[rentrée littéraire] c'est maman qui a tué le père noël, roman d'alexandra varrin
lundi 03 septembre 2012
éditions Léo Scheer, 12 septembre 2012, 208 pages, 19 euros
lu pour les Chroniques de la rentrée littéraire
Alice Deschain, se lève en panique à 7 heures le matin du 24 décembre 2011 et se met au lit le même jour à 21 heures 24 sans ouvrir ses cadeaux de Noël parce qu’elle n’en a... rien... rien à foutre !
Ça c’est pour la première partie de C’est maman qui... : dix chapitres découpent minutieusement le déroulement d'une journée de retrouvailles calamiteuses, alternant équitablement les points de vue d'Alice, la fille, de sa mère Danièle, et de sa grand-mère Berthe. Toutes les trois, chacune dans leur style de dinguerie personnelle, rivalisent de provocation, de mauvaise foi, de méchanceté plus ou moins volontaire, de maladresse névrotique. Tout ça, rythmé et conté avec un humour noir ravageur mais pas dénué d'émotion
Dans la seconde partie, plus courte (4 chapitres) , Alice joue plus ou moins consciemment le rôle de deus ex machina, et à quelques outrances près rétablit in extremis un semblant de paix provisoire entre belligérantes.
Et puis il y a l’épilogue, mais là je ne peux rien dire. Seulement que c’est une idée forte et formidablement touchante, géniale, quoi ! J’irai pas jusqu’à penser qu’Alexandra Varrin a écrit tout le roman pour cette chute, non, mais chut !
Moi, c'est par exemple la vieille robe de chambre décousue, portée fièrement pour accueillir la visiteuse, que j'ai reconnue.. Alors, en rire pour ne pas en pleurer ? Ou comme Alexandra... s'en foutre (?)... et écrire.
Souvent, en lisant un roman, je joue à trouver d’autres titres possibles. Le Chat étant déjà pris, et Famille je vous hais risquant de poser des problèmes de droits, voici quelques unes de mes propositions, inutiles mais motivées, pour le quatrième roman d’Alexandra Varrin :
- La Tarte maison - un jeu de mots un peu facile mais qui fait rire, page 99 : "pas de tarte maison, si l'on excepte Alice"
- Les Bonshommes - un long et magnifique développement sur la névrose de Berthe, sa peur des bonshommes et des puisards : "on ne peut pas faire confiance aux bonshommes"
- Le Syndrome suédois - jusqu'au chat qui semble en être atteint... "Dans les vraies familles, il n'y a pas de happy end quand les relations sont compliquées dès le départ. Il y a de la rancœur, du ressentiment, parfois même de la haine et rarement de poésie. Ça n'empêche pas qu'il y ait aussi parfois une certaine forme d'amour, susceptible à tous moments de prendre le pas sur le reste, sans qu'on sache si c'est parce que tout ce bordel, finalement, on y prend goût, ou si c'est juste une sorte de syndrome de Stockholm."
Sinon, quatre romans en moins de cinq ans : elle est productive la gamine, et précoce ! J’avais lu à leur sortie Unplugged (2009), et J’ai décidé de m’en foutre (2011). Pour le premier, c’était par curiosité de blogueuse pour une autre blogueuse qui traitait des nouvelles formes de rencontres sur la Toile. J’avais bien aimé, mais sans être bégueule, ou alors un petit peu seulement, je trouvais que Mademoiselle Varrin secouait bien fort son lecteur ; sa lectrice, en l'occurrence !
Dans J’ai décidé de m’en foutre, le double de l’écrivain apparaît, cette Alice Deschain qui n’a pas de père et ne veut pas ressembler à sa mère. J’avais beaucoup moins aimé J’ai décidé... que C’est maman qui..., toujours à cause du style, mais surtout parce que la vie de hipster déglinguée d’Alice à Paris, même drolatique, me paraissait exagérément noire et peu réaliste, volontairement trash.
Ce serait beaucoup dire que le style de l’auteur s’est adouci, car il est toujours aussi percutant et vif, voire rude, mais je l’ai trouvé beaucoup plus homogène et policé, moins brutal exprès, que dans les deux autres ouvrages lus avant. Alexandra Varrin réserve strictement les injures, gros mots et facilités langagières aux parties dialoguées - comme dans la vraie vie - alors que dans les parties narratives, les phrases sont longues (parfois un chouïa trop), bien balancées, bien virgulées. Le contraste entre style soutenu de la narration, et réalisme des conversations ou pensées intimes, est bien mieux rendu ainsi.