[fan de] jackie et marcel, une leçon de swing et de gentillesse
[interlude] mont' là-d'sus, tu verras montmartre...

[polémique] du temps que marc weitzmann aimait la violence littéraire de marc-édouard nabe

— Il n'y a aucun problème du moment que c'est drôle...
— Pas forcément drôle, précise Weitzmann... Mais violent, ça oui ! Vous pouvez y aller ! [...]

l'écrivain Marc Weitzmann, snapshot de l'émission CSOJ du 2 mai , spéciale mort d'Oussama Ben Laden, Avec : Percy Kemp (écrivain), Marc-Edouard Nabe (écrivain), Marc Weitzman (écrivain), Dominique de Villepin (président de République solidaire), Jean-Pierre Filiu (spécialiste d'Al Qaïda), Basma Kodmani (universitaire) Dans la récente tribune du Monde des Livres, Marc Weitzmann fustige la bienveillance suspecte, complaisante, et coupable selon lui, de figures zinfluentes du monde littéraire (ils sont cités) pour L'Enculé de Marc-Edouard Nabe, leur reprochant de soutenir des thèses négationnistes au nom de la littérature et de la défense de la liberté de création.  A décharge, on pourra lire sur son blog la réaction de l'éditeur Léo Scheer (mis en cause) et la discussion qui suit dans les commentaires.

De façon plus légère et moins téméraire (!) j'ai relevé dans Kamikaze (tome 4 du journal intime de Marc-Edouard Nabe (Mai 1988 - Septembre 1990), publié en 2000, épuisé) ces extraits qui prennent aujourd'hui, mis en parralèle avec le réquisitoire de Marc Weizmann, encore plus de saveur.

Lundi 30 mai 1988 .— Après un petit saut chez Simion pour lui apporter les numéros de Vertiges des lettres qu'il m'a demandés (il a tout perdu dans la débâcle), je vais voir les gens de 7 à Paris chez Filipacchi. Je suis accueilli très admirativement par une petite fille intimidée (Sophie Chérer) qui me dit qu'il n'y a que moi de lisible aujourd'hui, et qui sache s'exprimer à la télé. Un autre type arrive : tout petit aussi (comme Bonnand), rouquinet au sourire très doux... C'est Marc Weitzmann. Je me disais bien que je le connaissais. C'est lui dont m'a reparlé Simion. C'est vrai, on se connaissait du temps de Vertiges des lettres. Il s'y occupait de Noam Chomsky. 1984 ! Weitzmann me demande donc si ça m'intéresserait d'écrire cette chronique toutes les semaines. Je pourrais dire ce que je veux et ne serais même pas obligé de parler de l'actualité. Je réponds qu'il n'est pas question que je fasse de la critique littéraire et je ne parlerai pas de mes confères, je veux bien écrire seulement sur les morts ! Puisqu'il n'y a que moi de vivant ! C'est eux qui viennent de me le dire ! Il y a suffisamment de livres qui paraissent sur les grands du passé (Genet, Bernstein, Pirandello, Gadda en ce moment) pour que je ne manque pas de sujets...
— Tout à fait, s'enthousiasme Chérer... Vous pouvez même parler de Suarès, si ça vous chante !... Demain vous me donnez la liste des livres que vous désirez recevoir et vous commencez votre texte... O.K. ?
Un troisième type se ramène.
— Il n'y a aucun problème du moment que c'est drôle...
— Pas forcément drôle, précise Weitzmann... Mais violent, ça vous pouvez y aller ! On veut du “ Billet Doux ”...
Reste la question fric. Chérer et l'autre type s'éclipsent. Ils me laissent Weitzmann qui m'apprend que c'est Simion qui l'a poussé à me requérir ici. En souvenir des bons moments passés à Vertiges, je lui ferai un prix : 10 000 francs par mois ! Je tente le coup... Weitzmann manque avaler ses yeux. Un peu cher ? Mais c'est du boulot pour moi... Trois feuillets par semaine... Lire des livres, réfléchir, avec tout ce que j'ai à faire... Et ils ont Filipacchi au robinet quand même... Weitzmann “ en référera à ses supérieurs ”. A suivre.
Je repars en songeant déjà à ma  première chronique (sur Jean Genet ?)... Comment vais-je réussir à faire passer ma langue par ce nouveau trou journalistique : la  “ critique littéraire ” ? C'est tout le travail de vigilance et de roublardise auquel les écrivains de cette fin de siècle doivent sacrifier une partie de leur énergie. Ne pas dire non, mais rester soi-même dans le oui. Ouvrir le sexe du langage et y installer sa poésie, sans que la Grande Presse s'en plaigne ! Il faut pour cela bien étudier l'esprit du journal, caresser la mauvaise conscience des journalistes dans le sens de se payer  “ une danseuse ”, repérer le talon d'Achille de ce désir et y enfoncer le poignard de la jouissance !...

Mardi 31 mai 1988 .— Sophie Chérer, de 7 à Paris, au téléphone, prend note des livres sur Jean Genet dont j'ai besoin et me passe Weitzmann, assez désolé, qui en a référé... Leur budget est restreint et il est impossible de me payer 10 000 francs par mois... Tout au plus 5 000, cest certainement ce qu'a Claude-Jean Philippe. Filipacchi ne les abreuve pas infiniment. Il faut que je comprenne... 5 000 francs par mois, c'est correct... Ce sera une base honnête, surtout que je ne sais pas où je vais : Gallimard va-t-il enchaîner la mensualité de Denoël ?
— Bon, j'accepte à 5 000... Appréciez le sacrifice ! J'attends les bouquins et je vous apporte ma première chronique sur Genet mardi prochain...
[...]

Vendredi 3 juin 1988 .— Toujours pas reçu les livres sur Genet. J'abandonne l'idée de commencer par lui. Ma première chronique sera plutôt une sorte de présentation générale. Je n'ai plus le temps de potasser ces foutus bouquins promis. Je téléphone à 7 à Paris d'ailleurs pour m'inquiéter... Là s'opère le fabuleux renversement cher à la Presse : le désiré devient le quémandeur... Quelle gigantesque muflerie ! C'est la Méthode, toujours la même. On veut absolument que vous veniez au château mais si vous avez le malheur de demander où sont les toilettes, on vous regarde comme le dernier des mendigots exigeants.
— Ah, oui... Excusez-nous, on vous a pas rappelé, chuchote Weitzmann... Désolés... C'était pour vous dire que ne recevrez pas les livres parce que votre prix est trop élevé... On ne peut pas vous donner 5 000 comme à Claude-Jean Philippe, d'ailleurs on ne sait pas combien il a Claude-Jean Philippe... On ne peut pas aller au-delà de 800 francs par article, vous comprenez c'est ce que touchent les autres journalistes de la rédaction, on ne veut pas créer de précédent... Alors si vous n'acceptez pas, on va laisser tomber l'idée pour l'instant... Vous avez déjà commencé ? Apportez-nous quand même votre chronique mardi, on essaiera au moins une fois. Venez toujours...
Ah ! Ce Weitzmann se fout de ma gueule ! C'est trop beau...Ça vaut le coup ! Qu'ils aillent se faire foutre, eux et leur “ admiration ”, et leur 3 200 balles par mois ! Bande de goujats ! Quelle inconséquence... Me laisser m'investir une semaine pour ça, ne pas oser m'appeler, me proposer leur misère et me considérer pour finir comme le dernier de leurs pigistes qui annoncent les concerts p. 8 ?... Mais où vit-on ? A quel lait d'ânesse ces débiles ont-ils été élevés ?... Et ces eunuques cyniques voudraient encore que je me retrouve dans la position du type qui vient leur proposer un papier la semaine prochaine ? Pour en profiter quand même une fois (comme si ça m'intéressait de publier une fois dans 7 à Paris !!!) ou pour se payer le luxe de me le refuser comme si c'était moi le demandeur ? C'est ça ? Ah ! Les minables jeunots déjà pourris !... Et moi qui leur avais apporté mes chroniques de Nancy pour leur donner une idée du ton que j''emploierais, moi qui me suis emprisonné toute la semaine dans Jean Genet ! Par procuration de couilles au cul, ils vivent ces pleutres cadres ! Ils ne savent pas penser. Ils ne pensent pas. Ils disent n'importe quoi. Je connaissais le coup du texte “ carte blanche ” commandé puis refusé, mais pas celui du feu vert sur tapis rouge qui passe au rouge quand on avance sur le tapis qui devient volant ! On me fait venir en tant qu'écrivain et on me fout dehors comme journaliste gourmand... Pas de privilège ! 800 balles comme tout le monde !... Les journalistes sont là pour empêcher empêcher d'écrire les écrivains. Ils ne se rendent même pas compte de l'honneur que nous leur faisons d'envisager de revaloriser leur torchon ! Il faut des tordus comme moi pour dire “ oui, mais à telle ou telle condition ”, et pour prendre la peine de leur expliquer en quoi consiste le pervers rapport art/médias. Il faudrait d'emblée les mépriser, leur balancer un non tonitruant, systématique... Mais c'est trop tôt, un jour quand je serai grand, je hurlerai mon non, sur l'estrade la mieux située, là où ça portera le plus... En attendant, je peux dire adieu à mes 5 000 balles par mois ! Il faudrait qu'ils reviennent en rampant avec un contrat en dur pour que je daigne me souvenir de leurs petites existences.
[...]

(c) Marc-Edouard Nabe

 

   

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