[lu, relu] pas liev, roman de philippe annocque
samedi 26 mars 2016
Quidam éditeur,lien 138 pages, octobre 2015, 16 euros
Ce sera une note de lecture, ou peut-être pas.
Plutôt pas.
Trop intimidant, difficile, et inutile, de passer après Eric Chevillard pour Le Monde des Livres, les libraires blogueurs de Charybde,lien Eric Dussert pour le Matricule des Anges, et beaucoup d'autres.lien Lisez leurs chroniques en suivant les liens.
Non, pas une note de lecture, mais une injonction de lire Pas Liev toutes affaires cessantes pour vous faire votre propre opinion sur son étrangeté, son pouvoir déstabilisateur sur votre psyché de lecteur, et le très long effet retard qui rend inoubliables les visions suscitées par la formidable écriture anxiogène de Philippe Annocque. Livre terrible. Du grand art littéraire.
Comparaison n'est pas recension ni raison, mais faute de mieux (voir plus haut), ça aide quand on est stupéfiée d'admiration. J'ai notamment (mais pas que) retrouvé des sensations de lecture oubliées depuis longtemps.
Comme celles que j'avais eues avec La classe de neige et (à un moindre degré) La Moustache d'Emmanuel Carrère : la crainte de tourner la page, l'impression de lire en plissant les yeux de peur de deviner où l'imagination de l'auteur conduit son personnage.
Ah le personnage ! Ce Liev... Si difficile à décrire, à comprendre, étonnant cousin éloigné de Bartleby, du prince Mychkine, d'Ignatius J. Reilly, et d'autres encore, sans doute. Inoubliable Liev.
Je l'ai dit en commençant : les articles élogieux sur Pas Liev sorti en octobre 2015 ont été, sont toujours, nombreux.
Sur son blog,lien Philippe Annocque s'amuse de ce que, je cite :
" Jamais un de mes livres n'avait reçu un tel accueil, même Une affaire de regard ou Liquide, pour lesquels je n'avais pas eu à me plaindre. Si je fais le rapport entre le nombre d'avis que j'ai pu lire un peu partout et le nombre des ventes, ce doit être près de 10 % des lecteurs qui ont eu l'envie de partager leur enthousiasme. Ça compte, ce genre de calcul ? "
Oui, ça compte. Mais, mais...
Le 6 mars 2016, sur un réseau social notoire, Pascal Arnaud de Quidam éditeur, faisant le point sur les ventes de Pas Liev, n'a pu retenir l'expression de son amertume justifiée. Je le cite :
" Le 20 octobre dernier paraissait Pas Liev de Philippe Annocque. Roman qu'on tient avant tout pour un grand texte parfaitement maîtrisé.
Donc qu'on a eu la folie de tirer à 1500. 130 SP presse-libraires.
Très vite encensé par une critique papier enthousiaste — Le Monde, Le Temps, Le Matricule des anges, Libération, L'Humanité –, une belle poignée de libraires qui l'étaient tout autant, une dizaine de blogs littéraires du très pointu à l'enflammé, on s'est dit pouvoir vendre Pas Liev pour moitié, 750-800. Modeste mais réaliste.
Résultat : tout juste 500 exemplaires (et retours, il y aura encore). Comment ne pas devenir aquoiboniste ?!
On accuse personne, seulement le coup avec ce bref état des lieux.
MAIS QUEL SCANDALE QUE CE SI BON TEXTE NE PUISSE SE VENDRE AU MOINS CORRECTEMENT ! "
Maintenant, vous savez ce que vous avez à faire, je vous quitte, j'ai hâte d'en finir avec ce billet de travers pour relire une fois encore Pas Liev !
>> on peut lire aussi (liens)
- Hygiène de l'écrivain, par Philippe Annocque
" Ne comptez pas sur moi pour garder deux jours de suite le même caleçon, je ne ne suis pas de ces auteurs dont le public suit la trace à l'odeur. Tant pis si l'on perd la mienne, je préfère qu'on me trouve où l'on ne m'attend pas. "
- " La littérature, c'est foutu ", par Philippe Annocque
" Prendre une décision à plusieurs concernant un livre, surtout du genre lequel il est le plus beau lequel il va mieux plaire au public, franchement, non, quoi. On est d’abord tout seul quand on lit. Rien ne vaut le coup de cœur d’un lecteur singulier. C’est mon avis et je veux bien le partager. "