Previous month:
mars 2015
Next month:
mai 2015

2 notes en avril 2015

[expos] diego velazquez et marc-edouard nabe... au grand palais

“ les sujets [de Velázquez] nous scrutent du plus profond de leur état d'êtres humains portraiturés par un grand peintre ” — Marc-Edouard Nabe in: Inch'Allah, Journal intime 3, 1993

couverture du catalogue de l'exposition

Lorsqu'il écrit son premier "roman" Le Bonheur en 1988, Marc-Edouard Nabe y met beaucoup de son admiration-passion pour ses peintres préférés dont Velázquez fait évidemment partie. Mais c'est dans le Journal intime que j'ai choisi un extrait (voir dans la suite de cette note) : l'écrivain commente une exposition de peintres espagnols au Grand Palais, justement, mais en 1987.

Un peu plus tard et plus loin dans Kamikaze (volume 4 du Journal intime, pp. 2734-2738 , 2000) il y a longue analyse comparée passionnante des Ménines de Picasso et de Velázquez. En 2015, Les Ménines ne sont pas au Grand Palais, mais Nabe y est !

En sortant de l'expo aux Galeries Nationales, j'ai fait un tour sous la nef du Grand Palais où se tenait pendant trois jours le Salon du Livre Rare ; j'y allais surtout pour voir les portraits d'écrivains par Marc-Edouard Nabe, accrochage de la Librairie Eric Fosse (littérature et manuscrits XIXè et XXè siècles)...

Lire la suite "[expos] diego velazquez et marc-edouard nabe... au grand palais" »


[lu] les retranchées, roman d'anne lemieux

Serge Safran Éditeur, février 2015,lien288 pages, 19 euros 90

quatrième de couve :  Au printemps 1919, Jeanne et ses trois filles se retrouvent en deuil du capitaine Vernet. À Angers, ce deuil devient interminable. Les jeunes filles étudient, se marient tant bien que mal, procréent même de nombreux enfants: en vain. Les guerres escamotent les hommes. Quand ce ne sont plus les guerres, ce sont les divorces, les abandons. Explorant la part d'absence que la Grande Guerre a laissée en partage à des millions de veuves et d'orphelins, Les Retranchées suit sur quatre générations les répercussions d'un deuil impossible et la déliquescence de l'identité masculine. Une magnifique mélopée, non dépourvue d’ironie, un sublime hommage à l’émancipation féminine. — Anne Lemieux, aujourd’hui maître de conférences à l'ENS de Lyon, est l'auteur de travaux sur les héritages littéraires, en particulier celui du romantisme dans l'Allemagne contemporaine. Elle a traduit de nombreux livres d'art et dirigé chez Somogy la rédaction de La Mode au XXe siècle.  Après Only you en 2004, Les Retranchées est son deuxième roman.Au début, atmosphère, décors, uniformes, voiles de deuil, on se souvient de beaux films funèbres sur la fin de la Grande Guerre : Tavernier/Cosmos, Dupeyron/Dugain, par exemple. Le Capitaine Alphonse Vernet qui a été gazé dans les combats, meurt à l’hôpital d’Arras six mois après l’armistice, loin de sa femme Jeanne et de leurs trois petites filles qui vivent à Angers.

Mais très vite, le vague souvenir d'images animées sur un écran plat s'efface, inutile, devant le relief et la richesse des mots d'Anne Lemieux, écrivain-démiurge. Passé le premier chapitre énigmatique, un peu irréel, presque fantastique (il faudra absolument le relire, à la fin), on plonge de plain-pied dans le quotidien provincial des fillettes endeuillées qui ont à peine connu leur père. Au prétexte des convenances de l'époque, la jeune veuve de guerre s’enferme, se retranche, dans un silence buté, orgueilleux, entraînant sa propre mère et les fillettes. Par la suite, la descendance du Capitaine Vernet portera sur près d’un siècle les stigmates d’un long deuil sans larmes. Les hommes, pièces rapportées ou issus de la lignée d’infortune, s’esquivent, s’effacent, s’évaporent, abandonnent. Côté femmes, le malheur assumé de Jeanne Vernet se transmet de l'une à l’autre, d’une forme de fêlure à une autre, jusqu’à Claire, arrière-petite-fille du gazé d’Arras, qui incarne enfin la volonté de vaincre pour elle-même la malédiction familiale.

Lire la suite "[lu] les retranchées, roman d'anne lemieux" »