[lu] les retranchées, roman d'anne lemieux
[lu, babelio, masse critique] nuits tranquilles à belém, roman de gilles lapouge

[expos] diego velazquez et marc-edouard nabe... au grand palais

“ les sujets [de Velázquez] nous scrutent du plus profond de leur état d'êtres humains portraiturés par un grand peintre ” — Marc-Edouard Nabe in: Inch'Allah, Journal intime 3, 1993

couverture du catalogue de l'exposition

Lorsqu'il écrit son premier "roman" Le Bonheur en 1988, Marc-Edouard Nabe y met beaucoup de son admiration-passion pour ses peintres préférés dont Velázquez fait évidemment partie. Mais c'est dans le Journal intime que j'ai choisi un extrait (voir dans la suite de cette note) : l'écrivain commente une exposition de peintres espagnols au Grand Palais, justement, mais en 1987.

Un peu plus tard et plus loin dans Kamikaze (volume 4 du Journal intime, pp. 2734-2738 , 2000) il y a longue analyse comparée passionnante des Ménines de Picasso et de Velázquez. En 2015, Les Ménines ne sont pas au Grand Palais, mais Nabe y est !

En sortant de l'expo aux Galeries Nationales, j'ai fait un tour sous la nef du Grand Palais où se tenait pendant trois jours le Salon du Livre Rare ; j'y allais surtout pour voir les portraits d'écrivains par Marc-Edouard Nabe, accrochage de la Librairie Eric Fosse (littérature et manuscrits XIXè et XXè siècles)...

extrait :

Mardi 29 décembre 1987.— [...] Fendant difficilement une foule d'aveugles qui s'ignorent, nous allons visiter au Grand Palais une exposition espagnole... Deux heures de queue dehors ! Les sorties à Paris sont impossibles. On devrait faire passer un test aux visiteurs de musées, comme pour les maladies : prélèvement de l'intérêt pictural et analyse de sa réelle teneur en compétence. Les négatifs (des millions) se verraient l'entrée interdite.
A l'intérieur du musée, c'est pas mieux... Il faut pousser les corps morts à l'art pour atteindre les tableaux. Heureusement, ça vaut le coup ! La Femme à barbe de Ribera, Le Sabbat et Le Pantin de Goya (deux "tubes" impressionnants à voir en vrai, et surtout des Greco et des Vélasquez à s'arracher les yeux !
Greco d'abord... L'Allégorie de la sainte Ligue est un peu décevante avec son chewing-gumisme de roses mous. La Madeleine repentante et Les Larmes de saint Pierre sont plus moelleux (dans la touche) que je n'aurais cru, mais c'est surtout les deux christeries qui me renversent : le baptême tout en vrille de moires et de flammes tressées [...] et la scène des marchands virés du Temple surtout ! [...]
Vélasquez, c'est autre chose. Les quelques rares toiles accrochées ici sont douloureuses à regarder. Il faut dire que les sujets nous scrutent du plus profond de leur état d'êtres humains portraiturés par un grand peintre. Les nains n'ont pas l'air de rigoler ! L'"El Primo" avec son gros livre mal feuilleté ou l'autre gnome anglais tenant son chien comme un poney semblent ne pas en penser moins. Le non-dit des nains vélasqueziens correspond au non-peint du peintre lui même : Vélasquez ne peint pas tout dans un tableau, il laisse le soin au spectateur de rajouter (ou pas) ce qui manque. Et ce qui manque, c'est lui ! Vélasquez est en dehors de ses propres toiles. Il peint de loin. Son absence est sa palette.

In: Inch'Allah (Journal intime 3), 1996, pp. 2372-2373

les écrivains de nabe sous la nef du grand palais, vendredi 24 avril 2015 :

stand de la Librairie Eric Fosse au Salon du Livre Rare

Commentaires