[lu, babelio] l'homme qui s'envola, roman d'antoine bello
mercredi 14 juin 2017
chez Gallimard, collection Blanche, 320 pages,lien avril 2017, 20 euros
Ces temps-ci, le thème de la disparition volontaire inspire beaucoup, et en bien, les écrivains.
Récemment, il y a eu les évaporés de Thomas B. Reverdy, les éclipsés de Jérôme Leroy, voici l'envolé qu'Antoine Bello présentait par un beau jour de mai dans un salon de la rue Gaston Gallimard.
Mon avis : excellent “ faux ” roman américain, L'Homme qui s'envola est une parfaire lecture d'été ; mais attention à l'effet pelote : vous ne vous arrêterez pas là, et deviendrez, comme moi, fan des histoires de Bello !
Comme d'habitude ici, si vous passez la souris sur l'image de la couverture à gauche, vous lirez le résumé de l'éditeur qui est bien sûr irréprochable.
Je pourrais m'arrêter là...
Mais ce serait faire montre d'ingratitude car j'ai eu la chance d'écouter l'auteur présenter son livre, se raconter un peu, expliquer comment est né ce roman.
Antoine Bello est généreux, dans son écriture comme envers ses lecteurs-auditeurs ; je me sens donc autorisée à partager ici quelques petits secrets de fabrication qu'il nous a révélés lors de la rencontre.
Walker, c'est moi !
Il ne l'a pas gueulé comme Flaubert, mais cela m'a marquée... parce que Walker, même fort sympathique et séduisant, est loin de n'avoir que des qualités et que son passage à l'acte (se faire passer pour mort) est quand même une sacrée folie. Or justement, Antoine Bello dit qu'il a écrit ce livre comme un exorcisme, pour ne jamais faire comme Walker. Il ne cache pas que l'idée lui soit venue au temps où il était un jeune business man heureux en affaires mais débordé (peut-être pas encore en charge de famille nombreuse ?). Un jeu avec une idée, comme ça, puis mise de côté pour en faire un roman, un jour. Ce qu'il veut dire finalement, c'est que comme Walker, il est super organisé, ne laisse jamais rien au hasard, aime anticiper les coups, prendre le contrepied si nécessaire. Un peu obsessionnel... mais charmant !
Skip tracing
Cette vieille idée ressurgie a téléscopé la découverte d'un métier original, vu seulement aux États-Unis où Antoine Bello vit depuis 15 ans : skip tracer. Un peu comme le chasseur de prime des westerns, sauf que la prime au skip tracer est déterminée par une compagnie d'assurance qui ne croit pas à la mort d'un souscripteur. Bello a trouvé sur internet une documentation pléthorique sur la profession et ses méthodes. Shepherd est le skip tracer qu'il lance sur la piste de Walker, comme un berger chargé de ramener un animal échappé. Leur jeu du chat et de la souris les conduit aux quatre coins du pays, chacun cherchant à imaginer le comportement de l'autre. Comme au final ils se ressemblent et se connaissent de mieux en mieux, le duel devient presque fantastique, chacun pouvant remplacer l'autre : chat-souris, souris-chat. Il existe aussi la possibilité non nulle que Bello soit un félin manipulateur !
Sarah
C'est un magnifique personnage, aux réactions inattendues (surtout à la fin).
Femme et mère, elle est l'équilibre et le réalisme de cette histoire, l'arbitre du duel, passant du second plan à la plus haute marche du podium. Chut.
Invention
Je vous dit ça comme il nous l'a dit : Antoine Bello n'a rien inventé dans L'Homme qui s'envola... sauf les situations et les personnages. Tout le reste est exact ! Même le déguisement réversible Batman/Joker, ça existe, rien d'impossible aux US !
Style
Il commence à faire trop chaud, je me repose en empruntant — le Monsieur est charmant, il me pardonnera — à GIlles Lapouge (Maupassant, le sergent Bourgogne et Marguerite Duras) sa formidable description du style “ blanc ” de Simenon ; je trouve qu'elle convient bien à l' écriture fluide de Bello, simple et précise, efficace, à fort pouvoir d'évocation quelque soit le lieu, l'époque, le milieu décrit :
“ [il] avait réussi la prouesse de se forger un style magnifique avec cette absence de style qui m'avait d'abord choqué. ”
Antoine Bello écrit beaucoup et vite (un peu comme S.), un livre par an, en variant les genres : initiation, polar, anticipation, aventure, thriller, etc. Et chaque fois, l'écriture ne démarre qu'après 3-4 mois de recherche de documentation, l'élaboration d'un synopsis hyper détaillé d'une cinquantaine de pages, et surtout la rédaction d'une note d'intention (aka memorandum of understanding, mou, — difficile de perdre des habitudes de manager ! — ) destinée à lui-même, sorte de contrat qui définit à l'avance la finalité du roman, la trajectoire des personnages. Antoine Bello n'est pas de la même école que ces écrivains qui disent se laisser guider/manipuler/surprendre par leurs personnages...
Merci à Babelio (Pierre Krause), à Gallimard, et à Antoine Bello
>> elles et ils en parlent aussi :
- sur Babelio
- [à compléter]
>> autres lectures d'Antoine Bello :
- sur ce blog : Les Producteurs
- [à compléter]