[rentrée littéraire] les grands gestes la nuit, roman de thibault de montaigu
[lu, défi] la vieille qui marchait dans la mer, roman de san-antonio, 1988

[extraits, nabe] z comme zannini, et comme zanini

Demain soir au Petit Journal St Michel, on fêtera en jazz les 87èmes swinguants de Marcel Zanini

dessin de Laurent LolmèdePour l'occasion, Laurent Lolmède a fait un joli dessin dont la légende pourrait presque avoir été extraite (ci-dessous) d'un morceau choisi dans Alain Zannini, roman de Marc-Edouard Nabe publié en 2002 :

...  juste le titre de sa chanson dans une bulle de bande dessinée ...

" Marcel avait tout laissé pourrir pour re-être jazzman, alors qu'il avait été célèbre en tant que chanteur de variétés. Tellement célèbre, et d'emblée, que son producteur n'avait pas jugé utile de mettre son nom sur ses affiches ! Ça me troublait de voir sur les murs de ma nouvelle ville (Paris, 1969) la trombine de papa, sans notre nom, et partout comme si elle était mise à prix (dad or alive). Apparemment, il n'avait pas un nom digne de ce nom, puisqu'il "n'" était connu "que" par son seul visage. Juste le titre de sa chanson dans une bulle de bande dessinée : ça suffisait aux gens pour "remettre" mon père. Moi, c'est ce nom absent que j'ai remis... à plus tard ! En attendant, je m'appellerais autrement, et surtout pas comme ce type "innommable" ! "

In: Alain Zannini, roman, p. 324
 

dans la suite de ce billet : d'autres extraits (avec Marcel inside), que j'ai sélectionnés dans le chapitre Z comme Zannini de l'ouvrage Marc-Edouard Nabe - Morceaux choisis, publié en 2006 aux éditions Léo Scheer

“ Mon père est né le 7 septembre 1923. Ce jour-là Kafka dormit en public. ”

In: Non, chroniques, p. 291


Frédéric Mitterand : Et sur le tube diabolique Tu veux ou tu veux pas, vous devez avoir un jugement là-dessus ?
Marc-Edouard Nabe : Bien sûr, et ça m’intéresse beaucoup. Un succès qui arrive comme un voleur dans une vie et qui cambriole un personnage ! Ça été aussi comme une embarcation dans une fusée qui l’a propulsé dans une ambiguïté qu’il n’a plus maîtrisée... C’est tout à fait passionnant. "

In: Coups d’épée dans l’eau, chroniques, p. 115 (26/08/89)

“ Mon père, on le considère partout comme le Sinatra de la clarinette. Ce qu’on veut dire c’est qu’il croone avec son pipeau. C’est un grand charmeur : il cherche des mélodies qui font mal au désir. Ma mère dit toujours : “Mon mari a une très belle sonorité.” On la reconnaît entre mille : c’est le sourire de la Joconde, avec un peu de salive en plus. ” 
 

In: Zigags, chroniques, p. 49

“ C’était le 7 septembre. J’avais choisi ce jour-là pour m’évanouir dans l’atmosphère car c’était l’anniversaire de mon père. Quel plus beau cadeau aurais-je pu lui faire que celui de ma disparition ? “Tu reviendras dans deux semaines, prophétisa-t-il stupidement comme pour masquer son futur manque de moi. C’est comme quand tu meurs, on te pleure trois jours, puis on t’oublie. Regarde, moi, si je mourais, tu ne pleurerais pas six mois !” Je laissai papa à ses soixante-dix-sept ans. “Désormais, je ne pourrai plus lire Tintin...” Et c’est dans cette dernière phrase que mon père, qui s’appelait Marcel, mit toute la mélancolique ironie dont il avait été incapable pour commenter nos adieux. ”

In: Alain Zannini, roman, p. 12


“ Rue Paradis, il y avait un marchand d’instruments dans la vitrine duquel une pancarte disait : “Leçons de clarinette, méthode américaine”. Pendant six mois, mon père passait devant la boutique sans jamais oser entrer. Le jour où il se décida, plus de pancarte ! Il entra quand même et le marchand lui dit que c’était trop tard, le professeur Abinenti ne donnait plus de leçons, il quittait même Marseille ! Le Zanine blêmit si fort au bord du désespoir que le marchand le recommanda à un clarinettiste amateur très bon disait-on, Bouffar, qui habitait Vauban. Marcel rencontra donc Bouffar, à peine plus âgé que lui, et ils allèrent tous les deux chez Galarette rue Tapis-Vert (près du cours Belzunce). Galarette était vendeur et réparateur de guitares, de tambours, de trompettes... Son magasin était au-delà du pittoresque, tout un bric-à-brac de mécano instrumental hyper-Dubout. Dans l’atelier, il y avait le vieux Galarette lui-même, en tablier, un bouquet de manches de contrebasses à la main, et un bout de flûte traversière sur l’oreille comme les épiciers ont là leur crayon de bois. Il parlait à son employé : “Tu te rends compte ? Maintenant, ceux qui “tapent” gagnent autant que ceux qui “soufflent” ! “
Bref, Bouffar choisit pour mon père une clarinette à louer et ils remontèrent chez lui. Pendant que son prof allait se laver les mains, Marcel, n’y tenant plus, empoigna “sa” clarinette et (les mains à l’envers) souffla dedans. Bouffar sortit en trombe de la salle de bains, les mains à l’endroit mais encore toutes mousseuses : “Mais tu as le son !”. ”

In: Kamikaze, journal intime, p. 3317 (28/06/89)



“ Dachy trouve charmant mon père, “cet homme au sourire si doux”, et très intéressante sa tournure d’esprit (byzantine ?) par rapport à la mienne.
-- C’est très curieux et très émouvant de vous voir ensemble. On ne sait plus si c’est le fils qui a été influencé par le père ou le père qui a fini par copier le fils. ”

In: Inch’Allah, journal intime, p. 2555 (11/04/88)


... et d'autres billets du blogue de tilly sur Nabe et ses livres...

 

photo prise par Daniel Michaut, dit ramsès, le 26 août 2010 au Petit Journal Montparnasse (l'autre Petit Journal), au piano : Patrice Authier, à la contrebasse : Pierre Mingaud (Patrick Bacqueville au trombonne et Michel Denis à la batterie étaient là aussi, mais Marc-Edourd Nabe à la guitare rythmique manquait à l'appel)

Commentaires