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12 notes en septembre 2011

[lu] revenants, roman de patrice lelorain

éditions La Table Ronde, 368 pages, août 2011

ma chronique pour l'opération Masse Critique de Babelio de la rentrée 

Revenants Patrice Lelorain s’allonge sur le lit-divan en peluche rouge de sa chambre d’enfant à Bois-Colombes et déroule d’une seule traite vingt années de sa vie, de l’adolescence à l’âge adulte, à l’attention du lecteur assis qui tient son livre entre ses mains.

Qui sont les revenants ? Si l’on en croit la table des matières et la structure du livre, ils sont quatre (Monsieur V, Francis, Claudia, Madame X). Mais en fait ils sont une multitude derrière ceux-là, à chaque page, amis perdus, amis morts, filles quittées, dont les vies se sont mêlées un temps, comme des voix, à celle du narrateur. Il y a aussi d’autres revenants moins privés et plus fugitifs, ce sont Roger Chapman, François Mitterand, Jacques Chirac, Jean Carmet, et quelques autres.

Car on est dans les années 70 à 90. Au début, le centre du monde de Patrice Lelorain est une gare où passe le train gris métallisé qui relie en quelques minutes la banlieue ouest à la capitale. Le lycée, la gare, les cafés, et les voies ferrées tiennent lieu de réseaux sociaux aux lycéens en ce temps-là. On se réunit chez les uns, les autres, on fume, on écoute et on joue de la musique.

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[extrait, lapouge] si je devais être mort...

In: Le Flâneur de l'autre rive, Gilles Lapouge, collection Chemin faisant, André Versaille éditeur

Lapouge2 Juste l'envie de faire partager cette superbe page sur la lecture, donc sur le livre.

Elle arrive après la narration du mode d'apprentissage catastrophique que sa mère (aimante, pourtant) imposa à Gilles Lapouge enfant qui n'aimait pas lire : chaque jour, une demi heure de lecture classique obligatoire (Dumas, Verne, et al.) sous la bonne garde d'un gros réveille-matin Jaz dûment remonté. Le plus étonnant est que l'aberrant système d'éducation maternel finit par fonctionner, à la longue et contre toute attente !

“ Dès ce moment, je lisais tout, les notices des remèdes, les papiers déchirés que le vent chasse dans les rues, les affiches, les romans. Don Quichotte était comme moi. Il savait aussi que chaque bribe de feuille imprimée ou crayonnée est une magie. Au début, j’essayais d’en démonter les ressorts, mais les mécanismes d’une magie sont si nombreux et ses rouages si frêles que je ne suis jamais arrivé à dévisser tout ça. Je me réduis à en éprouver les effets. Je me dis seulement que j’ai de la chance. Nous avons fait bonne pioche. Nous sommes comme ces mineurs de la Californie ou du Yukon qui envoient un coup de pelle dans la montagne et qui deviennent riches à perpétuité.

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[lu] le flâneur de l'autre rive, de gilles lapouge

André Versaille éditeur, collection Chemin faisant, 260 pages, septembre 2011

 [ note de lecture pour les-agents-litteraires.fr ]

(extrait du site de l’éditeur)  : Écrivain, essayiste, Gilles Lapouge nous fait ici l’inventaire de sa vie, de ses passions, de ses amis, de ses lectures et de ses souvenirs. “En général, mes souvenirs ont meilleure mémoire que moi. C’est pourquoi je les laisse faire. Je leur donne tous les pouvoirs.” "Je vais où je suis. Je file dans les jours perdus. Je me défais de ma mémoire."

Le Flâneur de l’autre rive est une suite mnémosique composée de 38 petites pièces, un peu comme des nouvelles dans un recueil. On peut les lire ou les relire indépendamment les unes des autres, dans un ordre différent, à son propre rythme, en flânant. Par contre on peut comme moi aimer les randonnées plus longues, l'endurance, la lecture de bout en bout, avec de rares étapes. Comme ça on a une meilleure vue, un panorama à 360° ou presque, on domine mieux le paysage dessiné par l'écrivain, les chemins de la mémoire qu'il nous invite à suivre derrière lui.

Qui est Gilles Lapouge ? Ne vous précipitez pas sur wikipedia, pas tout de suite.... Faites appel à vos souvenirs d'Apostrophes, de France Culture, à vos lectures dans Le Monde ou Le Figaro, ou si vous avez des attaches brésiliennes dans O Estado de Sao Paulo. Peut-être avez vous eu le bonheur de parcourir le festival Étonnants Voyageurs à Saint-Malo, de lire ses livres ? Et si vous ne voyez toujours pas, ou que décidément vous êtes très jeune, lisez  Le Flâneur de l’autre rive !

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[magnifique] une belle tête d'affiche

Dorothee Blanck photographiée par Tristan Jeanne-Valès Comme chaque année Dorothée Blanck était au festival du court-métrage qui s'est tenu pendant une semaine à Trouville début septembre. Elle y est un peu chez elle, mais surtout, d'année en année, elle s'y affirme comme la muse préférée de tout jeunes artistes passionnés par le cinéma et qui trouvent incarnées, dans sa chevelure argent, son sourire et ses beaux yeux las, les traces de grands aînés que sont Jacques Demy, Agnès Varda, Alain Resnais.

Regardez-la dans A tous mes Jules d'Emilie Rosas (mon préféré pour le moment) - il faut aller sur le site du festival, onglets Films > Kino > 2011 et scroller la liste des kinos) -

Dorothée raconte sur son blog que grâce à cette photo magnifique de Tristan Jeanne-Valès, accrochée dans le hall où se rencontrent les festivaliers, elle a été engagée cette année pour jouer dans 7 des 67 petits films (kinos) réalisés et montés sur place par de jeunes réalisateurs. C'est énorme, cela demande une énergie folle ! Dorothée se plaint juste de ne pas avoir eu la force d'assister à toutes les projections et manifestations, le soir !

Les 7 cinéastes (5 femmes, 2 hommes) qui ont fait tourner Dorothée en cette fin d'été lui ont composé un magnifique album de souvenirs de moments chaleureux et créateurs qui l'aideront à attendre la prochaine édition, l'été prochain.

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[débat] pourquoi tant de e-haine ?

Frédéric Beigbeder prend la tête de la croisade contre le livre numérique

Hyene, enluminure, bestiaire d'Aberdeen (via google)C'est son dada de la rentrée littéraire, et il l'enfourche chaque fois qu'il en a l'occasion sur tous les médias où il est invité, c'est à dire très souvent. C'est bien ça le souci. Beau parleur, chaque fois, il rallie à sa cause les péquins béats autour de lui, comme l'autre soir : Guy Carlier, François de Closets, Natacha Polony et Audrey Pulvar qui opinaient du chef et brûlaient de s'engager sous sa bannière anti dématérialisation du livre en l'écoutant chez Ruquier. Tous admiratifs devant le Chevalier des Lettres en Papier qui annonce la fin de l'humanité lectrice et appelle à la révolte par voie de manifs et sittings dans la préface de son dernier opus.

Pas difficile d'imaginer que tous ceux, nombreux, qui n'ont jamais essayé de lire un livre numérique seront par avance dégoûtés de le faire en entendant ou en lisant Beigdeder. Par vertu du bouche à oreille, ses imprécations vont se répandre très facilement dans le grand public peu enclin à vérifier par lui-même. Heureusement, il existe l'andidote au poison, et c'est :
Après le livre, essai de François Bon

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[lu] limonov, roman d'emmanuel carrère

P.O.L., septembre 2011, 489 pages, 20 euros

résumé par Emmanuel Carrère, en quatrième de couverture : « Limonov n’est pas un personnage de fiction. Il existe. Je le connais. Il a été voyou en Ukraine ; idole de l’underground soviétique sous Brejnev ; clochard, puis valet de chambre d’un milliardaire à Manhattan ; écrivain branché à Paris ; soldat perdu dans les guerres des Balkans ; et maintenant, dans l’immense bordel de l’après-communisme en Russie, vieux chef charismatique d’un parti de jeunes desperados. Lui-même se voit comme un héros, on peut le considérer comme un salaud : je suspends pour ma part mon jugement.  C’est une vie dangereuse, ambiguë : un vrai roman d’aventures. C’est aussi, je crois, une vie qui raconte quelque chose. Pas seulement sur lui, Limonov, pas seulement sur la Russie, mais sur notre histoire à tous depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. »  E.C. Des fois, souvent,  il y a écrit roman sur la couverture, et ce n'en est pas un, ou pas vraiment.
Là c'est le contraire : Limonov est véritablement un roman d'aventures, excitant, passionnant. Comme on en parle beaucoup pour un prix littéraire, je ne vais pas faire un énième résumé de la vie et de l’œuvre d'Edouard Limonov, héros solo du livre d'Emmanuel Carrère, mais seulement citer le titre à la une du Service Littéraire de septembre, réducteur mais rigolo : “ Limonov, coco, facho, affreux jojo ” .

Lorsqu'il va à Moscou en 2008 faire un reportage sur Edouard Limonov pour la revue XXI, Emmanuel Carrère a déjà en tête le projet d'écrire un livre, une sorte de biographie, sur ce personnage complexe aux mille et une vies. A cette époque, le très long article contient déjà l'essentiel du parcours de Limonov. Cela va lui servir de court-métrage pilote pour le roman. Au final, Limonov, c'est le long-métrage, impeccablement documenté, réalisé, rythmé, monté, et richement illustré d'anecdotes surprenantes. Limonov, c'est aussi une biographie sans cahier de photos central, sans notes de bas de page, sans index des noms cités, sans chronologie en annexe. Pourtant rien ne manque de tout cela, par la grâce du talent, des mots et du style d'Emmanuel Carrère. Mais surtout, au cœur même de l'histoire de son personnage, Emmanuel Carrère a projeté son propre autoportrait de l'écrivain en biographe, délicat et sans indulgence :

une autre vie que la sienne...

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[débat] le plagiat, dopage de l'écrivain ?

image piquée via google Pauvre Macé-Scaron qui après avoir tenté de nous fourguer son intertextualité, explique misérablement que débordé comme il est à courir les plateaux de télé, il n'a pas le temps matériel, en plus, de rédiger des notes en bas de page ou des remerciements, encore moins une bibliographie, c'est vrai quoi !

Le catalogue d'excuses pour plagiat s'allonge donc à chaque rentrée littéraire, et on croit chaque fois qu'il sera impossible d'en trouver une plus belle que la dernière, mais non. Celle que je préfère, et de loin, c'est celle que Gilles Lapouge dévoile imprudemment mais sereinement dans un magnifique recueil de souvenirs publié cette semaine chez André Versaille : Le Flâneur de l'autre rive.

Il faut dire qu'il y a largement prescription puisqu'il y parle de sa collaboration avec Léon Tolstoï pour La Bataille de Wagram qui lui valu le prix des Deux Magots en 1987. Alors qu'il est un peu en panne d'inspiration, l'écrivain se replonge dans Guerre et Paix, mais au lieu de le relancer, sa lecture le paralyse :

" J'avais l'impression qu'il avait déjà écrit mon livre deux siècles avant que je ne le commence, et comment rivaliser avec un pareil athlète ? "

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[chantier lecture] lignes croisées

en avant-chronique de Limonov d'Emmanuel Carrère

desk top Je ne garde pas les livres que je lis, je les passe. Sauf quelques uns, bien sûr, qui me sont chers. Hors d’atteinte très haut sur une étagère il y en a un qui ne me quittera jamais et pourtant je ne l’ai certainement pas lu tout entier. J’ai demandé le secours du bras conjugal pour l’atteindre et ainsi l’avoir près de moi quand j’écrirai (prochainement) une note de lecture sur Limonov, d’Emmanuel Carrère que je viens de finir (et qui restera parmi les livres que je garde).

Gros bouquin au look académique démodé et tristounet, jaquette écornée, odeur agréable de papier épais et poussiéreux, contours des pages parcheminés, il s’ouvre aux pages de mes poèmes russes préférés à l’époque et que j’avais oubliés. Cadeau de mon père parce que je faisais russe en deuxième langue au lycée d’Orsay, c’est :

La Poésie russe, édition bilingue, quatre-vint-quatorze poètes, anthologie réunie et publiée sous la direction de Elsa Triolet, Seghers Paris, octobre 1965, 573 pages.

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[e-lu] les morues, roman de titiou lecoq

Au Diable Vauvert, août 2011, 472 pages, 22 euros (broché), également format ePub je participe au club des lecteurs numériques !

description sur le site de l'éditeur : C’est donc l’histoire des Morues, d’Emma et sa bande de copines, de ses amis, et, si l’on s’y arrête une minute, c’est le roman de comment on s’aime en France au début du XXIe siècle. Mais c’est davantage. C’est un livre qui commence comme une histoire de filles, continue comme un polar féministe en milieu cultivé, se mue en thriller de journalisme politique réaliste – au cours duquel l’audacieuse journaliste nous dévoilera les dessous de la privatisation du patrimoine culturel français - et vous laisse finalement, 500 pages plus loin sans les voir, dans le roman d’une époque embrassée dans sa totalité par le prisme de quatre personnages. Cet ambitieux projet romanesque, qui a pris plusieurs années à son auteur, est une réussite totale.  D’abord parce qu’il se dévore. Que sa lecture procure un plaisir continu, et qu’il emprunte toutes ses voies pour s’inscrire dans une perspective globale avec une acuité, une ironie et une gouaille bien contemporaines, mais en y superposant le paysage littéraire d’une jeune femme d’aujourd’hui qui, petite fille, réécrivait la fin des romans de la Comtesse de Ségur pour celles qu’elle préférait lire. Cela donne un authentique et passionnant roman français. Elle est très jolie Titiou Lecoq, sur les photos qu’on voit d’elle sur le net. Elle a des amies sympas (des morues, donc) qui disent que son blog Girls and Geeks est une des merveilles de l’Internet mondial.

D’autres morues beaucoup moins sympas disent qu’elle fait rien qu’à vouloir se faire remarquer. Un premier roman publié chez Au Diable Vauvert, sous une couverture 100% chick lit, c’est sûr ça doit faire des jalouses dans la blogosphère girly.

Le blog Aldus ayant annoncé la promo du roman à 3,99 euros pour le format ePub, je ne prenais pas un grand risque en passant la commande, et cela me permettait de tester l’utilisation de mon iPad comme e-liseuse pour un roman de la rentrée littéraire 2011 !

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critique publiée dans le cadre du club des lecteurs numériques

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