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[philo] l'ange repoussant la tempête

Paul Klee, Angelus Novus, 1920, aquarelle 31,8x24,2 cm, musée d'Israël, Jérusalem -- Stéphane Hessel, dans son texte, renvoie à cette oeuvre de Klee et au commentaire qu'en a laissé le philosophe allemand Walter Benjamin dans ses Thèses sur la philosophie de l'histoire, écrites en 1940, sous le choc du pacte germano-soviétique. Walter Benjamin en fut le premier propriétaire. Il voyait dans cette oeuvre un ange repoussant "cette tempête que nous appelons le progrès". L'heureux éditeur du récent (pas écrire dernier) petit opus de Stéphane Hessel a mis en exergue le facsimile du tableau de Klee intitulé Angelus Novus.
Stephane Hessel admet qu'il existe deux visions de l'Histoire. C'est celle de Hégel qu'il a choisie, porté par son optimisme naturel, sa résilience :

" L'hégélianisme interprète la longue histoire de l'humanité comme ayant un sens : c'est la liberté de l'homme progressant étape par étape. L'histoire est faite de chocs successifs, c'est la prise en compte de défis. L'histoire des sociétés progresse, et au bout, l'homme ayant atteint sa liberté complète, nous avons l'Etat démocratique dans sa forme idéale.

Il existe bien sûr une autre conception de l'histoire. Les progrès faits par la liberté, la compétition, la course au "toujours plus", cela peut être vécu comme un ouragan destructeur. C'est ainsi que la représente un ami de mon père, l'homme qui a partagé avec lui la tâche de traduire en allemand A la Recherche du temps perdu de Marcel Proust.  C'est le philosophe Walter Benjamin. Il avait tiré un message pessimiste d'un tableau du peintre suisse, Paul Klee, l'Angelus Novus, où la figure de l'ange ouvre les bras comme pour contenire et repousser une tempête qu'il identifie avec le progrès. Pour Benjamin qui se suicidera en septembre 1940 pour fuir le nazisme, le sens de l'histoire, c'est le cheminement irrésistible de catastrophe en catastrophe. "

In: Indignez Vous ! (Deux visions de l'histoire)  , Stéphane Hessel, éditions indigène, 2010, p.13 

Je trouve étrange, mais j'aime bien, que ce soit cette aquarelle contradictoire qui ait été choisie pour illustrer le texte à l'eau-forte de Stéphane Hessel.
Celle qui montre que l'ange de l'histoire a le visage tourné vers le passé. Alors que Hessel, lui, place son espérance non-violente dans la jeunesse qu'il exhorte à l'insurrection pacifique et à l'indigation citoyenne.

Coîncidence, j'ai trouvé hier la référence au commentaire de Walter Benjamin sur l'Angelus Novus, utilisée dans un autre contexte. En 2005 un blogueur avait précédé Hessel en utilisant l'Angelus Novelus de Klee pour illustrer son propos sur les technologies de l'information. Il s'agit de Miklos dont je viens de découvrir le blog avec bonheur.

" Il existe un tableau de Klee qui s’intitule « Angelus Novus ». On y voit un ange qui a l’air de s’éloigner de quelque chose qu’il fixe du regard. Ses yeux sont écarquillés, sa bouche ouverte, ses ailes déployées. C’est à cela que doit ressembler l’Ange de l’Histoire. Son visage est tourné vers le passé. Là où nous apparaît une chaîne d’événements, il ne voit, lui, qu’une seule et unique catastrophe, qui sans cesse amoncelle ruines sur ruines et les précipite à ses pieds. Il voudrait bien s’attarder, réveiller les morts et rassembler ce qui a été démembré. Mais du paradis souffle une tempête qui s’est prise dans ses ailes, si violemment que l’ange ne peut plus les refermer. Cette tempête le pousse irrésistiblement vers l’avenir auquel il tourne le dos, tandis que le monceau de ruines devant lui s’élève jusqu’au ciel. Cette tempête est ce que nous appelons le progrès.  "
 

In: Oeuvres III, Walter Benjamin, folio essais, 1991, p. 434

Enfin, un dernier avatar de l'Ange (Angelus Novus Remix, by Ernesto Priego) :

  [Note: Ernesto writes: “Here's a collage from screen shots of your blog which I then cut and processed on iPhoto. I then used Comic Life to put it all together with Paul Klee's Angelus Novus, exported it as an image to iPhoto again and added some effects. I've thought of Walter Benjamin as a Babaylan of sorts (especially in his "Task of the Translator", so ...”]


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