[historiette] sur les nerfs

Le panneau de circulation des métros indique 7 minutes avant le suivant, direction Mairie d’Issy. En milieu d’après-midi le quai n’est pas bondé. Deux circonstances qui font que j’ai le temps de remarquer le comportement hyperactif d’une voyageuse ; d’autant plus qu’il contraste franchement avec la tranquillité morne et figée des autres figurants de la scène.

Grande, jeune et belle, des cheveux blonds lâchés en crinière secouée au rythme des pas claqués qui la font passer et repasser devant moi. Évidemment elle téléphone. Fort. Si elle ne bougeait pas tant, je pourrais mieux saisir ce qu’elle clame :

— l’ambiance qu’y'a, tu peux pas savoir (...)
— ils sont tous énervés (...)
— et puis sur Canal, tout à l’heure Cohen a encore tapé sur Taddeï (...)
— moi, c’est pas ça qui m’énerve (...)
— mais alors lui, je te dis pas, son état, il était énervé, oh là là (...)

Je me demande : est-ce qu’elle travaille avec Daniel Schneidermann ^lien ?
Qu’y-a-t-il dans le très grand sac papier qu’elle bascule tous les trois pas dans son dos d’un coup d’épaule énergique ?

Où va-t-elle ?

Je monte après elle dans la rame où elle s’est engouffrée. Ça ne rate pas. Elle fonce vers l’unique place assise libre et au passage envoie valdinguer derrière elle le grand sac dont les coins manquent éborgner un, puis deux voyageurs plantés là. Mon éclat de rire les réveille mieux que les coups de sac dont ils doivent avoir l’habitude. La belle assise m’entend rire, elle aussi, et se reconnecte un court instant à la réalité du pauvre monde amorphe qui l’entoure : souriante, olympienne, elle s’excuse à la cantonade avant de replonger avidement dans son histoire de mecs énervés.