[question] ça sert à quoi une chronique de livre d'un auteur mort ?
[lu] les retranchées, roman d'anne lemieux

[fin de salon] le principe d'incertitude de serge joncour

billet inspiré par ma visite du Salon du Livre de Paris 2015
admirez l'illustration formidable de l'adorable Laurent Lolmède lienqui m'autorise généreusement à la reproduire ici !

#SDL2015 pris sur le vif par Laurent Lolmède, Brut de Carnet
(cliquez sur l'image pour voir plus grand, plus net, plus beau)

Franchement, je ne voyais pas très bien avant le début de la rencontre (la dernière du dernier jour du salon, avant fermeture) ce que Bégaudeau, Joncour et Titiou Lecoq pouvaient avoir en commun à partager sur le thème abstrus : “les écrivains d’aujourd’hui peuvent-ils se lâcher...” ? Sans doute les intervenants s’étaient-ils rapidement entendus avant de monter sur scène pour ne pas traiter le sujet. C’est l’impression que ça donnait, et du coup mon compte rendu n’est pas facile à faire, d’autant qu’étant de parti pris, je me suis intéressée surtout à ce que disait Serge Joncour (L'écrivain national, prix des Deux Magots 2015) !

Au début, pas grand-chose d’ailleurs, parce que Bégaudeau monopolisait le débat sur la surproduction littéraire, le peu de poids de la littérature dans la société, hier comme aujourd’hui, la baisse de qualité de la critique et du lectorat, etc. Puis il (toujours Bégaudeau) est parti dans des développements politiques et économiques utopistes qui m’ont perdue (revenu inconditionnel de base pour tous, y compris les écrivains, mais en plus pour eux, partage solidaire des gains de ceux qui vendent des livres avec ceux qui n’en vendent pas). Jusqu’à ce que soudain le ton (celui de Bégaudeau toujours) monte et qu’il s’en prenne à l’immense Joncour, lui reprochant son individualisme indécrottable. Qu’avait donc dit le doux géant mal assis (il s’étonnait que son étrange siège design vermillon bascule aléatoirement de la position fauteuil à couchette) pour fâcher tout rouge le spécialiste de l’écosystème culturel français ? Je vais essayer de m’en souvenir...

Serge Joncour n’a parlé que de son propre cas, de son propre ressenti d’artiste : c’est en cela qu’il (m’)a touché. Il ne donne pas de leçon, ne généralise pas, ne se plaint ni ne se vante. Un individu écrivant, parlant de la solitude de ce métier choisi. Bien sûr qu’il doit en vivre, mais il accepte d’adapter son train de vie au succès plus ou moins notable de ses livres. Ne revendique pas l’équivalent du statut d’intermittent pour les écrivains ! Pas du genre à cracher sur une résidence d’auteur, ou une signature en province, surtout en province. Heureux quand on lui paie un billet de train pour aller à la rencontre de sa matière, le vivant. Dit qu’il recycle du vivant pour faire du vivant à mettre dans un livre... et que ça fait une troisième vie quand ça devient un film (U.V., L'idole) ! Un vrai créateur ne se pose pas la question du succès quand il compose son roman, sa peinture, sa symphonie, son film. L’incertitude de la réception du public n’entre pas en ligne de compte dans la décision de faire une œuvre. Comme un jeu de hasard. Gagnera, gagnera pas ? Il faut jouer pour vivre. Sur douze titres, Joncour dit que "ça a marché" trois fois, et il trouve ça bien, suffisamment bien pour continuer. Le principe d’incertitude du succès de l’écrivain est son moteur.

A un autre moment, Serge Joncour a eu un mot très gentil pour les blogueurs et chroniqueurs amateurs, citant Babelio.lien A dit que pour un auteur, ces critiques nombreuses, variées, non professionnelles, étaient un précieux instrument de mesure de la réception, bonne ou mauvaise, de ce qu’il écrit.

Tiens ça me fait penser que je n’ai pas encore fait de note de lecture d’un livre de Joncour, pourtant j’en ai lu plusieurs... A suivre.


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