[lu, babelio, masse critique] changer la vie, roman d'antoine audouard
dimanche 07 juin 2015
Gallimard Blanche,lien avril 2015, 208 pages, 18 euros
lu pour l'opération Masse Critique de Babelio lien (on choisit un livre dans une liste de nouveautés, on reçoit le livre, on donne son avis sur le livre, on le partage)
Avoir eu vingt-ans en 1980 quand l'espérance socialiste tenait en deux mots : "Changer la vie". En avoir bientôt soixante aujourd'hui à l'heure du nouveau slogan : "Le changement, c'est maintenant" ! En rire (jaune) pour ne pas en pleurer. Se souvenir.
Le point de départ du roman, ce sont les retrouvailles inattendues du narrateur, André, et de François, son meilleur copain de ce temps-là, oublié ou évité depuis trente et quelques années. Choc : l'ami mal vieilli, malade, chômeur ; l'anti-gaulliste, socialiste, virant lepeniste.
Flash-back. 1981 : l'année inoubliable. Grâce aux relations du père de François, les deux garçons sont invités à passer l'été à Manhattan avant la rentrée universitaire. Mieux encore : leurs généreux hôtes américains ont trouvé à chacun un stage correspondant à ses projets pour l'avenir. François dans la finance, André dans la presse underground. Le rêve américain à la portée de deux jeunes français encore mal dégrossis !
André, devenu nègre littéraire puis éditeur de biographies de personnalités, raconte son apprentissage, tant professionnel que sentimental et plus, durant cet été-là. Il ne s'épargne pas en faisant le portrait d'un jeune homme naïf et parfois calamiteux. Ses dons, sa sensibilité et sa générosité lui ouvrent les portes, les cœurs... et les lits. Il n'édulcore rien d'expériences drolatiques plus ou moins à son avantage parmi lesquelles les matchs de baseball sur un toit dominant l'Hudson ! Beaucoup plus amère et troublante, sa relation avec une vieille dame, rescapée des tortures de la Gestapo en France pendant l'Occupation, qui accepte de lui confier ses souvenirs.
Antoine Audouard use d'un procédé facétieux et original pour donner chair à son narrateur et s'autoriser magnanimement de vrais-faux tics d'écriture (par exemple, quelques prolepses et de nombreuses formules en anglais-américain, non traduites). Dans des notes de bas de page très drôles, un soi disant traducteur fulmine et critique le style de la narration. Il prétend transcrire avec beaucoup de difficulté le manuscrit qu'André aurait rédigé après avoir récupéré d'une attaque cérébrale (ce qui est arrivé pour de vrai à l'auteur... et ça aussi, ça change la vie). Le duo comique narrateur/"traducteur" est une trouvaille !
Je suis de la génération d'avant, plus pop anglaise que rock punk étasunien, plus familière du Chelsea de Londres que de celui de New York, mais cela ne m'a pas empêchée de savourer ce roman de formation très attachant, riche d'anecdotes racontées avec humour et émotion, dans lesquelles on devine la part de vécu.
>> bonus plaisir : la découverte du blog/site (slog)lien de l'auteur
Un grand merci à Babelio et Gallimard !