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[niguedouille] l'âge de madame est avancé

test de persistence rétinienne : voyez-vous la jeune femme ou la vieille femme? Ça c'est le type même du billet casse-gueule.
J'ai cru avoir trouvé un titre canon tout à l'heure, en chopant les bribes d'une conversation de terrasse montparnassienne entre jeunes actifs mâles arborant avec sérieux (donc ridicule) leur panoplie de col-blanc trentenaire. Ils tapent dur sur les collègues en passant en revue l'équipe de management d'un projet sans doute concurrent. L'estocade finale est portée :

pffff ils sont d'un âge avancé ces mecs-là...

J'imagine la réunion de travail : les participants chenus, grisonnants, portant lunettes, prenant des notes au Criterium sur des blocs de papier quadrillé Clairefontaine. Plusieurs d'entre eux résistent bien mal à la somnolence postprandiale : pauvres vieux, ils sont nés dans les années 70 !

Généralement quand j'ai trouvé un titre qui me parait bon, le billet vient tout seul assez vite.
Et puis, j'ai des choses à dire depuis quelque temps sur mon rapport à la séniorité, des trucs un peu perso.
Il est temps que je me lance.

Je rentre à la maison et je cherche l'illustration qui va bien sur Google images. Je ne la trouve pas tout de suite, mais à la place je (re)découvre que mon cher Pierre Etaix avait écrit une pièce, puis tourné un téléfilm : L'Âge de Monsieur est avancé...
Détournement de ma part, inconscient au départ, puis maintenant pleinement assumé, par admiration !

Je disais donc, que depuis quelque temps, mon âge est avancé... et que j'ai jusqu'ici encore du mal à m'y faire.
Dépitée, qu'on ne me demande jamais ma carte d'identité quand je revendique le tarif plus de soixante, au cinéma, au musée.
Frustrée, que mes coquetteries appuyées style “à mon âge, blablabla” ne trouvent que des échos compatissants, loin des dénégations admiratives que j'espère susciter.

Mais le plus douloureux, c'est ma récente dématérialisation. J'explique. Les jeunes ne me voient plus. Je deviens transparente. Les pires ce sont les très jeunes, les collégiens, les lycéens. Mais les étudiants, les trentenaires aussi, maintenant. Ça ne m'arrivait pas quand je travaillais encore. En fait si, ça avait déjà commencé avec les vendeuses de magasin de moins de vingt-cinq ans. Mais ça se généralise, ça s'étend. Maintenant je suis obligée de faire un pas de côté pour les éviter, je suis sûre qu'ils ne me voient pas venant face à eux, qu'ils vont me bousculer.
J'ai fait et refait l'expérience. Parce que je suis certaine de la permanence du phénomène, je préfère changer de trottoir lorsque j'avise un groupe de lycéens. Je n'entre plus seule chez Subways, encore moins chez Starbucks. J'évite de ne pas être vue.

Et si c'était ça l'explication ? Si c'était pour ça que je me rends patiemment mais obstinément visible sur internet, avec mon blog, mes réseaux, mes commentaires. Pour compenser un peu. Pour épaissir mon trait virtuel, avant que mes traits physiques ne s'estompent définitivement.

 

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