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5 notes en février 2014

[3/3] si internet nous était (hélas) (beaucoup moins bien) conté

volet 3 - La souveraineté numérique
essai de Pierre Bellanger chez Stock,lien janvier 2014, 264 pages, 19 euros, existe en numérique

4ème de couv' : « La mondialisation a dévasté nos classes populaires. L’Internet va dévorer nos classes moyennes.    La grande dépression que nous connaissons depuis cinq ans n’est qu’un modeste épisode en comparaison du cataclysme qui s’annonce. La France et l’Europe n’ont aucune maîtrise sur cette révolution. L’Internet et ses services sont contrôlés par les Américains. L’Internet siphonne nos emplois, nos données, nos vies privées, notre propriété intellectuelle, notre prospérité, notre fiscalité, notre souveraineté. Nous allons donc subir ce bouleversement qui mettra un terme à notre modèle social et économique. Y a-t-il pour nous une alternative ? Oui. L’ambition de ce travail est de nous en donner la chance. »J'aurais dû me méfier, d'habitude quand j'entends :
- Il faut absolument que tout le monde lise ça !
je me dis chic, ça, je peux mettre de côté (pour ne pas lire !)... mais là je n'ai pas su résister à l'enthousiasme sincère et sympathique du prescripteur, ni à la couverture particulièrement réussie de l'ouvrage qu'il brandissait.

Or, c'est un essai 100% à charge dénonçant l'hégémonie de l'administration américaine sur le numérique, et un appel vibrant à une réaction urgente de la part des autorités françaises.

Le danger que j'ai ressenti à la lecture de cet avertissement dramatique n'est pourtant pas du tout celui contre lequel l'auteur lève son étendard. Moi, c'est le même que chaque fois qu'une thèse est avancée sans donner voix à des points de vue différents. Je ne trouve pas ça très honnête, ni très courageux. On ne lit quasiment rien dans la Souveraineté Numérique sur les bienfaits des nouvelles (plus si nouvelles) technologies. Rien sur Wikipedia, rien sur le partage des connaissances, sur le lien social qui se forme sur les "bons" réseaux, l'accélération des procédures administratives et commerciales, etc., etc. Presque rien non plus sur les veilleurs que sont les experts qui mettent leur connaissances et leur temps au service de nos libertés en ligne.

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[2/3] si internet nous était (aussi) (bien) conté

volet 2 — comment défendre nos libertés en ligne ? La Quadrature du Net
exposé-performance de Jérémie Zimmermann,  au Théâtre du Rond-Point, le samedi 1er février 2014

illustration sur le site du Théâtre du Rond-Point, février 2014
(c) DR

Tiens ça tombe pile, c'est aujourd'hui 11 février 2014, la journée de protestation contre la surveillance de masse lien (et d'hommage à Aaron Swartz)lien

Pour les gens comme Jérémie Zimmermann (pas de parenté que je sache avec Hubert), c'est tous les jours et depuis toujours le jour des libertés numériques. Lui est tombé très jeune dans la potion du barde Richard Stallman,lien le pape du logiciel libre, même si il moque gentiment le look de gourou autiste de son grand aîné. L'autre jour, au Rond-Point il rendait surtout un vibrant hommage à Edward Snowden qui a offert sa liberté (sa vie, disait-il) pour que nous puissions comprendre la menace de l'informatique "nuisible" et espérer retrouver confiance dans des technologies non toxiques qui permettent le partage des connaissances et de la culture.

Pour @jerezim, le malheur est venu — dit-il — de la perte d'autonomie de l'individu vis-à-vis des technologies de l'information. Le contrôle à été peu à peu perdu sous couvert de simplicité offerte à l'utilisateur, de convivialité  : le fameux mais fallacieux user-friendly et sa commère interactivité. Le reste à suivi, rendant possible la surveillance de masse, la perte de la liberté de se faire une opinion anonymement par la simple consultation de données publiques (ou qui devraient l'être).

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[lu] nous sommes jeunes et fiers, roman de solange bied-charreton

Stock éditeur depuis 1708, janvier 2014, 240 pages, 18 euros
Deuxième roman de Solange Bied-Charreton, après Enjoy,lien toujours chez Stock ce qui n'est pas sans significations (enfin celles que j'ai cru trouver, voir plus loin).

en quatrième de couverture : "« Ensemble ils avaient eu des désirs d’ailleurs, mais ce n’était jamais un ailleurs misérable. Le dénuement pour vivre mieux, pas pour mourir. La vie dans des huttes, si l’on voulait, mais dans une ambiance détente, où ne se trouverait aucun clochard. Ils auraient eu peur de rencontrer de vrais pauvres. Enseignante en banlieue nord, Noémie en fréquentait pourtant tous les jours, mais c’étaient des pauvres accessibles, qu’on aimait instruire, issus de la diversité, et qui l’enrichissaient de leurs différences. Avec les autres, on ne savait pas, c’était trop loin, ils avaient sans doute des maladies, des bras en moins. Ce loin pourtant qu’ils chérissaient se devait de comporter des dangers, des surprises. Ils s’y préparaient pour quand ils se décideraient à franchir le pas, aller là-bas, à l’autre bout de la Terre, sans savoir où. »   Nous sommes jeunes et fiers est le récit d’un retour aux sources. Mais quelles sources convoque-t-on lorsque celles-ci renvoient au désir d’un monde débarrassé de civilisation ? Produits des discours publicitaire, écologique et culturel, Ivan et Noémie, nouveaux Adam et Ève à l’insatisfaction permanente, bercés par le voeu chimérique d’une vie plus vraie, sont les figures tragiques d’une époque où la quête de sens prend parfois la forme inattendue d’un voyage sans retour."Il était une fois, un gentil couple de trentenaires parisiens, riche et heureux. Plus exactement, ils avaient été heureux. Ils n'avaient pas eu d'enfants mais ce n'était pas ça le problème, bien au contraire. À l'envers du conte de fées, c'est le beau prince Ivan (top model pour la publicité - genre Beckham) qui s'était un jour endormi. Coma prolongé à la suite d'une chute dans les décors d'un tournage. Au réveil, sa bergère, la douce Noémie (instit' dans le neuf-trois et fine intellectuelle - j'ai pas d'exemple à vous donner) était toujours à son chevet, mais pour eux deux rien ne serait plus jamais pareil. Et leur histoire continuerait de se dérouler à rebours, destination néant.

Il ne faudrait surtout pas que mon synopsis bécasson, mon analogie foireuse avec un scénario à la Disney (mais à l'envers - vous avez compris ça n'est-ce pas ?), vous cache les intentions profondes de l'auteur, l'intelligence de la construction de son conte philosophique et moral (voilà c'est ça, exactement ça), la verve du style impeccable et jouissif que Solange Bied-Charreton met au service de sa dérision critique à triple visée : faire rire, pleurer, réfléchir. Malice et érudition, lucidité et romantisme, inventivité et réalisme : l'étendue de la palette des couleurs littéraires est éblouissante, surtout chez une si jeune femme écrivain.

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[1/3] si internet nous était (enfin) (très bien) conté

volet 1 — des systèmes ouverts : ce qu’aurait du/pu être Internet si... OSI !
ce billet est dédié bien amicalement à Lisa Rajchel et à Jean Jour (aka John Day)

photo INRIA, publiée dans IEEE Spectrum, août 2013
1974, Hubert Zimmermann (alors à l'INRIA, Cyclades) expose sa vision de l'informatique en réseau à des officiels français

Andrew Russell raconte dans le making of de son article,lien qu’il avait d’abord écrit et publié en 2006 cette histoire de l’OSI et d’Internet de manière complètement différente, beaucoup moins empathique pour les anciens combattants des systèmes ouverts...

Un certain John Day (Hi John!) l’avait alors contacté pour protester véhémentement ! Andrew qui est vraiment un chic type a alors remis son travail sur le métier et après avoir interviewé John, il est venu jusqu’à Paris recueillir les témoignages de quelques autres vieux témoins... (mais malheureusement pas celui d’Hubert Zimmermann).

Il conclut par cette observation :
“ C’est un peu inquiétant qu’une chose si récente ait été si vite oubliée. ”
Je n'avais pas complètement oublié, merci Andrew.

J’ai finalement traduit l’article tout entier, mais comme c’est un peu dense, j’ai mis le fichier pdf en lienici, et dans la suite de ce billet vous trouverez quelques extraits choisis dans   OSI: The Internet That Wasn't lien

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[dans le rétro] si internet nous était (enfin) (plus ou moins bien) conté

Support_lqdn_250Je ne pensais vraiment pas y revenir, mais deux lectures récentes, et la conférence-performance de Jérémie Zimmerman, hier, au Rond-Point,lien m’y ramènent. C’est loin et ça s’efface de plus en plus vite, alors je profite de ce que je vois passer, lis et entends, pour raviver les souvenirs de mes années professionnelles 1980-1995 déjà évoqués, tant bien que mal, icilien et lien. Ce sera fait en trois billets, que je publierai dans les prochains jours si les petits cochons me mangent pas :

volet 1lien - des systèmes ouverts : ce qu’aurait du/pu être Internet si... OSI !
Andrew L. Russel, jeune historien des sciences américain, expose avec beaucoup de précision l'épopée fondatrice de l'interconnexion des systèmes ouverts (OSI). Je donnerai une traduction de passages de son article pour la revue de l'IEEE : Spectrum.lien

volet 2lien - le numérique aujourd’hui : la technologie qui contrôle et la technologie qui libère
Florilège de réflexions livrées par Jérémie Zimmermann lors de sa présentation au Rond-Point, le 1er février 2014.

volet 3 - La souveraineté numérique lien, un essai pas franchement transformé de Pierre Bellanger, qui aurait dû lire avant d'écrire, l'excellent article d'Andrew L. Russel et les propositions de La Quadrature du Net pour un Internet plus libre...lien Ma note de lecture sur un document qui m'a souvent agacée et troublée parce qu'il zappe complètement les années 70-90 et l'esprit du libre, et qu'il préconise des actions correctives très peu ouvertes !