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[interlude breton] la chasse aux enfants, le film qui ne se fit pas

[nabe, extrait] frédéric aristidès, dit fred (5 mars 1931 — 2 avril 2013)

“ Un enfant qui n’adore pas Fred n’est pas un enfant. Moi c’était mon idole quand j’avais douze ans : j’en rêvais la nuit...”
Dans son journal intime, premier tome, au 26 mars 1984 (Nabe’s dream,lien page 343) , Marc-Edouard Nabe raconte une rencontre avec Fred et Gébé (Marcel Zanini est là aussi). Double portrait de deux pères de l'écrivain, aujourd'hui disparus :

"Fred fait partie des géants de la bande dessinée et a influencé toute une génération d'auteurs. Dans chacune de ses oeuvres – de Philémon au Petit cirque – l'auteur accomplit un numéro de funambule dans lequel le génie de Fred éblouit. Son langage résolument novateur, son invention permanente, son imagination foisonnante ont ouvert une nouvelle voie à la bande dessinée. " (c)  Dargaud/Rita Scaglia www.dargaud.com

“ Fred et Gébé ! Comme dans un rêve de fumée ! Nous tombons dans les bras ! Fred et Gébé ! Eux-mêmes ne s’étaient pas revus depuis des années et des années ! Retrouvailles à quatre voix ! C’est toute mon enfance que voilà...  Fred et sa moustache, Gébé et son sourire : deux visages de petits pères de bonté. On dirait deux gosses parisiens. Nos cœurs pleins trinquent. Nous nous félicitons qu’aucun de nous quatre n’ait changé. Le toast est porté à Immortalité (pauvre Reiser) ! Fred me parle de son dernier Philémon : Don Quichotte de l’Atlantique (pas de la Manche). Les Mille et Une Nuits, Ovide, Cervantès, Homère : voilà les sources de Fred. Il ne faut pas s’étonner qu’il soit alors le meilleur dessinateur de bande dessinée. Un enfant qui n’adore pas Fred n’est pas un enfant. Moi, c’était mon idole quand j’avais douze ans : j’en rêvais la nuit... ”

 

“ Gébé, lui, est le plus humain d’Hara-Kiri, le plus étrange aussi. Son style et son trait m’ont toujours impressionné d’élégance. On ignore à quel point ses dessins humoristiques du début sont parmi les plus profonds. Lui aussi regrette que j’ai arrêté. Si doué ! Le dernier puriste du dessin ! Et si jeune !... J’étais en effet intransigeant sur le dessin humoristique : rétif à toute anecdote B.D. ou graphisme pseudo-artistique, ma puberté a pris la forme du dessin coup-de-poing sans commentaire. Après un an de publication, la corde était cassée, j’étais déjà entré en peinture. Gébé l’a bien compris. Nous parlons littérature. Je dis à Gébé : “ J’ai changé de fusil, mais pas d’épaule. ” Il remarque à quel point la période est à la mièvrerie, à la “ gentillesse ”, Charlie Hebdo est bien enfoui... Au siècle dernier j’aurais eu plus de chance pour placer une chronique vitriolique : il n’y a plus de journaux, nous sommes d’accord ! Plus de grands journalistes : eux furent les derniers. Gébé apprécie beaucoup les nouvellistes et trouve que ça se rapproche beaucoup du dessin humoristique : en effet, il m’arrive en ce moment même de puiser dans mes anciens dessins pour trouver des images. Gébé — si je veux — serait prêt à me publier quelques-uns de mes contes dans Hara-Kiri. Retour aux sources ? Je ne sais pas... En tout cas, j’aimerais lui faire lire Rubis, à lui et aux autres (Wolinski, Cavanna) : peut-être auront-ils une idée d’éditeur... Après ce moment bouillant Gébé me fait promettre de passer les voir un de ces mardis, comme au bon vieux temps...

Nous parlons encore de la Grèce avec Fred, du professeur Choron, cet Alphonse Allais bête et méchant, le plus télégénique de tous ! De Topor, de mon avenir, de mon passé, du socialisme, et de Libération. Fred et Gébé adorent Marcel. “ Il est précieux ” me disent-ils quand il sort chercher des disques à leur offrir... C’est sur la pointe des larmes que nous les laissons finir de s’attendrir... Je sors de là très ému, bizarrement flou, comme retourné en moi... Gébé et Fred me sont réapparus fantomatiques. De les voir là, le buriné et le moustachu, j’en ai la gorge serrée. C’est parce qu’elle est si dégénérée presque partout que la chaleur humaine lorsqu’elle est indubitable, décontenance des êtres aussi déçus que moi avec une violence difficilement supportable. Personnages que j’ai toujours associés sans les avoir jamais vu ensemble et purs fruits de ma mémoire, Gébé et Fred appartiennent au monde de la fidélité. Ma vie est une princesse qui peut sentir la présence de son petit cœur à travers un entassement de matelas paternels : tous, couches moelleuses de mon enfance indispensables pour éprouver mon émotion. ”

In: Nabe's dream, p. 343, 1991 © Marc-Édouard Nabe

 

complément le jeudi 11 avril :

9 cases "Fred est mort" sur le site des lecteurs de Marc-Edouard Nabe

capture ecran alainzannini.com  > nouveautés

Première case :
vidéo émission Du côté de chez Fred, juin 1989 (lien)

Deuxième case :
dessin dédicacé à " Alain ", 1972

Troisième case :
Journal Nabe's dream, pp. 384-385, 1984 (lien)

Quatrième case :
Journal Nabe's dream, pp. 796-797, 1985 (lien)

Cinquième case :
couverture de Loin des fleurs, 1999 (lien)

Sixième case :
extrait d'une rencontre Fred/Nabe sur France Culture en 1999,  reprise dans Coups d'épée dans l'eau 2 (inédit, à paraître)

Septième case :
Alain Zannini, pp. 262-263, 2002 (lien)

Huitième case :
clip de la galerie Martel pour l'exposition 2011 : Nabe explique Le Corbac aux baskets à son père (lien)

Neuvième case :
photo Zanini, Nabe et Fre, 6 mars 2011 (lien)

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