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[lu] amore, roman de paola mastrocola

éditions Arlea, 420 pages, 18 euros, octobre 2012, traduit de l'italien par Christophe Mileschi Chroniques de la rentrée littéraire

lu pour les Chroniques de la rentrée littérairelien

illutration de couverture : quadrige d'Odilon Redon — en quatrième de couverture : Lidia est la fille d’un ouvrier spécialisé de chez Fiat et d’une marchande de fruits et légumes. Elle vit avec ses parents dans la banlieue de Turin. Une vie simple, morose, à peine égayée par la présence de Pino, le cheval.  Une vie pauvre, économiquement et culturellement, que l’achat inconsidéré d’une encyclopédie par ses parents va cependant faire basculer : Lidia ouvre au hasard un des premiers volumes et tombe sur l’article consacré à Bernart de Ventadorn, un poète provençal qui a chanté « l’amour de loin ». La décision de Lidia est prise : elle sera troubadour.  C’est du moins ce qu’elle lance à ses parents quand, âgée de 15 ans, elle quitte la maison et fait sa première fugue, pour aller rejoindre un vague amour de vacances à Milan.  Cette fugue marque le début d’une longue quête au cours de laquelle Lidia, taraudée de questions sur le sens de la vie, sur l’amour, sur le monde, n’aura de cesse de chercher sa place. Un temps guidée par son amie Antonietta, plus âgé qu’elle et aussi plus directement en prise avec les mouvements politiques des années 70.  Après des fiançailles auxquelles elle n’a consenti que pour faire plaisir à ses parents, et qu’elle rompt du jour au lendemain, une deuxième fugue l’entraîne dans un voyage à travers le Nord de l’Italie, de Turin à Pise. Un voyage qui n’aurait rien de bien aventureux si elle le faisait en train ou en voiture. Mais Lidia voyage... à cheval, sur le dos de Pino.  Mêlant avec bonheur une veine réaliste et une inspiration féerique, Amore est un merveilleux « roman d’apprentissage », apprentissage de la vie, des contradictions de l’amour, et de soi-même, dans une Italie en pleine mutation. Contre toutes les philosophies de la résignation qui ont cours aujourd’hui, Paola Mastrocola chante le pouvoir de l’imagination et la dignité des rêves d’enfant : la force de la littérature.

Lidia, l’héroïne et narratrice d’Amore a quinze ans en 1970 à Turin, au début du roman, et trente cinq à la fin, en Toscane. Elle raconte, explique, analyse, son étrange parcours de femme tout entier voué à la recherche d’un amour d’exception.

Paola Mastrocola a inventé un personnage attachant, non dépourvu de défauts, et parfaitement original. Cette petite fille pauvre et sans instruction dans l’Italie des années 70 touche par sa volonté farouche et son absence de complexes. Elle perçoit très tôt sa différence, sa singularité : aucun modèle ne la satisfait, ni familial, ni amical ou amoureux. Elle rejette sans violence ni méchanceté les contraintes sociales et affectives que lui imposent sa naissance, son sexe. Sans l’aide d’aucun mentor, c’est dans la littérature, dans la poésie, que Lidia cherche et trouve ses références, ses icones (Dante, Plutarque, Beatrice, Laure, etc.). Paola Mastrocola nous fait vivre avec humour et réalisme les difficultés et les désillusions quotidiennes, parfois les tragédies, vécues par sa petite héroïne dotée d’un optimisme et d’une pugnacité sans failles malgré les obstacles.

Rien de plus difficile que de concilier les codes de l’amour courtois avec les contraintes de la vie quotidienne. Même pour une héroïne de roman italienne. Le contraste entre les élans de vie poétique de Lidia et la précision réaliste de la narration est un des points forts de ce roman. Lidia est une Gelsomina intellectuelle. Naïve et inexpérimentée au début, mais maîtresse de son destin et prête à tout pour suivre sa route singulière et solitaire.

J’avais mis trop d’attentes dans l’illustration onirique de la couverture du roman. Le quadrige céleste peint par Odilon Redon, même emballé, ne pas menée au même train tout du long des 420 pages d’Amore. J’ai été désarçonnée à mi parcours environ. La première partie, l’adolescence de Lidia, m’a ravie, mais le récit de sa seconde fugue à travers l’Italie — la plus longue, à l’âge de vingt ans avec un vieux cheval — m’a lassée plutôt que fait rêver.

Heureusement, la dernière partie et l’épilogue du roman sont très beaux. Lidia a enfin trouvé son « amour de loin », celui qui se raconte et s’écrit autant et même plus qu’il ne se vit. L’histoire simple et belle de Michaël et Lidia, très littéraire, ferait un beau roman à elle seule.

La quatrième de couverture vante la réussite de l’amalgame entre réalisme et poésie. Je suis plus réservée. D’autant que l’ambition de l’auteure est de mêler aussi le burlesque et le romantisme à ces deux ingrédients de base. Les épaules de Lidia, l’héroïne et narratrice, sont bien frêles pour porter tous ces styles à la fois.

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