Siamois) lui avait servi d'amorce pour le gros roman de Raphaël et Gabriel (Souviens-toi des monstres). On la retrouve entière avec bonheur sous un autre titre, volcanique : Manuscrit trouvé dans les champs Phlégréens, en tant qu'épisode douze d'une série mystérieusement intitulée Les Voyages du professeur Otto. Au passage, on a seulement deux épisodes de la série, le troisième et le douzième ! Où sont les autres ? L'auteur est taquin... À suivre.

Je vous ai perdus ? Je n'aurais peut-être pas dû commencer par une analyse de tables des matières !
Je vais aggraver mon cas avec l'observation suivante : il n'y a pas que dans l'organisation des recueils que l'on découvre des liens entre les textes. On en trouve aussi au détour d'une histoire, quand on entraperçoit une scène, un lieu, ou l'évocation d'un personnage (humain ou animal) d'une autre nouvelle. Il ne faut pas les chercher, juste se laisser surprendre par la fantaisie onirique et débridée de l'auteur, se laisser aller au charme (dans tous les sens du terme) de son imaginaire.
Avec exemples, ce sera plus clair ; désolée si je divulgâche un peu.

À la fin de L'esprit des ronces un magnifique hibou blanc s'élève au dessus du roncier qui va servir d'abri à un pauvre hère déboussolé et à sa chienne proche de mettre bas : un saint-esprit profane qui signale au vieil homme que son errance est finie.
Des ronces, il y en a sur un terrain vague pas loin de chez l'enfant qui parle avec les bêtes, et qui s'y réfugie le soir. Son amie la chouette ressemble pas mal au hibou du clochard. L'enfant avait d'ailleurs vu passer l'homme et ses chiens mais n'en parlera pas quand la police s'intéressera à des ossements découverts non loin.
À la fin de Cigogne, Mariam l'adolescente révoltée rêve qu'elle s'enfuit avec Klappi la cigogne apprivoisée par son père. Le volatile est juché derrière elle sur la selle de sa mobylette rouge. Toutes deux s'évadent gaiement en riant à la sauvagerie retrouvée. Cette jeune fille à mobylette est celle qu'aperçoit l'enfant chamane en voiture sur la route des vacances dans L'Ami 8. Elle a l'air heureuse, elle lui fait envie. Sur les genoux de l'enfant, sa lecture de route : Les Voyages du Professeur Otto (!).
Ce ne sont que quelques exemples de croisements entre les histoires, entre les rêves, vous en trouverez d'autres...

L'enfant chamane, héros et narrateur de la Tétralogie, est le petit personnage qui fait passer les émotions les plus vives par ses observations naïves teintées de cruauté et de drôlerie. Il grandit au milieu de drames et secrets familiaux sans en avoir pleinement conscience. Son intelligence particulière et son don pour communiquer avec les animaux lui servent de béquilles dans un environnement dysfonctionnel qu'il découvre peu à peu, et nous avec lui.

Le Premier arbre de la forêt est la dernière nouvelle du recueil, la plus étrange de toutes, très différente des autres. Un tremplin pour une nouvelle création ? C'est la seule du recueil à basculer franchement dans la science-fiction. Un univers dystopique où le témoin humain survivant doit sa subsistance à des machines, où les fantômes d'animaux massacrés le hantent, où le souvenir de la violence le poursuit. Sombre. S'y glisse malgré tout comme un clin d'œil spectral certain... tamanoir !

Merci beaucoup à Babelio et aux Forges de Vulcain pour cette re-découverte augmentée et enthousiasmante des bestioles littéraires de Jean-Luc d'Asciano.


>> notes de lecture d'autres ouvrages de Jean-Luc A. d'Asciano (suivre les liens)

  • Cigogne
    Sept textes courts, dont le plus long donne son titre au recueil. Mais c'est un peu injuste pour les corbeaux de la dernière nouvelle, les molosses de la première, le hibou de L'esprit des ronces, le lama et les nombreux chats (y compris celui de Schrödinger) de la Trilogie chamane. Un bestiaire littéraire étonnant, peut-être pas si éloigné que ça de celui de Colette...

  • Souviens-toi des Monstres
    La naissance des siamois Gabriel et Raphaël suscite effroi et inquiétude dans une petite île volcanique italienne. Protégés de la malveillance par quatre frères et deux sœurs, ils grandissent et développent un don étrange : leurs chants réveillent des forces surnaturelles qui attirent le poisson dans les filets, repoussent une épidémie de vérole, convoquent les mânes des disparus. Monstrueux pour les uns, miraculeux pour les autres… 

  • Tamanoir
    Lorsqu’il apprend que deux équipiers d’une association d’aide aux SDF ont été massacrés au Père Lachaise, le Tamanoir décide de reprendre du service. À la soupe populaire, le justicier est mis sur la piste d’un possible témoin : un vieux clochard puant et mutique toujours flanqué d’une chatte borgne peu aimable. Le personnage et l’animal qu’il débusque au fond d’un caveau lui réservent bien des surprises…

 

 

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