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3 notes en avril 2017

[lu] trois saisons d'orage, roman de cécile coulon

chez Viviane Hamy, janvier 2017,lien 272 pages, 19 euros

4è de couverture - Les Fontaines. Une pierre cassée au milieu d’un pays qui s’en fiche. Un morceau du monde qui dérive, porté par les vents et les orages. Une île au milieu d’une terre abrupte. Je connais les histoires de ce village, mais une seule les rassemble toutes. Elle doit être entendue. L’histoire d’André, de son fils Benedict, de sa petite-fille, Bérangère. Une famille de médecins. Celle de Maxime, de son fils Valère, et de ses vaches. Une famille de paysans. Et au milieu, une maison. Ou ce qu’il en reste. -  Trois générations confrontées à l’Histoire et au fol orgueil des hommes ayant oublié la permanence hiératique de la nature.  Saga portée par la fureur et la passion, Trois Saisons d’orage peint une vision de la seconde partie du XXe siècle placée sous le signe de la fable antique. Les Trois-Gueules, « forteresse de falaises réputée infranchissable », où elle prend racine, sont un espace où le temps est distordu, un lieu qui se resserre à mesure que le monde, autour, s’étend. Si elles happent, régulièrement, un enfant au bord de leurs pics, noient un vieillard dans leurs torrents, écrasent quelques ouvriers sous les chutes de leurs pierres, les villageois n’y peuvent rien ; mais ils l’acceptent, car le reste du temps, elles sont l’antichambre du paradis. - Cécile Coulon renoue ici avec ses thèmes de prédilection – la campagne opposée à la ville, la lutte sans merci entre l’homme et la nature –, qui sont les battements de cœur du très grand succès que fut Le Roi n’a pas sommeil (Éd. Viviane Hamy, 2012).Est-ce que c'est la blondeur de l'auteur ?
Je ne peux m'empêcher de rapprocher la saga des Trois-Gueules de Cécile Coulon, des cycles romanesques de la scandinave Selma Lagerlöf (1848-1940).

D'accord, ni l'époque ni les lieux ne coïncident, mais dans l’œuvre de chacune d'elles, il y a le rôle primordial que jouent la nature, les éléments, la terre, et l'affrontement entre ruralité et industrialisation.

L'une et l'autre y voient des forces que les hommes et les femmes sont incapables de maîtriser (alors qu'ils en ont le désir et s'en croient capables) et qui finissent toujours par forger leurs destins. Pour la Suédoise, ça se passe au XIXè siècle ; pour la Française, dans la seconde moitié du XXè, au cœur d'un massif montagneux imaginaire du centre de la France. Toutes deux sont des conteuses magnifiques qui inventent des mondes romanesques dans lesquels elles laissent affleurer le fantastique.

Les Trois-Gueules, c'est le nom du pays où s'installe juste après la seconde guerre un jeune médecin lyonnais, André.
Des falaises abruptes, des carrières de pierre, des bois épais, un village à l'écart des voies de communication.
Sous l'impulsion de carriers ambitieux, la population paysanne locale voit arriver en nombre des ouvriers venus d'ailleurs (ils sont couverts de poussière de pierre, on les surnomme les fourmis blanches). Le village change.

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[balade] april à paris

aux Tuileries, place Colette, au jardin du Palais-Royal

conversations (sièges pour les) poétiques au Palais RoyalÇa déambule calme et béatement ce matin d'avril, aux Tuileries.
Contournant le bassin côté Louvre, je remarque venant vers moi, la silhouette androgyne d'un tout jeune Japonais1 seul, ce qui est déjà un sujet d'étonnement.
J'ai à peine le temps de mieux détailler son élégance qu'il est assailli par une volée de fillettes aux pépiements typiquement britanniques ; des school girls fraîches et rieuses aux cheveux brillants.
La suite est prévisible : chacune vient poser avec le garçon pour un selfie, puis dégage en sautillant pour laisser la place à la suivante.
Je dépasse le petit groupe à regret, et laisse les jeunes filles à leur transe de groupies émoustillées, sans avoir pu comprendre si le jeune homme à la veste noire et brandebourgs dorés était ou non la vedette d'un boys band nippon !

Continuant en direction de la place Colette, il me revient un souvenir, hum lointain... c'est à cause de ces petites...
J'avais leur âge quand, avec ma grande amie Katia et nos correspondantes anglaises, nous avons visité Windsor... et Eton dont les rues étaient envahies de garçons en frac et canotier, à notre stupéfaction amusée.
C'est Katia qui avait eu le courage de demander à deux Etoniens en grand uniforme d'accepter d'être photographiés ; et si l'une de nous a posé avec eux, c'est Katia, pas moi, bien trop shy...
Mais l'histoire ne s'arrête pas là ; Katia a épousé un Anglais, Mark, et vécu longtemps dans une fort jolie maison du Sussex ; un jour qu'elle recevait des voisins, elle raconte l'anecdote des petites françaises à Eton, et voit un des convives s'agiter... elle va chercher l'album où elle a soigneusement gardé le tirage de la fameuse photo, et l'ancien d'Eton se reconnaît dessus !!!!
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1. si jeune ! et déjà ponais !

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[lu, santé] mes mille et une nuits, essai de ruwen ogien

Albin Michel, janvier 2017,lien 256 pages, 19 euros

4ème de couverture — « Faire durer le suspense comme Shéhérazade, en évitant de me mettre à dos les soignants, c’est le mieux que je puisse espérer, si j’ai bien compris la nature de ma maladie. »  Dans cet essai très personnel, Ruwen Ogien suit et questionne avec humour et perspicacité le parcours du malade, les images de la maladie, les métaphores pour la dire, pour l’oublier ou pour en faire autre chose qu’elle n’est. Ne dit-on pas souvent qu'elle serait un défi à relever, un test pour s'éprouver, une expérience qui, une fois dépassée, pourrait même nous enrichir ? Farouche adversaire d’un tel « dolorisme », Ruwen Ogien ne trouve aucune vertu à la souffrance : à ses yeux, ce qui ne tue pas ne rend pas plus fort, et la résilience n'est pas la panacée.   Un livre fort, une pensée vive qui nous aide à comprendre le quotidien de la maladie, à prendre conscience qu’elle a bien des causes, mais certainement pas des raisons. — Directeur de recherches au CNRS, philosophe, défenseur d’une conception « minimaliste » de l’éthique, Ruwen Ogien est l’auteur de nombreux ouvrages, dont L’influence de l’odeur des croissants chauds sur la bonté humaine et autres questions de philosophie morale expérimentale (2011), Philosopher ou faire l’amour (2013), Mon dîner chez les cannibales et autres chroniques sur le monde d’aujourd’hui (2015).Si c'est un livre sur l'insomnie que vous venez cherchez ici, vous serez déçu.
D'ailleurs, l'insomnie est-elle une maladie ? C'est l'une des premières questions que le philosophe pose : c'est quoi être malade. Pas si facile de répondre.
Pour circonscrire le propos de son essai, Ruwen Ogien choisit (si l'on peut dire) de parler de ce qu'il connait : la longue maladie dont on ne guérit pas, l'affection longue durée inscrite sur la carte vitale, celle dont il est atteint depuis quatre ans, le cancer.

“ J'ai beaucoup hésité, bien sûr, à étaler ainsi une partie de ma vie privée pour un bénéfice intellectuel qu'on peut juger dérisoire. Mais j'ai fini par trouver qu'il n'y avait pas de bonnes raisons de faire silence sur ce qui nous préoccupe tous : la santé, la maladie. J'ai même, à présent, le sentiment que refuser de l'exposer ainsi n'est rien d'autre qu'une posture élitiste, un moyen de faire savoir qu'on n'appartient pas à la masse bavarde des mortels. ”

Pas gai ? Non, mais pas triste non plus.

“ Être malade est en train de devenir mon vrai métier, mais j'aimerais bien être licencié. ”

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