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[lu, babelio] le café où vivent les souvenirs, roman de toshikazu kawaguchi

chez Albin Michel, novembre 2023, 256 pageslien, 18 euros 90

4è de couv : Sur le flanc du mont Hakodate, au nord du Japon, le café Dona Dona est réputé pour sa vue imprenable sur le port de la ville. Mais surtout, comme au café Funiculi Funicula, à Tokyo, il est possible pour ses clients d’y vivre une expérience extraordinaire : voyager dans le passé, le temps d’une tasse de café.  On y rencontre Yayoi, une jeune fille qui en veut à ses parents défunts d’avoir fait d’elle une orpheline ; Todoroki, un comédien qui se languit de son épouse et de leurs rêves communs ; Reiko, submergée par la disparition de sa sœur ; Reiji, qui réalise trop tard à quel point il aime son amie d’enfance… Autant d’âmes sincères et émouvantes qui, en retrouvant un pan de leur passé, apprennent à regarder le présent autrement et à envisager l’avenir avec plus de sérénité. —  Avec sa voix singulière et le talent de conteur qui ont fait son succès dans le monde entier, Toshikazu Kawaguchi signe un nouveau roman plein de sensibilité et de finesse, aussi réconfortant qu’un bon café chaud.Ce roman m'a été offert à l'occasion de la rencontre avec l'auteur organisée par Babelio et Albin Michel le mardi 10 octobre.
À la différence de rencontres précédentes personne n'avait pu lire le livre avant et il n'y a pas eu de questions à l'écrivain.
Pourtant j'ai vécu un moment délicieux et mémorable.
L'endroit, déjà : un concept store gastronomique japonais tout neuf avec vue sur la Bourse du Commerce, épicerie japonaise, restaurants, bars. Nos hôtes nous ont gâtés : bouchées niponnes variées, yakitori, moshis, cocktails raffinés, à volonté. Finalement tout le monde semblait ravi de ce type de rencontre littéraire plutôt inattendu. On bavardait par petits groupes, on se serait cru dans une rencontre de blogueurs des années 2005-2010 (tiens, un voyage dans le temps ?).
Toshikazu Kawaguchi, fort sympathique, extrêmement souriant, a fait de nombreuses dédicaces calligraphiées mais n'a rien dit à la cantonade sur son roman.
Comme je n'avais pas eu le livre à l'avance et ne connaissais pas l'auteur, quelques jours avant la rencontre j'ai lu son précédent (le deuxième, en poche, 2022 en France) : Le Café du temps retrouvé.

J'ai ainsi compris que Toshikazu Kawaguchi exploitait depuis Tant que le café est chaud (2017 au Japon) un filon bien rôdé : l'écriture de romans composés chacun de quatre histoires qui pourraient être indépendantes. Dans chacune, un homme ou une femme accepte de voyager dans le passé, le temps de déguster un café, pour retrouver une personne aimée inaccessible dans le présent et communiquer avec elle. Les constantes entre les histoires sont : le décor, le personnel du café, les règles un peu magiques de l'opération. Dans sa conclusion, chacune de ces histoires simples exprime que même si la réalité ne peut être changée, en particulier si les morts ne peuvent ressusciter, ceux qui vivent peuvent changer (au moins de perception), eux.

On découvre dans ce troisième volume que le petit troquet sombre de Tokyo, le Funiculi Funicula, décor exclusif des deux premiers romans, a une succursale dans l'île d'Hokkaidô : le Dona Dona. On est maintenant en 2030. Nagare le solide patron du FF est venu y remplacer sa mère, partie aux États-Unis pour un temps. Avec lui, pour tenir la boutique, il a amené la fidèle Kazu accompagnée de sa fille, la petite Sachi, 7 ans. Kazu a transmis à Sachi le pouvoir de servir le café très chaud qui permet au client (ou cliente) qui le demande de se transporter dans le passé pour revoir une personne aimée disparue. Si l'on veut revenir de ce court voyage dans le temps, il faut absolument respecter le règlement strict et inviolable dont Sachi est maintenant la vestale, après Kazu. La première des quatre histoires est celle d'une jeune femme dont les parents sont morts dans un accident de voiture quand elle était petite. Elle veut les revoir, mais c'est pour leur reprocher ses échecs et son mal-être persistant. En les voyant elle comprend combien elle a été aimée bébé, que son bonheur présent est entre ses mains, pas dans le ressassement de son soi-disant abandon. Il y a ensuite l'histoire d'un humoriste désespéré par la mort de sa femme, celle de deux sœurs brutalement séparées par le décès de l'une d'elles, et enfin celle d'un amoureux dépité de ne pouvoir se déclarer. Effectivement, ce sont des histoires tristes ! Mais heureusement elles sont enrobées dans l'atmosphère bienveillante du café,  et l'animation joyeuse créée par la petite Sachi avec son livre de 100 questions à choix multiple ("Et si le monde devait s'effondrer demain ?").

Je rapproche l'effet que m'a fait Le Café où vivent les souvenirs avec mon engouement pour la série Makanai, dans la cuisine des maikolien de Hirokazu Kore-Eda sur Netflix.
Le Japon de Kawaguchi est très spécifique : des gens ordinaires dans leur vie citadine sans éclat, un peu conservateurs, respectueux des traditions et des croyances populaires, mais follement sympathiques. Kawaguchi décrit finement les relations dans les familles, les couples, les groupes d'amis. Les détails sur la vie quotidienne japonaise, les rites et les saisons confèrent un charme indiscutable à ce roman léger, divertissant, émouvant.

l'auteur Toshikazu Kawaguchi signant Le Café où vivent les souvenirs, mardi 10 octobre 2023, bar Irasshai — crédit photo : tilly

 

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