[e-lu] le problème spinoza, roman de irvin yalom
lundi 30 avril 2012
Editions Galaadelien, traduit de l'américain par Sylvette Greize, avril 2012, 656 pages
15 euros au format epub sans DRM, 24 euros format papier
lu sur mon Kobo, avis publié pour le club des lecteurs numériques
Ce roman m’a retournée, au sens polar du terme retournement.
Pourtant au début je me sentais très forte : il n’allait pas me la faire à moi, cet américain faiseur de romans historico-philosophico-psychanalytiques à forts tirages dont je n’avais jamais entendu parler jusqu’à aujourd’hui.
A propos de retournement, j’avais d'ailleurs commencé ma lecture à l'envers, par les annexes à la fin du livre, sorte de how to, de making of, fort intéressantes et bien faites. J’avais donc lu :
“J’ai voulu écrire un roman qui aurait pu se produire. En restant aussi proche que possible des événements historiques, je me suis servi de mon expérience professionnelle de psychiatre pour imaginer le monde intérieur de mes protagonistes, Bento Spinoza et Alfred Rozenberg. Afin de donner accès à leur âme, j’ai inventé deux personnages, Franco Benitez et Friedrich Pfister, et toutes les scènes les impliquant relèvent, naturellement de la fiction. ”
Mais bon, entre un roman historique et moi, cela a rarement été le coup de foudre, alors j’étais plutôt sceptique sur ce grand écart que proposait l’auteur entre les époques (trois cents ans), et les personnalités (le philosophe juif excommunié, le nazi). Deux bios romancées pour le prix d’une... méfiance !
D’ailleurs dès les premières lignes du début du roman je ricanais déjà : Irvin Yalom y décrit les rues d’Amsterdam en 1656 où ouvriers et artisans se régalent de casse-croûtes au hareng arrosés de gin. Quoi, du gin ? Je l’avoue, je suis allée vérifier aussi sec dans l’encyclopédie libre.lien
Au temps pour moi : l’alcool de genévrier — dit gin — est bien apparu aux Pays-Bas... au XIVe siècle !
Au temps pour moi : ce gros roman est un tourne-pages habile et passionnant d’un bout à l’autre. Evidemment, il s’agit d’une forme de vulgarisation philosophique et historique, mais l’auteur la revendique telle. Irvin Yalom ne cherche pas à réécrire l’histoire. Sans verser dans l’uchronie, le romancier rêve que le cours de l’Histoire aurait pu changer si la névrose d’un grand criminel nazi avait été traitée... par la philosophie !
Au temps pour moi : la construction du roman, qu’on pourrait trouver systématique et répétitive, est terriblement efficace : de courts épisodes alternés qui font avancer en parallèle les histoires de Spinoza et de Rozenberg, avec à chaque fois une fin en suspens, rappel subliminal de la technique éprouvée des meilleures séries télévisées américaines.
Donc au final, une lecture très étonnante, intelligente, facile et agréable. Un sujet totalement original, à la fois captivant et instructif. Bien traduit.