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[babelio, masse critique] lola bensky, roman de lily brett

La Grande Ourse, 271 pages, mai 2014, 20 euros lien
lu pour l'opération Masse Critique de Babelio lien (on choisit un livre dans une liste de nouveautés, on reçoit le livre, on donne son avis sur le livre)

en quatrième de couverture : Le nouveau roman de Lily Brett, très autobiographique, raconte l’histoire captivante et drôle d’une jeune journaliste de rock un peu naïve qui, lorsqu’elle n’interviewe pas Mick Jagger ou Jimi Hendrix, pense au prochain régime alimentaire qu’elle va suivre.  C’est un émouvant hommage à tous ces génies du rock des années 60 et 70 qui ont marqué la mémoire collective de sonorités indélébiles.  Mais c’est surtout un destin : celui d’une femme, fille de rescapés de la Shoah, qui se bat contre ses fantômes avec humour, tendresse et générosité.
traduction par Bernard Cohen

Jeune, jolie, mais grosse... Seule aussi, mais ça, au début, cela ne gêne pas beaucoup Lola Bensky.

À tout juste vingt ans elle n’a pas peur de parcourir le monde en solitaire, de Melbourne à Londres, New York, puis Los Angeles, magnétophone à cassettes en bandoulière et carnet de notes en main, pour aller rencontrer Jimi Hendrix, Mick Jagger, Brian Jones, Cat Stevens, Jim Morrison,... toute une génération montante d’idoles planétaires en devenir. Excentriques et passionnés, sympathiques (le plus souvent) ou odieux (parfois), ils ne l’impressionnent pas plus que cela : ils ont le même âge qu’elle. Plus que leur musique, ce qui intéresse vraiment la jeune journaliste, c’est leur enfance, leur adolescence si proche encore, les rapports qu’ils ont eus avec leurs parents. Lola questionne, compare, et mesure sa propre singularité familiale à celle de ses interlocuteurs.

Quand Lola se présente et raconte qu’elle est “ très juive ”, c’est en pensant à l’histoire douloureuse de ses parents polonais rescapés des camps de la mort ; à leur passé massacré, “ imprésentable ” dit-elle ; à sa mère dépressive qui expie sans fin le fait de ne pas être morte à Auschwitz avec le reste de sa famille, et reproche continuellement à Lola son surpoids ; à son père qui s’épuise dans un travail manuel exténuant et s'évade dans la lecture compulsive de romans policiers sanglants. Pour eux, elle reviendra à Melbourne où elle se mariera et aura des enfants. Puis elle divorcera, émigrera aux États-Unis, mincira, et deviendra écrivain.

Lily Brett n’en fait pas mystère,lien la vie de Lola Bensky, c’est la sienne. Des portraits de musiciens, des chroniques de concerts et de festivals, elle en a vraiment écrit à ses débuts pour une revue pop/rock australienne. Comme son personnage, très jeune, elle s’est investie avec sérieux, originalité, et talent dans ce travail de combinaison des différentes facettes d’une personnalité, de reconstitution du puzzle d’une trajectoire artistique. Quarante ans plus tard, Lily Brett applique son savoir-faire à elle-même et livre le portrait sans concession d’une femme sensible, hantée et construite par son histoire familiale dramatique. Elle réussit le tour de force de mêler étroitement, grâce à l’humour, à la tendresse, et à l’autodérision, deux contextes apparemment opposés : l’exubérance spectaculaire des sixties, et l’empreinte des atrocités de la Shoah sur les survivants et leurs enfants.

J’ai eu moi aussi des genoux grassouillets quand c’était la mode des mini-robes et des bas résille, je me suis évertuée à copier la coiffure et le maquillage de Twiggy, et j’étais plus Radio Caroline que Salut Les Copains. Mais côté parents, tant mieux pour eux et pour moi, c’était beaucoup plus simple... C’est sans doute pour cela que j’ai été passionnée par les chroniques du Swinging London, et un peu moins par les introspections tragiques de Lola Bensky adulte. La construction du roman n’étant heureusement pas linéaire, j’ai été enchantée que l’auteur revienne longuement en seconde partie sur ses rencontres au festival de Monterey (juin 1967). L’échange entre Lola et Janis Joplin est un magnifique moment d’humanité et de littérature. Le chapitre final apporte une surprise bienvenue : Lola recroise à New York, quarante ans après Monterey, l’un des rares “ survivants ” (Guess who?), de ceux qui n’ont pas été détruits par les drogues, qui n’ont pas lâché prise à 27 ans, comme beaucoup, ni fait écho au vœu d’un chanteur : “ Pourvu que je sois mort avant d’être vieux ”.

 

Merci à Babelio et aux éditions La Grande Ourse pour cette jolie découverte et les souvenirs qu'elle a fait naître !

 

>> mise à jour novembre 2014 : Lily Brett obtient le prix Médicis étranger 2014 pour Lola Bensky !

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