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[lu] les maîtres du printemps, roman d'isabelle stibbe

Serge Safran éditeur, août 2015, 192 pages, 17 euros 90

en 4ème de couverture : Un métallurgiste charismatique. Un sculpteur au soir de sa vie. Un député aux dents longues. Trois hommes que tout sépare se retrouvent au cœur du combat pour sauver le dernier haut-fourneau d’Aublange, en Lorraine. Alors que l’élection présidentielle se rapproche, ravivant l’idéal d’un monde meilleur, les parcours s’entrecroisent, les espoirs grandissent. Face aux trahisons des politiques, aux plans de licenciements ou à la montée de l’extrême droite, la beauté n’est jamais loin. Notamment dans le spectacle grandiose de la fonte en fusion, la solidarité à l’œuvre ou une naissance à venir… Inspiré par la fermeture des hauts-fourneaux de Florange, ce roman est l’histoire d’une lutte collective et héroïque pour préserver son humanité face à la logique implacable de la finance. Bataille perdue d’avance ? Un texte magistral qui réjouira les lecteurs de Hugo, Zola, Vailland ou Aragon…Le lecteur est prévenu dans les toutes premières pages du roman d'Isabelle Stibbe : ce qui va suivre est de la littérature qui salit, qui cogne et qui fait du bruit ; celui que cela effraie est prié d'en rester là ou de ne pas se plaindre. Mise en garde maligne qui suscite bien sûr la curiosité et l'envie de tourner la page...
Bien lui en prendra, au lecteur !

Fiction sociale, économique et politique, Les maîtres du printemps relate le combat des métallurgistes lorrains pour empêcher la fermeture des derniers hauts-fourneaux d'Aublange (incarnation romanesque de Florange), d'octobre 2011 à novembre 2012. Pivot chronologique et dramaturgique : la victoire socialiste de mai 2012, avec les espoirs, les promesses et les ambitions qu'elle fait naître.


La romancière a choisi trois voix et trois couleurs, pour personnifier et symboliser les réactions de différents milieux au démantèlement industriel qui menace le pays :
  • Pierre Artigas (le rouge)
    Fils d'ouvrier syndicaliste espagnol installé en Lorraine, ouvrier et syndicaliste lui-même sur le site d'Aublange, il est fidèle et fier de ses origines prolétaires. Entiché à force du dur travail du métal en fusion (rouge), il met toute sa volonté à se battre et à entraîner ses compagnons dans la lutte. Ses qualités de meneur en font très vite la coqueluche des médias.
  • Max Oberlé (le gris)
    Le vieux sculpteur a toujours eu le cœur à gauche malgré sa naissance privilégiée, une carrière enviable et de nombreux succès artistiques.Tardivement et naïvement, il prend conscience de l'existence de la classe ouvrière et décide d'une action à sa mesure pour soutenir le combat des métallos : réaliser une sculpture en acier (gris) pour l'exposition Monumenta au Grand Palais. A l'occasion de la marche des ouvriers sidérurgistes sur Paris (Tour Eiffel) en mars 2012, il fait la connaissance des deux autres.
  • Daniel Longueville (le blanc)
    Ce fils d'ouvrier s'est extrait tout seul d'une condition modeste qu'il a voulu renier en faisant des études supérieures, en devenant avocat, puis politicien (col blanc). Son engagement politique à gauche et ses compétences lui valent d'être appelé dans le premier gouvernement socialiste, et de jouer un rôle important dans la recherche d'une solution au problème Aublange.

Sujet fort, personnages puissants, écriture et construction magistrales : une lecture exigeante, mais passionnante.

extrait :

“ Soudain tout se fige.
Il faut voir ça au déboulé, le feu qui arrive sans crier gare de son trou de coulée. Ça déferle d'un coup, ça fait peur tant on le sait dévastateur ce feu qui surgit — grand barouf, fumées et poussières —, inquiétant, anarchique, méchant même, et parfois c'est tout son contraire, c'est une petite chose qui pointe comme apeurée, repliée sur elle-même mais brusquement vous en percevez nettement les potentialités et là, peu à peu, l'étincelle grandit, d'autres s'ajoutent et ensemble elles forment un grand feu qui se met à crépiter et qui danse follement, libre, bouillonnant, heureux, traçant son chemin comme s'il le connaissait déjà. Un feu de joie uniquement dominé par les rigoles dont les contours deviennent les règles du jeu : comme un pilote dans son bobsleigh, le feu fait de la luge. ”

Merci beaucoup à Serge Safran éditeur et à Isabelle Stibbe.

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