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[lu, vu] abdel hafed benotman, un diamant noir

billet inspiré par la lecture d'Un jardin à la cour  d'Hafed Benotman,  par le film Diamant noir d'Arthur Harari, une conversation avec une libraire, des articles trouvés ici et là...

Abdel Hafed Benotman (capture image video youtube)

Ça a commencé il y a pas longtemps, en mai 2016, par une lecture non choisie pour un comité de lecture.
Le livre venait de paraître, je ne connaissais rien de l'auteur Abdel Hafed Benotman.

La bio de l'auteur en quatrième de couverture était intrigante, alors j'ai gougueulé.
Juste ce qu'il fallait pour apprendre que Benotman était mort en février 2015 à l'âge de cinquante-quatre ans et qu'il avait passé près d'un tiers de sa vie en prison.
Pour voir quelques photos aussi, je l'avoue : une belle gueule mature emprunte de sérénité souriante, bien loin de l'image de celle d'un truand récidiviste que je pouvais imaginer.

Je m'en suis tenue là, et j'ai lu Un jardin à la cour.

le livre
C'est un recueil de textes publiés post-mortem : un court roman-récit autobiographique inachevé et une série de quinze nouvelles. L'écrivain-braqueur multi-récidiviste, apatride, tirait de son existence fracassée la matière principale de ses écrits. Les thèmes noirs et déchirants sont  éclairés par l'amour de la littérature et du théâtre, et par une écriture à cœur ouvert, pleine de rage et de violence, mais teintée d'humour (noir aussi) et de malice. Une voix forte et prégnante, une énergie créatrice bouleversante. Une belle découverte pour moi, avec en même temps le sentiment de tristesse de la perte : c'est jeune, cinquante-quatre-ans.

la libraire
Quelque temps après, lors d'une soirée Tête de lecture, je bavarde sympathiquement avec une libraire. Quand je lui dis que je fais partie du comité de lecture des Notes bibliographiques, elle m'interroge sur mes récents coups de cœur. A peine cité le nom de Benotman, elle réagit. Visiblement émue et enthousiaste, elle me raconte qu'elle l'avait effectivement invité/rencontré une fois lors d'une signature, combien il avait été brillant, passionnant, charismatique, et vrai. Je sais pas trop pourquoi, y'a pas vraiment de raison, mais ça m'a fait plaisir qu'elle dise ça.

le film
Début juin, les critiques cinéma mettent le projecteur sur un premier long métrage réussi : Diamant noir d'Arthur Harari. J'enregistre la recommandation, sans plus. Mais sans doute parce que Benotman me trotte toujours dans la tête, j'apprends je ne sais plus comment que le film lui est dédié. Puis qu'il est dans la distribution en tant qu'acteur.
Je ne tergiverse plus, je vais voir Diamant noir.
C'est un thriller, un film de genre, sur la vengeance, vraiment réussi.
Benotman y joue magnifiquement un rôle important. Il est Rachid, braqueur humaniste et non violent (!), figure paternelle de substitution auprès du personnage principal. Dans une scène hallucinante du début du film, il coach le jeune Pier (Niels Schneider) qui veut venger son père ; il veut le convaincre que "faire du mal" à un ennemi ne signifie pas forcément faire couler le sang, qu'il est des manières plus subtiles et efficaces.
Cela m'a bouleversé de voir "vivre" Benotman sur l'écran, d'entendre sa voix.

quatrième de couverture : Dans la veine de Eboueur sur échafaud, une autofiction décapante, drôle, et parfois poignante sur le milieu carcéral et les conditions dans lesquelles la justice est rendue. Dans ce livre posthume, Hafed Benotman s'affirme comme un polémiste au mauvais esprit salutaire et comme un créateur de langage aux intuitions fulgurantes. — Abdel Hafed Benotman est né en 1960. Il est de nationalité algérienne mais a toujours vécu en France. Il a fait un certain nombre de séjours en prison pour braquages. Il joue des petits rôles au cinéma et se consacre à l'écriture. Diamant noir, l'affiche

 

les hommages/témoignages (liens)
Ça faisait vraiment beaucoup de "rencontres" en peu de temps avec un fantôme séduisant et touchant. Alors j'ai fait des recherches un peu plus précises, en attendant de lire d'autres livres d'Hafed Benotman, ce qui est bien le meilleur des hommages à lui rendre.

“ J’ai connu Hafed Benotman le temps d’une courte année, entre le jour où j’ai décidé que je voulais qu’il joue l’un des rôles principaux de mon premier long métrage, Diamant noir, et sa mort il y a quelques jours. Entre-temps, nous avons tourné ce film ensemble, et j’ai trouvé en lui un homme et un acteur exceptionnels, un ami et un frère. Une de ses amies m’a dit de lui : « Il avait ce quelque chose d’indéfinissable qui faisait qu’on ne pouvait pas ne pas l’aimer. » C’est mon sentiment exact. ”

“ Lui le truand rebeu, et moi l’anar de droite. On se respectait. On s’aimait bien, citoyens d'autrefois d’un Paris qui a disparu corps et bien.
Et j’en suis fier, à l’heure des larmes, à l’heure où on ne le verra plus jamais, ce romancier d’élite, ce truand malchanceux. Ce mec-là avait quelque chose de rare, une note qui n’appartenait qu’à lui. ”

 

  • hommage de Niels Scheider recevant le César 2017 du meilleur espoir masculin (février 2017)



 

[à compléter]



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