[dépêches] un mort chasse l'autre
mardi 05 décembre 2017
où il sera question de Roger Grenier, Gérard Bourgadier, François-Henri Désérable (l'heureux intrus dans la série), et Jean d'Ormesson... mais pas de Johnny H. (ajout en hommage, le 6 décembre)
Hier j'avais fini de peaufiner mes 3000 signes pour la page Actualités/Auteurs dans le numéro double de janvier-février 2018 de la revue mensuelle Notes bibliographiques.lien
Un dernier lustrage, et hop, j'envoie le travail à mes rédacs cheffes, avec la page Evénements et la page Prix de même calibre dont je suis aussi responsable, et quelques vignettes pour illustrer le tout.
A temps et même en avance pour le bouclage de lundi prochain, nickel chrome, je pouvais partir tranquille sur mes terres.
Ce matin, patatras, un Immortel est mort.
Cette page Auteurs, je l'avoue, me peine chaque mois un peu, car à part les nominations à l'Académie Française et les Pléiadisations, le gros du texte est consacré aux nécros. Moi, en nécrologiste, bénévole certes, mais sans aucune formation préalable. Chaque mois, je comprends un peu mieux que dans les rédactions professionnelles, ce soit une fonction reconnue, au pire un métier, un vrai...
Retour arrière, hier : sur ma page, pleine, dûment expédiée, j'avais déjà Françoise Héritier, Roger Grenier, et l'annonce de la publication de la correspondance entre Albert Camus et Maria Casares.
J'étais assez fière de ma nécro Roger Grenier. Un peu triste aussi, parce que c'est moi qui choisis mes morts et que celui-là m'était cher.
Et ce matin, donc, dilemme. Qui faire sauter pour faire de la place à Jean d'O ?
Je dispose, en bas de page, d'un petit espace pour des brèves moins rédigées, mais il était déjà occupé par Gérard Bourgadier et Jean Anglade. Impensable de caser Jd'O si bas.
Impensable aussi de faire l'impasse sur la triste nouvelle, ou de la repousser au numéro de mars, car même si une couverture médiatique tsunamiesque va rendre mon petit article bien peu visible, les lecteur.rice.s des Notes auraient trouvé ça un peu irresponsable.
Tandis que Roger Grenier...
C'est donc le cœur gros que j'ai relégué Grenier dans la cave de mes Brèves. Avec Gérard Bourgadier, il ne sera finalement pas trop mal, même si j'ai du réduire drastiquement mon article original.
Ce que j'avais trouvé de bien pour Roger Grenier, c'était d'ajouter à ma petite prose convenue, un extrait d'Un certain Monsieur Piekielny, dans lequel François-Henri Désérable raconte son entretien avec Grenier, rue Gaston Gallimard. Alors voilà ce que ça donnait et que les lecteur.rice.s des Notes ne liront pas... :
Roger Grenier
Le doyen des éditions Gallimard vient de disparaître à 98 ans. Chroniqueur, homme de radio, scénariste, écrivain, éditeur, il était le grand témoin d'un demi-siècle de vie littéraire immortalisé dans ses Instantanés, collection de portraits d'écrivains saisis sur le vif.
Dans Un certain M. Piekielny, François-Henri Désérable met en scène celui qui fut le voisin et ami de Romain Gary.
« Quand je l'ai rencontré il ne se levait plus aussi tôt. Mais il continuait, chaque jour, de descendre la rue du Bac, jusqu'aux éditions Gallimard où, fin 2014, par un après-midi sans soleil il me reçut dans son bureau où il avait reçu pêle-mêle, Bernard Wallet, grand homme et grand cœur, éditeur et athlète, Blondin et sa "silhouette fragile, un peu inachevée", Gallimard, Gaston, le patriarche, en costume gris et en nœud papillon, Prévert, du temps où "même assis il ne tenait plus debout", Sartre, l’œil vrillant derrière le verre de ses lunettes et le nez camus, Camus, l'ami intime, intimidant, rencontré à Combat, du beau monde, donc, et puis maintenant Désérable. Patatras. ».
Je vous fait généreusement grâce de ma nécro Jean d'O qui n'a rien d'original puisque nourrie des hommages lus et entendus ici ou là, par vous comme par moi, toute la journée.
note 1
Je n'ai pas fait de recension ici d' Un certain Monsieur Piekielny de François-Henri Désérable, mais j'en recommande vivement la lecture, que du plaisir, du grand ! Dommage qu'il n'ait pas eu de prix cet automne.
note 2
Je crois que c'est assez rare que, quand deux jeunes écrivains sortent un roman lors de la même rentrée littéraire, l'un fasse la promo de l'autre. C'est ce que fait François-Henri Désérable pour Erwan Lahrer (Le Livre que je ne voulais pas écrire) !
" Chacun a quelque chose à raconter sur le 13 novembre 2015, mais après avoir lu « Le livre que je ne voulais pas écrire » on se dit que tout, justement, a été écrit. Erwan Larher est écrivain. Il s’est trouvé un soir parisien de novembre, comme il le précise en quatrième de couv, « au mauvais endroit au mauvais moment » : il était au Bataclan, il a pris une balle dans les fesses, « un projectile de 7,62 tiré à bout portant ». Il en a tiré ce livre, cette œuvre littéraire, casse-gueule au possible, et il s’en est remarquablement sorti : on rit (et pourtant ça n’est jamais gênant), on pleure (et pourtant ça n’est jamais larmoyant), et on le referme avec l’envie de serrer son auteur très fort dans nos bras. Lisez-le, ce livre qu’Erwan Larher ne voulait pas écrire : il y a dans ces pages un peu de rose, un peu de gris et beaucoup d’or, comme ce soir dans le ciel de Paris. "
note 3
François-Henri Désérable sur Jean d'Ormesson, ce mardi 5 décembre : “ il avait le génie du titre, des vers souvent qu'il empruntait à des poètes : Odeur du temps, Et toi mon cœur pourquoi bats-tu, Un jour je m'en irai sans avoir tout dit... Nous pouvons le dire aujourd’hui : c'est une chose étrange à la fin que le monde sans Jean d'Ormesson.”