[extrait, lapouge] si je devais être mort...
[témoin à décharge] défense et illustration de la bnf françois mitterrand

[lu] revenants, roman de patrice lelorain

éditions La Table Ronde, 368 pages, août 2011

ma chronique pour l'opération Masse Critique de Babelio de la rentrée 

Revenants Patrice Lelorain s’allonge sur le lit-divan en peluche rouge de sa chambre d’enfant à Bois-Colombes et déroule d’une seule traite vingt années de sa vie, de l’adolescence à l’âge adulte, à l’attention du lecteur assis qui tient son livre entre ses mains.

Qui sont les revenants ? Si l’on en croit la table des matières et la structure du livre, ils sont quatre (Monsieur V, Francis, Claudia, Madame X). Mais en fait ils sont une multitude derrière ceux-là, à chaque page, amis perdus, amis morts, filles quittées, dont les vies se sont mêlées un temps, comme des voix, à celle du narrateur. Il y a aussi d’autres revenants moins privés et plus fugitifs, ce sont Roger Chapman, François Mitterand, Jacques Chirac, Jean Carmet, et quelques autres.

Car on est dans les années 70 à 90. Au début, le centre du monde de Patrice Lelorain est une gare où passe le train gris métallisé qui relie en quelques minutes la banlieue ouest à la capitale. Le lycée, la gare, les cafés, et les voies ferrées tiennent lieu de réseaux sociaux aux lycéens en ce temps-là. On se réunit chez les uns, les autres, on fume, on écoute et on joue de la musique.

Le narrateur n’a rien oublié : ni les visages, ni les corps, ni les humeurs, ni surtout la qualité des relations dans ce groupe d’amis qui grandissent ensemble mais pas au même rythme. Mieux, pour chacun d’entre eux il reconstitue fratrie, parentèle et affinités électives, à tous les niveaux, créant ainsi un gigantesque maillage où il y a beaucoup de Didier, de Michel, de Philippe, de Vincent, etc. On s’y perd un peu, c’est vrai, mais qu’importe. Il n’a pas oublié non plus les accidents de la vie, les maladies, la drogue, et les petites trahisons qui cassent les fils entre amis. Lorsqu’il le faut, il s’échappe comme il peut des carnages familiaux et amicaux en partant vers le Nord à la recherche d’inaccessibles sirènes blondes et longues aux prénoms en “a”. Il reviendra et repartira encore.

Un peu plus tard, Patrice Lelorain poursuit des études cinématographiques jusqu’à sa thèse sur Arthur Penn. C’est en l’écrivant qu’il comprend qu’il est meilleur, et surtout plus heureux, avec un stylo qu’avec une caméra en main. Par le jeu de rencontres et d’opportunités dans les milieux de la presse spécialisée musicale et cinéma, il commence à placer chroniques et biographies. Sa vie sentimentale se construit au rythme de cohabitations entrecoupées de retours au logis familial. Jusqu’à Claudia, la merveille.

La fin de l’histoire avec Claudia correspondra à une longue période de vaches maigres. Le narrateur sera encore longtemps un garçon bohème fauché, un demi salaud dit-il, soutenu par son amour pour le sport, la course à pied, le rock et l’écriture. Par l’écriture justement, et avec le temps, il réussira à solder sans drame la relation conflictuelle à sa mère qui avait empoisonné son adolescence.

Finalement, une vie personnelle ni très flamboyante, ni très remarquable, si ce n’était la force dégagée par la confiance en l’amitié de filles et garçons qui se sont rencontrés à vingt ans. Le roman que Patrice Lelorain a tiré de sa propre histoire au milieu d’eux est plein d’une humanité clairvoyante.

L’écriture de Patrice Lelorain est belle, fluide, peut-être pas aussi simple qu’elle le parait. Il n’y a pas de dialogues, seulement la narration. La description physique au cordeau des nombreux personnages, et de leur comportement, est parfaitement mêlée, intégrée au récit, très dense.

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