[lu, formation] nocturnes — cinq nouvelles de musique au crépuscule, de kazuo ishiguro
lundi 09 décembre 2013
Gallimard, collection Folio,lien 304 pages, octobre 2011, 7 euros 40
Sur la place Saint-Marc, un crooner américain vieillissant embauche un musicien de terrasse pour donner une aubade en gondole à son épouse.
A Londres, un couple en crise reçoit à contre cœur un ami de jeunesse.
Dans les collines de Malvern en Angleterre, un ménage de randonneurs suisses s'enthousiasme pour le travail d'un jeune compositeur-interprète en galère venu chercher l'inspiration loin de la ville.
Un saxophoniste sans ambition et une présentatrice glamour, que rien ne destinait à se rencontrer, sont voisins de chambre dans un hôtel de Beverly Hills utilisé pour la convalescence discrète de personnalités qui ont eu recours à la chirurgie esthétique.
Un violoncelliste hongrois en début de carrière accepte pendant tout un été, le coaching musical d'une américaine énigmatique rencontrée par hasard sur la piazza d'une ville du nord de l'Italie.
Le titre du recueil de nouvelles donne le diapason pour les cinq histoires : il fait penser à la fameuse "note bleue" des musiciens de jazz, cette harmonie miraculeuse et fragile entre majeur et mineur, entre harmonie et dissonance, entre sourire et larmes. Ensuite, toujours comme dans une œuvre musicale, les variations de registre d'un récit à l'autre créent le rythme, le relief, la surprise. Le doux-amer pour la sérénade en gondole, le burlesque pour la visite du copain gaffeur, l'empathie grinçante pour les musiciens folkloriques helvètes, l'absurde pour les déambulations nocturnes dans les couloirs d'un grand hôtel, la cruauté feutrée pour les leçons de violoncelle finales.
Le narrateur est un personnage différent dans chacune de ces histoires peu banales. Mélomane débutant ou plus mûr, musicien en devenir ou boudé par la réussite. Acteur ou simple observateur de l'action, plus souvent l'un et l'autre en proportions variables, il amène au cœur du récit ses propres failles mais il garde ou retrouve chaque fois, sans avoir l'air d'y toucher, un flegme et une dignité typiquement britanniques.
Un imaginaire original au service de textes subtilement émouvants sur l'acceptation résignée mais souriante des désenchantements de l'existence.
à propos de ce billet :
- je l'ai écrit à titre d'exercice imposé (analyse d'une oeuvre de fiction, genre littéraire : nouvelles) pour la formation de bibliothécaire dispensée par L'Union Culture et Bibliothèques pour Tous lien
- je me suis certainement contrainte dans ma chronique de cette lecture, par souci d'académisme... et c'est un peu dommage, d'autant que ce recueil de textes est vraiment une chouette découverte pour moi... qui aime le jazz, les nouvelles, l'humour décalé, l'understatement, les doux dingues, les anglais, les japonais, etc.
Ishiguro (écrivain britannique né au Japon en 1954) n'est pas n'importe qui, mais seule, je n'aurais sans doute pas eu l'idée d'aller dénicher ces pépites !