[3/3] si internet nous était (hélas) (beaucoup moins bien) conté
[lu] l'âne et l'abeille, essai de gilles lapouge

[satiriconte] quand nabe s'éboue dans l'infini

L'Eunuque raide, Marc-Edouard Nabe, L'Infini 126, printemps 2014, 20 euros, pp. 64-97

image du film "Histoires d'outre-tombe (Tales from the Crypt)" de Peter Cushing, 1972Il l’a dit récemment sur une radio : Nabe en a marre, chaque matin, de se prendre un bain de boue en ouvrant son ordi ; le web, les vidéos youmachin, les réseaux asociaux, c’est de la merde en fusion, un jour ça va exploser, et il y en aura partout !

J’imagine qu’il a fallu que ça lui devienne sacrément insupportable pour que cet ennemi déclaré de l’édition à-la-papa décide de prendre les devants et revienne, après treize années et demi, jouer une partie de billard à trois bandes chez le vénérable doge de la république Gallimard.

Un conte, trente-quatre pages de littérature, une galerie de personnages fabuleux dont les rôles sont joués par de vraies personnes (ou l’inverse, Nabe m’y perd). Au cimetière des meilleurs amis morts-vivants, c’est le jour du zombie-en-chef, celui qui, le seul à ne plus avoir de nom, a déjà été enterré à l’été 2000 dans le numéro 70 de L’Infini, la revue littéraire de Philippe Sollers. Cherchez et vous trouverez qui, c’est facile, est visé en première ligne dans cette partie de carambole. Pour les autres, c’est parfois plus difficile, mais l’index du Journal intime est comme toujours une ressource merveilleuse quand on l’a sous la main.


Evidemment, c’est très bien écrit, superbement composé. Dans l'histoire, Nabe n’est pas le narrateur. Il est un personnage à pseudo dont il est largement question mais qui n’agit pas.
Evidemment, c’est très-très drôle et inracontable. Par exemple ce que de Gaulle et Godard viennent faire dans ce délire...
Evidemment, c’est inélégant, cruel et insultant (normal, c’est un règlement de compte).
Evidemment, c’est farce, grotesque, scatologique.
Evidemment, c’est émouvant. Sous le prétexte sans doute fondé (j’ai pas vérifié) de venger une description infâmante, Nabe fait le portrait de son papa, et comme à chaque fois... je fonds !
Et le plus fort... c'est que même les typos sont marrantes : les oneilles bouchées à la page 80 !

Dans la même livraison de la revue, un texte un peu faible de François-Henri Désérable sur Beyrouth, dont la fin m’a rappelé quelque chose... Disons, charitablement, qu’il s’agit d’une coïncidence, ou mieux, d’un hommage plus ou moins conscient : je ne vais pas refaire le coup de la mort de Django.lien Cette fois l’auteur a écrit :
“ Et puis l’avion a décollé et j’ai mis mes lunettes de soleil. Pas parce qu’il se mirait dans le bleu de la mer et m’éblouissait, non, si j’ai mis mes lunettes de soleil, c’est parce que je pleurais.”
Pour mémoire, les dernières lignes de Nabe dans Visage de Turc en pleurs lien:
“ Mes yeux se brouillent ! Dans le hublot qui me reflète, je découvre le visage en pleurs d’un drôle de Turc.”

>> on en parle ici aussi :

Nabe, Sollers et Zagdanski: règlements de comptes à Saint-Germain-des-Prés
En savoir plus sur http://www.lexpress.fr/culture/livre/nabe-sollers-et-zagdanski-reglements-de-comptes-a-saint-germain-des-pres_1501753.html#F4oQEiz6iymItSC6.99
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En savoir plus sur http://www.lexpress.fr/culture/livre/nabe-sollers-et-zagdanski-reglements-de-comptes-a-saint-germain-des-pres_1501753.html#F4oQEiz6iymItSC6.99
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En savoir plus sur http://www.lexpress.fr/culture/livre/nabe-sollers-et-zagdanski-reglements-de-comptes-a-saint-germain-des-pres_1501753.html#F4oQEiz6iymItSC6.99
  • [à compléter]

>> compléments et mises à jour après la mise en ligne de cette note

“ Ayant pris connaissance, à l'automne 2013, de la série de vidéos insultantes contre Philippe Sollers dont deux épisodes sont consacrés à Marc-Edouard Nabe et dans lesquels sa famille (père, mère, fils, etc.) sont diffamés à l'aide d'images d'archives volées et commentées par le vidéaste, Nabe écrit et publie pour L'Infini n°126, la revue de Philippe Sollers, la suite du portrait « Mon meilleur ami » paru à l'été 2000, sous la forme d'un roman de 33 pages intitulé : « L'Eunuque Raide ». Les réactions ne se font pas attendre : Jérôme Dupuis salue dans L'Express la « surprise » du retour de Nabe dans L'Infini, et un Tumblr est consacré à l'Eunuque raide. ”

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