[extraits] veuf, récit de jean-louis fournier
lundi 05 décembre 2011
chez Stock, 160 pages, octobre 2011
[...] J’ai reçu un questionnaire du crématorium du Père-Lachaise, ils veulent savoir si j’ai été satisfait des prestations. Je dois mettre des croix dans des petites cases, de “ insatisfait ” à “ très bien ”. On demande aussi mes observations et mes suggestions. Tout est passé en revue, l’accueil, la courtoisie, le choix des textes, le choix des musiques. il y a aussi un service traiteur. A la rubrique “ suggestion ”, je vais proposer un barbecue géant.
Je dois noter le maître de cérémonie, sa tenue, son savoir-faire, sa courtoisie. Le nôtre était bien dans la note, il avait une tête d’enterrement, ce qui est la moindre des choses, il était vêtu sobrement, pas de couleurs vives, un peu triste. Ensuite, on parle de la salle, du décor. On demande si la remise des cendres s’est bien déroulée... Qu’est-ce que ça peut être, une remise des cendres qui se déroule mal ? Une erreur de cendres, une urne qu’on renverse ?
Pour la fin, je garde le meilleur : “ Recommanderiez-vous le crématorium du Père-Lachaise à vos proches ? ”
[...] Je n’ai pas envie que tu restes dans cet endroit. Je voudrais que tu sois à la lumière. Je vais essayer d’acheter un petit bout de terrain en surface, et faire un caveau, un biplace pour nous deux, un peu comme un side-car. Tu seras assise dans l’habitacle, à l’abri avec un chat sur les genoux qui te tiendra chaud, et moi je serai sur la moto, cheveux au vent. On sera près de Molière, Chopin et Pierre Desproges. Sur la dalle, on gravera nos deux noms, comme sur un générique, quand on travaillait ensemble à la télévision et une épitaphe : “ Finalement, nous ne regrettons pas d’être venus. ”
Jean-Louis Fournier a été l'ami proche de Pierre Desproges avec qui il travaillait pour La minute nécessaire de Monsieur Cyclopède et d'autres choses encore. C'est lui Fournier, qui a composé le texte fameux de la dépêche AFP du 18 avril 1988 : " Pierre Desproges est mort d'un cancer. Etonnant, non ? ".
Il a reçu le prix Fémina 2008 pour Où on va, papa ?
Je dédie ces petits morceaux choisis à la bande de joyeux graphomanes, frères et soeurs de remue-méninges, réunis dans un atelier donnant sur le Père-Lachaise, le temps d'un formidable weekend d'écriture.