[lu] chroniques syriennes
jeudi 20 juin 2013
C'est la première fois que cela m'arrive : lire un livre en pensant à un autre...
Deux écrivains, qui n'ont rien de touristes, ont vécu plusieurs années dans la Syrie d'avant la guerre civile. Leurs récits sont parus à quelques mois de distance (je les ai lu dans cet ordre) :
octobre 2012, Le testament syrien, par Alain Bonnand, chez Ecriture lien
[voir ma note de lecture du 10 novembre 2012] lien
Très différents par le style et l'écriture, leurs livres se ressemblent par le décor et le sujet, et par la compassion qu'ils font naître involontairement (?) chez le lecteur pour les syriens dont ils racontent le quotidien en temps de paix : que sont-ils devenus ? sont-ils aujourd'hui toujours en vie ? blessés ? réfugiés ?
Ma préférence à moi c'est Le testament syrien de Bonnand.
Le jury Renaudot, lui, a publié en
mai des recommandations de lecture (sic) parmi lesquelles on trouve Au bonheur des voiles de Chaumet.
C'est son deuxième roman au Seuil ; avant, il a écrit et traduit de la poésie,
et a beaucoup, beaucoup voyagé.
Attention : je ne dis pas que ce n'est pas un bon bouquin quand je dis que je
préfère l'autre. Le mieux d'ailleurs c'est de lire les deux !
Ce que j'aime le moins dans Au bonheur des voiles, c'est le côté recueil de
témoignages. Pour ça, il y a les dossiers dans la presse hebdomadaire : sur l'intégrisme, le voile, la
virginité, le mariage, l'exploitation des employées de maison. Au fil de ses
rencontres, l'auteur pose des questions très courtes et s'efface pendant que
son interlocuteur (le plus souvent une interlocutrice) répond longuement comme
pour une interview. Je trouve cela ni naturel, ni littéraire, un peu répétitif et
ennuyeux à la longue. Pourtant on comprend bien que le "journaliste" a donné généreusement
de sa personne, pour composer un souriant catalogue donjuanesque : Dalia,
Nisrine, Bana, Hiba, Kimba, et les autres ; voilées ou pas, vierges ou non, la
plus voilée n'étant pas toujours la plus farouche !
Heureusement, Stéphane Chaumet n'utilise pas ce procédé pour toutes ses
chroniques. Alors, les belles histoires racontées à l'orientale prennent le pas
sur les interrogatoires à l'anglo-saxonne et les font oublier. Comme dans ce chapitre formidable de drôlerie dont Victor, peintre improbable, est le héros touchant et risible, aussi bavard à jeun que pris de boisson - c'est à dire souvent. Homo flamboyant et burlesque mais vulnérable, son humanité et sa générosité le sauveront de situations pendables dans un pays où, c'est officiel, il n'y a pas d'homosexualité (ni de sida, c'est officiel, aussi !). Victor, grand personnage romanesque !