[verbatim] nabe au café des sports
lundi 13 septembre 2010
émission radio RTL-L'Equipe du vendredi 10 septembre 2010 : Marc-Edouard Nabe est interrogé par Emmanuel Barth
" le jazz est dans l'improvisation, et le sport dans l'imprévisibilité "
J'ai aimé ce long entretien radiophonique, c'est pour ça que je l'ai transcrit dans un document google en accès libre, facile à lire, à imprimer et à partager. Par contre, il faut écouter Nabe pour bien profiter de son exaltation positive, de son lyrisme réaliste, et surtout de sa rythmique verbale tonique (voir les liens vers les enregistrements de l'émission à la fin de cette note).
Le propos de Nabe, que ce soit sur L'Homme qui arrêta d'écrire, sur la littérature, le sport, ou le jazz et bien d'autres choses, est à mille lieues au-dessus des entretiens convenus dont les médias nous inondent en cette rentrée littéraire. Si vous avez le courage, comparez avec les deux heures quinze de l'entretien vidéo de Michel Houellebecq par Marin de Viry : mornitude, ennui,cigarette, temps morts, pourris, cigarette, décomposés, ennui, cigarette, ennui, Zzzzzzzzz.
Le roman de Houellebecq devrait avoir pour sous-titre L'Homme qui arrêta de vivre.
Pour les paresseux (je leur pardonne) ou les pressés-de-la-vie (je les plains), j'ai choisi quelques extraits courts à lire dans la suite du billet.
" [Ma] coupure volontaire, et je dirais, définitive, avec le milieu littéraire, me permet maintenant de pouvoir m’exprimer dans d’autres supports, par d’autres voies. Et qui sont beaucoup plus nobles pour moi. L’écriture, et la littérature telle qu’elle est pratiquée en France, et à Paris en particulier, n’est pas un Noble Art. Comme peut l’être un des sports que nous préférons. "
" Internet, et notamment les sites qui ont repris pas mal d’émissions de télévision que j’ai faites pendant une vingtaine d’années, ont servi à fédérer tout un tas de lecteurs, de jeunes surtout, puisque maintenant ceux qui me lisent sont très jeunes, et n'en ont rien à foutre de cet horrible milieu littéraire qui a fait ses preuves pendant des décennies et même presque... au moins en tous cas une bonne centaine d’années, dans sa volonté de nuire à tous les créateurs de l’écriture, les créateurs du langage. Puisque moi, je me considère avant tout comme quelqu’un qui travaille le langage. Et c’est pour ça d’ailleurs que le sport aussi m’intéresse. Puisque le sport travaille le corps. Et qu’est-ce qui le plus proche du travail du corps que celui du langage ? "
" Qu’ils savourent bien leur triomphe, en ayant cru m’étouffer, m’écraser, me réduire au silence ! Là, ce qui s’est passé depuis le début 2010, c’est quand même extrêmement probant ! On est dans un état de choses... on voit bien que le milieu n’a pas réussi à étouffer la parution de ce livre. Puisqu’il y a cinq mille lecteurs quand même qui se sont trouvés au rendez-vous. "
" Si on calcule tous les gens qui travaillent avec moi, et non pas pour moi, on est bien maintenant une cinquantaine. Entre les afficheurs qui collent les tracts, ceux qui s’occupent du site, les merveilleux webmasters, ceux qui vendent dans les boutiques, les points de vente, ceux qui s’occupent de la distribution, etc. etc., les correctrices, les composeurs, les directeurs artistiques... Enfin, vous voyez, et ça c’est formidable d’avoir vu que tout le monde a répondu à l’appel quand j’ai commencé à lancer cette idée. Pour justement, pour montrer qu’on pouvait tout à fait se passer de ce milieu-là, et de cette structure qui est "vieillante", vieillissante, qui est croulante. Et je ne comprends pas que les écrivains acceptent ça. Je parle des écrivains confirmés. Ils pourraient très bien trouver leur autonomie avec les moyens modernes technologiques, ils ne le font pas. Parce qu’ils ont peur, et qu'ils sont complètement encroûtés dans cet espèce de famille. C’est une sorte de famille, et ils aiment être en famille. Pas moi. "
" [Pas] besoin de frimer comme font les autres en accumulant les zéros derrière leurs tirages. Parce que ça les rassure aussi de savoir qu’ils vendent. Mais personne ne vend. C’est très rare, donc il y a très peu d’écrivains dans une rentrée littéraire par exemple, qui arrivent à vendre des livres. Mais ça les autres ne le disent pas. "
" [Il] y a une lucidité espérante. Une lucidité pleine d’espoir, voyez ! Vous savez que j’ai écrit un livre qui s’appelle “Une Lueur d’Espoir” sur un autre sujet, mais c’est un peu ça. Une lueur d’espoir, c’est ça. Moi je pense qu’il y a toujours une lueur d’espoir. Il faut savoir la voir, et puis il faut savoir se brûler à elle, s’immoler à la lueur d’espoir. "
" [Moi] j’ai beaucoup d’enfance, de force d’enfance, en moi. Que je tiens de ma propre enfance, et que je tiens de l’enfance de mon fils, aussi. Et donc, nous sommes tous dans une puissance d’enfance qui est très forte. Mais j’appelle pas ça de la naïveté. C’est vraiment un combat, pour garder l’élan vital de continuer, parce que tout est possible. Et c’est ça que j’aime aussi dans beaucoup de sports, notamment dans le football, c’est l’imprévisibilité. C’est ça. "
" [Ce] sont toujours des accomplissements de grands destins, qui dépassent le sport presque, et qui à la fois sont le condensé de ce que ces sportifs étaient dans leur vie professionnelle. C’est parce qu’ils étaient géniaux dans leur sport, et extraordinairement à la fois puissants, combatifs, victorieux et honnêtes - parce qu’il y a une grande honnêteté chez Zidane quand il donne ce coup de boule, elle est fondamentale - et chez Anquetil aussi - quand il dit par exemple, Anquetil, c’est le premier qui avoue être dopé - et ça, ça n’a jamais été à mon avis, assez soutenu. Si on avait accepté ça beaucoup mieux, il n'y aurait plus eu le problème de dopage ensuite dans le sport. On accepte le dopping par exemple dans le jazz, que je connais bien. Personne n’a jamais reproché à Charlie Parker, ou à John Coltrane, de se droguer... sauf pour regretter qu’ils n'aient pas vécu plus, pour faire encore plus de musique. Donc, c’est normal, quand on arrive à ce degré d’abnégation et de puissance artistique, ou sportive, on est obligé de se droguer. Donc moi, je suis pour le dopping avoué. "
" Il faut écrire du mal de ses amis. C’est indispensable. C’est d’ailleurs une des preuves principales de l’amitié, c’est justement pouvoir leur dire tout le mal qu’on pense d’eux. Comme ça, le bien, à côté, par contraste, est valorisé. "
" Mon pire ennemi, ou la pire crapule, ou celui que je déteste le plus, je dirai du bien si je le pense et si il le mérite, selon moi, bien sûr. La vie est beaucoup plus simple si on s’accorde à être au moins honnête... Si vous voulez, mentir aux autres, c’est encore acceptable. Mais quand on se ment à soi-même, alors ça c’est dur. On doit certainement mal le vivre. "
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