[arts visuels] le droit de citation libre et gratuit n'existe pas (encore ?)
lundi 03 décembre 2012
Tout à fait exceptionnellement, contrairement à une habitude de 8 ans d'âge sur ce blog, aucune image au format vignette ne vient illustrer le contenu du billet à gauche du texte, si ce n'est ce carré vide de droits (du moins je l'espère).
— Étonnant, non ?
— Ben non, justement.
Cette absence illustre parfaitement ce dont je veux parler, et que j'apprendrais peut-être à certains sauf à être l'unique niguedouille qui ne se doutait pas que : pour inclure sur un site ou dans un billet de blog, l'image d'une photo d'art, d'un tableau, ou d'une sculpture, sous droits, il faut 1) avoir l'autorisation de reproduction parce que ce n'est pas libre, nananère, et 2) payer un droit parce que ce n'est pas gratuit, cuicuicui.
Il ne faut surtout pas croire que le droit de citation libre et gratuit pour tous qui s'applique aux œuvres littéraires (avec quelques règles, mais il s'applique) vaut aussi pour les arts visuels : peinture, sculpture, architecture, photographie, multimédia...
Faux. Erreur. Et qui plus est... nul n'est censé ignorer la loi, bablabla.
Notez, je suis tout à fait d'accord pour payer mon écot et participer à la juste rémunération du travail des artistes dont je cite les œuvres sur ce blog, surtout si ils sont vivants !
Mais il faudrait que de leur côté les sociétés qui perçoivent et répartissent les droits aux artistes qu’ils représentent, affinent mieux leur politique de collecte pour tenir compte de l’amateurisme et du peu de moyens de certains exploitants non commerciaux (notamment les particuliers blogueurs) par rapport à d’autres (éditeurs, presse, galeristes, organisateurs d’expositions, etc.). Un exemple : le “barème internet” de l'organisme qui a scruté mon blog et comptabilisé mes citations d’œuvres sous droit a été fixé pour une base de 100 000 pages vues par mois. Ensuite, majoration de 10% par tranche de 100 000 PAVM supplémentaire. Or j’atteins péniblement 3 000 PAVM, bien loin du premier plafond !
Mon affaire n’a rien de tragique, heureusement. Mon blog n'est pas un site sur l'art, il remonte à 2004 et contient à ce jour environ 650 articles, mais tous ne sont pas illustrés par des œuvres d'art protégées (créateur vivant, ou mort depuis moins de 70 ans), loin de là. Pour me mettre en règle il faudra que je m’acquitte de quelques euros mensuels (à vie ? that is the question...) pour les vignettes reproduisant des œuvres protégées, soit le budget en cigarettes d’une fumeuse du dimanche que je ne suis pas. Je dois dire que j’ai eu un moment la tentation de supprimer toutes mes petites images incriminées, mais c’était un peu comme un sabordage de tout le blog, et après tout j’y tiens, à mes citations picturales ! Encore un moment, monsieur le bourreau.
Il y a eu des cas plus difficiles que je découvre aujourd’hui, comme celui du blogueur Marc Lenot.lien Amateur d'art, ni artiste, ni galeriste, simple collectionneur éclectique, il partage généreusement, librement et bénévolement ses découvertes, ses intérêts, ses coups de cœur. Seulement voilà, il visite beaucoup d'expos, écrit beaucoup de billets de blog,lien et les illustre abondamment. Rappelé à l'ordre en 2007, il aurait dû s'acquitter de sommes exorbitantes pour pouvoir continuer à reproduire sur son blog des œuvres protégées. Il a préféré "nettoyer" ses publications antérieures, et s'imposer des règles strictes pour ne plus publier que des photos et des vidéos publiques, conformément à une règlementation sans souplesse qui ne prévoit aucune dérogation pour la citation des œuvres d'art dans un but non lucratif.
>> Lire sur le sujet, l'excellent article polémique du Kazz (réflexions et commentaires sur les droits de l'internet, des T.I.C., de l'homme, humeurs diverses) en 2007.
Tout ça m’aura au moins révélé quelques particularités du droit d’auteur d’œuvres d'art pour le moins surprenantes. Ce qui est moins amusant, c’est qu’elles vont à l’encontre de l’intention qui était la mienne de simplement faire connaître les œuvres citées. Voici quelques exemples pris chez moi :
le baiser de Brancusi lien
J’ai pris la photo de la sculpture sur la tombe d’une jeune russe au cimetière Montparnasse. La reproduction par moi-même de ma photo sur laquelle on voit l’œuvre de Brancusi est soumise à droits de reproduction qui iront aux ayants droit du sculpteur.
la danseuse de Nabe lien
J’ai fait l’acquisition de ce dessin en 2009 lors de l’exposition Les Orients de Nabe. J’ai pris la photographie du dessin installé chez moi. Elle est soumise à droits de reproduction. Je possède l’œuvre physique, mais pas les droits de reproduction.
Sur un autre billet j'avais fait figurer l’affiche de l’exposition. En tant que telle la reproduction de l’affiche est soumise à droits.
Par contre, et ça c’est heureux : reproduire la couverture d’un livre où figure une œuvre d'art protégée, ne donne pas lieu à paiement de droits d’exploitation. Ceux-ci sont inclus dans les contrats passés avec les éditeurs. Par exemple, les couvertures des quatre volumes du Journal intime de Marc-Edouard Nabe, de L’Âge du Christ, et de la nouvelle édition de Lucette, illustrées par l’auteur lui-même, tombent dans cette catégorie.
l’affiche de Séchas lien
Cas tout à fait spécial et amusant : l’affiche de l’exposition de l’artiste au musée Bourdelle en 2010 ne montrait aucune œuvre du sculpteur ! En forme de jeu de mot (jeu de nom) on y voyait un... chat, celui du jardin Bourdelle. Pour cette image d’affiche, je ne paierai pas de droits de reproduction !
Pourra-t-on un jour faire des citations visuelles libres de droits, d’œuvres d'art visuel protégées
?
That is my question...
>> lire "[communiqué] ce blog a été mis en conformité..." article-suite publié le 9 janvier 2013
>> lire aussi :
- Mission Lescure de concertation sur les contenus culturels et pratiques numériques :
audition de la SAIF (Société des Auteurs des arts visuels et de l’Image Fixe), le 21 novembre 2012 - lire la synthèse
- Mission Lescure de concertation sur les contenus culturels et pratiques numériques :
audition de l'ADAGP (Société des auteurs dans les arts graphiques et plastiques), le 7 décembre 2012 - lire la synthèse
- (à compléter)