[masse critique] la maison rajani, roman de alon hilu
turkish délices

[lu] inch'allah, journal intime 3, de marc-edouard nabe

du samedi 14 juin 1986 au lundi 2 mai 1988, pp. 1649-2611, index
éditions du Rocher, août 1996

disponible sur http://marcedouardnabe.com, 60 euros

Dans le Nouvel Obs du 10 octobre 1996, l'éditorialiste Delfeil de Ton écrivait à propos d'Inch Allah :
"Le Nabe, il a pas quarante ans. Au troisième tome du journal, il en a vingt-sept... Et c’est de mieux en mieux. Lisez tout, ce sera un monument. On n’est qu’aux fondations, et si vous entrez là-dedans, vous verrez un peu si ça déblaie le paysage."

L'homme de presse dénonçait déjà très fort la conjuration des médias imbéciles qui n'annonçaient alors nulle part la parution du troisième tome du journal intime de Marc-Edouard Nabe.
Cette semaine, dans le Nouvel Obs du 25 février 2010, le même Delfeil de Ton donne un article pleine page à propos de la publication de L'Homme qui arrêta d'écrire :
"Il les a tous baisés car le beau de l'affaire, c'est que ça commence à se répandre que son livre est une parfaite réussite, que d'un bout à l'autre on s'émerveille, qu'il y a une invention sans pareille, que c'est d'une drôlerie de tous les instants et ils voudraient bien, tous, maintenant, voir ce qu'il y a dedans. Pas de service de presse. Les critiques devront l'acheter. Ah ! qu'on rigole. C'est pas de la baudruche, Nabe."

Les précédents volumes du Journal intime sont : Nabe's Dream, Tohu-Bohu
Le volume suivant et dernier du Journal intime c'est : Kamikaze


J’ai déjà raconté ici comment j’avais interrompu ma lecture d’Inch’Allah au moment où Nabe rencontre Jean-Jacques Schuhl, pour en lire le dernier opus : Entrée des Fantômes. Dans la foulée j’avais lu Ingrid Caven. Et puis L’Homme qui arrêta d’écrire est arrivé...

C’est donc ces jours-ci seulement que j’ai terminé le troisième et avant-dernier tome du Journal intime que j’avais commencé en janvier.

Est-ce le meilleur des tomes du Journal, comme l’ont dit ici plusieurs commentateurs ?

C’est vrai qu’il couvre une période courte mais mouvementée à beaucoup de points de vue dans la vie de Nabe, qu’il est riche en événements, et qu’il démarre sur les chapeaux de roue de camion... avec la mort de Coluche.
Sinon pour moi, le rythme de l’écriture, la fantaisie, la sincérité dans l’introspection, le talent pour la description des lieux et des caractères, tout est de la même veine jouissive et explosive que dans les volumes précédents (et j’en suis certaine, du suivant et dernier qu'il me reste à lire !).

Au moins pour cette lecture, j'ai surtout retenu le journal de l’écriture et de la publication du premier roman de Nabe : Le Bonheur. Influencée par le dernier roman publié (L’Homme qui arrêta d’écrire), mon attention et ma curiosité étaient inévitablement attirées dans Inch’Allah par tout ce qui touche à l’écriture, au travail de l’écrivain et à la spécificité du mode romanesque. C’est là-dessus que je mets l’accent dans les notes de lecture (restrictives) qui suivent.

L’été 86

Donc au début du journal intime 3, on est en juin 1986 : Nabe et Hélène sont en vacances à Calvi chez Jean-Edern Hallier dont ils ont fini par accepter l’invitation. Nouvelles amitiés aux confins de la littérature et du jazz, notamment avec René Caumer.

Avec le monde entier Nabe apprend la mort de Borges.

Avec la France entière, il apprend  celle de Coluche, qu’il surnommait Bodruche (cf. Delfeil de Ton : “C'est pas de la baudruche, Nabe.”) dans un roman inachevé et resté impublié : Bordelgrad (voir Tohu-Bohu).

A peine rentrés à Paris, c’est le fameux premier coup de fil de Spaggiari qui demande à rencontrer Nabe ! Le premier des rendez-vous improbables mais vrais avec “Romain” a lieu Place d’Italie. D’autres suivront.

C’est en juillet dans les Ardennes où Nabe peint beaucoup que cristallise vraiment l’idée du Bonheur : “ce sera un roman architecturé”.
“Et dans tout roman, il doit y avoir une bible, au centre, qui bat...”. La bible du Bonheur ce sera Tartarin de Tarascon, le chef-d’oeuvre de Daudet.

Maintenant, en repensant au catalogue des Orients de Nabe (mars 2009), j’imagine Nabe peignant ses moujahidines, ses têtes de christ et ses popes avant de se mettre à écrire, ou en même temps, ou après, L’Homme... Ce que je me demande, c’est : où peignait-il à cette période ? Et aussi, si il aura bientôt gagné suffisamment d’argent avec L’Homme pour enfin avoir un atelier de peintre ?

Peinture toujours, c’est lors du vernissage de l’exposition de Nada Akl, que Nabe tombe amoureux de la jeune artiste-peintre libanaise.
Cet été-là, Nabe se nourrit aussi de films au festival Fassbinder. Il découvre Thomas Wolfe, relit Céline et Joyce.

Des articles sur Billie et Zigzags continuent de paraître irrégulièrement dans la presse, et les lecteurs fans continuent d’écrire à leur auteur qui intègre articles et lettres dans le journal intime.

L’automne 86

Le studio de la rue Vergniaud est trop petit, Nabe s’installe au bistrot d’à côté pour écrire Le Bonheur chaque matin. Hélène relit le premier chapitre et sur son conseil, Nabe recompose complètement le début de son roman. D’un seul jet le lendemain, il écrit seize pages du nouveau premier chapitre. “Phenix renaît de ses cendres. C’est parti. Le roman prend enfin le large.”. C’est dans ce troquet que Nabe croise tout à fait par hasard une fan de l’écrivain Jean-Jacques Schuhl qu’il admire mais n’a pas revu de puis sa petite enfance.

Après les attentats revendiqués par Action directe au début de l’été, l’automne 86 de la cohabitation Miterrand-Chirac est marqué par des attentats terroristes très rapprochés et meurtriers : Les 4 Temps à La Défense, le pub Renault sur les Champs, la Préfecture de Police en plein centre de Paris, le magasin Tati de la rue de Rennes.

Nabe écrit. Pin’up accouche : “... attentat, chez le vétérinaire de la Butte-aux-Cailles. Quatre morts, pas de blessés.”

A la célèbre terrasse de L’Ecloserie des Papas, Nabe rencontre de plus en plus régulièrement Sollers et Hallier qui se disputent toujours jalousement le statut de maître ès-monde littéraire auprès du jeune écrivain.

En plus du roman en cours d’écriture, Nabe va être sollicité pour des articles de presse. Il aura des succès divers (sur Dominique de Roux et Fassbinder) et des échecs retentissants comme avec la critique à charge du film de Tavernier d’après le livre de Francis Paudras : Autour de Minuit. Le Figaro lui avait demandé, Pauwels finira par le refuser.

Le texte de l’article Les pieds dans le jazz est intégré au journal.
Son ami le pianiste François Rilhac le console :
"- Tu es comme Monk. On croyait qu’il faisait des accords faux alors que c’étaient des harmonies inouïes. On croit que tu dis des conneries, et puis c’est la vérité."

Le concert de Miles Davis organisé par Canal + au Zénith, ne réconcilie pas Nabe avec le milieu du jazz français. Malgré tout, il noue une amitié nouvelle avec Claude Nougaro, et est invité au festival de jazz de Nancy pour y exposer des gouaches et surtout pour revoir Miles.

Un grand moment (vendredi 26 septembre) : la soirée polenta avec Spaggiari chez des amis à lui à Montmartre !
Un autre moment inoubliable (mercredi 22 octobre) : les trois heures (!) passées à discuter avec Miles et Hélène dans l’intimité de la chambre d’hôtel du musicien, à Nancy...

L’hiver 86-87

Nabe poursuit vaillamment l’écriture du Bonheur malgré les perturbations amenées dans sa vie de couple par la fougueuse Nada. Hélène souffre.

Agitation sociale. Pour la première fois de sa vie Nabe participe à une manifestation le samedi 6 décembre : l’hommage à Malik Oussekine. Discussions entre amis après la manif : des sentiments mitigés qui vont entraîner des fâcheries avec Marc Dachy et Albert Algoud.

En prélude au Droit de Réponse du 31 janvier, une première exposition : Les Pinceaux de Nabe. “On en a finalement vendu quatre, ce qui n’est pas mal... Pour cinq mille balles !”.
Nabe est plutôt content de sa prestation chez Polac, il aime le direct, ses amis l’entourent.

Le 22 février, c’est l’arrestation du groupe Action Directe, auteur du meurtre de Besse.
“Je ne suis ni d’ultra-gauche ni d’ultra-droite mais l’immense sympathie que j’éprouve pour ceux qui sont dans ces deux camps vient du mot “ultra” plus que de ceux de “gauche” ou “droite”. Je suis un ultra. Ultra quoi ? Ultra tout. L’extrémisme est la seule chose que je respecte sur cette terre.”

Et puis il y a le 6 avril, la rencontre inattendue que Nabe attendait depuis longtemps : Jean-Jacques Schuhl. C’est Marc Dachy qui les remet en face l’un de l’autre au vernissage d’une exposition Picabia. Nabe s'adresse à la mère de Schuhl, se souvenant d'un livre sur Bacon, qu'elle lui avait montré chez elle à Aix. Schuhl entendant ça, intervient très pince-sans-rire :
"- Aix and Bacon..."

Dans Entrée des fantômes le dernier roman de Schuhl qui vient juste de sortir (janvier 2010), il y a une scène chez le médecin qui examine le cliché radio de la hanche de son patient et qui dit pour signifier la gravité de ce qu'il observe :
"- eh bien votre hanche, c'est un vrai Bacon !
Alors Charles-Schuhl lui demande :
- Un vrai ? Docteur, vous êtes sûr ?!"
En sortant, sur le trottoir, le narrateur sort la radio de sa hanche : “En transparence, je l’ai juste devinée, venue un instant se superposer à ces formes spectrales un peu nacrées, j’ai détourné les yeux de mon image en négatif et je l’ai vue s’éloigner sur le côté, souple, légère, une allure de danseuse, il m’a bien semblé, un vrai Degas !”

Dans L’Homme qui arrêta d’écrire le dernier roman de Nabe qui vient juste de sortir (janvier 2010)... sur le trottoir des Champs-Elysées, le narrateur observe le cliché des poumons d’une vieille connaissance. En transparence au milieu des nuages de poumon, il voit Emma qui l’attend...
Et si Emma avait quitté un instant le narrateur pour aller danser dans le roman de Schulh ?
Est-ce la manifestation du partage d’un inconscient artistique entre deux écrivains ?
Est-ce volontaire ?
Sont-ils complices ?


Le printemps 87

Dans l’argumentaire que Nabe a lui-même écrit pour la future promotion du Bonheur, on lit :
"Genre : Roman, vrai roman, pas chronique d’un roman ou roman-prétexte. Roman épique.
Technique : Cinématographique (pas dans le sens de scénario) : un roman qui se lit comme un film, et picturale : des paragraphes qui se regardent comme des tableaux. Refus de l’ellipse, du monologue intérieur. Innovations typographiques.
Écriture : Très lyrique et d’autant plus précise.
Thèmes : La peinture, la malédiction, le succès, l’argent, la mémoire, l’adultère, l’enfance, les animaux, le cynisme, la télévision, etc., etc., etc.
Références : Multiples et invisibles
Signe particulier : Aucune pornographie.
Défauts : Pas assez “actuel”. Trop d’émotion.”


Au plus proche de l’écrivain, en garde rapprochée, toujours Hélène bien sûr, mais aussi Alain Bunescu, le postier documentaliste, Fabienne Manescau, l'indispensable secrétaire-lectrice-correctrice. Dans le cercle d’amitié suivant : Marc Dachy, Albert Algoud, Jackie Berroyer.

Chez Denoël, on s’apprête à lancer la fabrication... premières épreuves, dans les délais prévus. Pendant ce temps-là : le procès Barbie s’achève que Nabe a relaté au jour le jour dans son journal.

Juin 87, retour à Calvi, un an après, pour le premier festival de jazz de Nabe ! Quelques tiraillements entre musiciens de style différents... mais Nabe profite au maximum de l’ambiance du festival “off” avec Rilhac, René Caumer et ses amis corses.
“Il fallait bien que ça retombe. Ce serait trop simple si on pouvait rester sur un nuage sans payer sa place”. Les choses se gâtent en effet quand la maman de Nabe, Suzy, lui fait devant Hélène, une horrible scène à propos de ce que Nabe a écrit dans le Bonheur sur les Marseillais (!) et qu’elle ne peut supporter. S’ensuivra une longue et triste fâcherie de l’écrivain avec ses parents.

Au retour à Paris et avant le départ en vacances, Nabe annonce à Bourgadier son éditeur, qu’il a besoin d’un délai pour reprendre Le Bonheur et corriger les imperfections que les premiers relecteurs (Bunescu, Caumer) ont souligné. Le Bonheur ne sortira pas à la rentrée, mais au tout début de l’année 1988.
“Cher Marc-Edouard
Tout va bien. L’effet retard est bon. La curiosité, les interprétations diverses, le piapiatage vont faire monter la pression. C’est du grand art.
[...]
Votre
Gérard Bourgadier”

L’été 87

Dans les Ardennes, Nabe se remet à la peinture (portraits de Bloy, Céline, des Ecce Homo) et rattrape le retard pris depuis le 15 juin dans la rédaction de son journal.
“Me voici à jour aujourd’hui, le passé a rejoint l’instant présent : ils se confondent. Une partie de mon aigre tristesse s’est évanouie avec ce travail éprouvant de malaxage de l’âme. Je me suis soulagé sur toutes les tombes de mes récentes douleurs.”

Nabe poursuit son incursion littéraire sur les chemins de la foi chrétienne (Simone Weil, Péguy, Claudel). Hélène s’agace : “Après le fascisme, le christianisme ? Tu ne m’auras rien épargné !”.

Début septembre, exil à Juan-les-Pins avec Hélène pour reprendre et finir Le Bonheur. Travail intensif, difficile mais inspiré. Puis de Nice à Bastia, et enfin Calvi. Nabe retrouve Caumer pour une semaine de décorticage ligne à ligne du manuscrit, en binôme.
“Dimanche 20 septembre 1987 - 12 h 30 : on a fini ! René me lance la dernière page, faussement méchamment.
Quel soulagement ! Le Bonheur est bon ! Je me vois encore il y a deux mois me rongeant dessus. Oublié, l’enfer !”

L’automne 87

Quelques premières fois. Première ligne de coke : pas de sensations. Première messe (70 ème anniversaire de la mort de Bloy). Première visite à Lucienne Destouches, le 16 novembre.

Nabe entame une sorte de catéchuménat avec Sollers dans le rôle du directeur de conscience.

En novembre : l’épreuve des épreuves.
“Je ne laisse plus rien passer. Il y aura assez bien d’erreurs malgré moi. Je n’ai qu’un principe : quand je vois une faute, je la corrige.”
Patatras, le 18 novembre, Nabe a une illumination à retardement : Menton c’est après Monaco, pas l’inverse. Il faut annoncer chez Denoël qu’un nouveau jeu d’épreuves sera nécessaire après avoir remis l’ordre géographique dans Le Bonheur ! Sortie peut-être encore retardée de dix jours.
“Il parait qu’à une époque La Table Ronde faisait signer le bon à tirer sur le manuscrit pour que l’auteur n’ait même pas le droit au repentir sur le premier (et le dernier) jeu d’épreuves ! Pardonnons-les ils ne savent pas ce que nous faisons.”.

Cette anecdote qui montre le perfectionnisme de Nabe et son implication dans la “fabrication” de ses livres, m’a fait repenser évidemment à sa position actuelle radicale vis-à vis de l’édition, et qui est affichée noir sur blanc dans un article-interview avec Florent Georgesco et Léo Scheer : “Pauvres chéris”, La Revue Littéraire, mars 2010.

L’hiver 87-88

Ça y est, Le Bonheur est annoncé, lancé, l’espoir fleurit en hiver. Pourtant Nabe sent des réticences, des déceptions parmi ses proches, la famille.
Sollers lui, est enthousiaste.

Extraordinaire anecdote de la messe de minuit à Notre-Dame de Paris.
Nabe croise Monseigneur Lustiger. Je ne dévoile pas leur court dialogue... allez lire !

Dimanche 27 décembre, Nabe a vingt-neuf ans. “Ma mère me dit : “Il y a vingt-neuf ans, tu étais gentil”...”
.
A la Crépusculerie des Papas (sic), Hallier fait une violente scène en public parce que Nabe ne veut que ni lui ni Sollers soient présents dans le public de l’émission Apostrophes de janvier. “Titubant de champagne et de colère, je quitte la Tartufferie des Nec plus ultra.”
Le 1er janvier, Nabe reçoit la lettre de rupture de Jean-Edern Hallier.

“Mardi 5 janvier 1988. - Le Bonheur est en librairie !”

Les articles de critiques littéraires commencent à tomber. De bonne augure: le premier grand article élogieux sur Le Bonheur est signé Patrick Grainville. 

Vendredi 8 janvier : Apostrophes, deuxième.
Ni drame, ni triomphe. Impressions mitigées. Le moral baisse.
A la mi-janvier : “Tout le monde trouve le livre très interessant, mais ça ne décolle pas vraiment. Depuis le début je sens que Le Bonheur ne plaît pas... L’abracadabrance déroute.”.
Pourtant “On exulte chez Denoël.”

Nabe commence une tournée des ondes. Il apprécie fort l’exercice. Une intervieweuse dit de lui : “il transfigure “le roman moderne” en autobiographie mythologisée”

“Du transfiguratif en somme. Pas bête.”


“Comment se fait-il qu’on ne se satisfasse pas de cette presse matraqueuse qui peu à peu redresse l’impact médiocre d’Apostropjes (sans être l’objet du rush espéré, Le Bonheur, me dit Denoël, se vend doucement dans la proportion du tiers du tirage - 4 000 - depuis sa sortie...) ? Il faudrait arriver à s’en foutre. Je suis encore trop fragile : c’est mon premier roman.”

Les consolations de Nabe : au cinéma Marcel L’Herbier ; à la radio : le Tango de Stravinski ; une première rencontre avec Patrick Besson dont Nabe apprécie l’esprit (différent de l’humour).

Les Zanini et la télé... (anecdote)
Malgré leurs relations tendues, Nabe accompagne son père et ses musiciens invités sur Antenne 2 pour une émission du matin (Matin-Bonheur...) au cours de laquelle il pourra parler du Bonheur (sic). Tout se passe bien.

Mais il se trouve que le même jour, Marcel a une autre télé sur TF1, chez Dechavanne ! Nabe le suit avec Hélène pour étudier le terrain, pour la suite...

Ils s’absentent au moment où l’animateur prend Marcel à partie et lui reproche son manque de professionnalisme : ça ne se fait pas de passer à la concurrence le jour même !
Lorsqu’ils reviennent sur le plateau pour le début de l’émission : “Michel Denis, le batteur est dans tous ses états.

- Si t’avais vu comme il lui a parlé à ton papa : un petit garçon ! Il ne faut plus se laisser faire... C’est nous les artistes, pas eux... Sans nous ils n’existent pas ! Et ils nous traitent comme des chiens... Avant ça ne se passait pas ainsi... Oh ! S’il m’avait parlé comme ça, ce petit con, je lui cassais la gueule sur place !...

Merde ! J’ai loupé le savon. Je vois seulement le Zanine qui fait des bulles.”

Nabe ne rate pas l’opportunité d’un duel et se présente au présentateur. S’ensuit un dialogue à lire absolument... Mais ce n’est pas fini :
“A la fin, dans les loges, alors que je discute de Céline avec Roland Blanche, Marcel aggrave son cas en tendant martyrement la main à Dechavanne...

- Sans rancune, j’espère ?...

- Ah ! Si ! Quand même ! Ca ne se fait pas ! se racrestille le bouffon.
"Christophe" n’a pas avalé ! Après l’émission, toujours courroucé... [...] Et toute la smala autour qui approuve la vexation du coq hérissé de toute sa crête rose ! Tout ça pour une seule chanson (d’accord c’est la même que celle qu’il a chantée sur la 2 et la diplomatie, comme chacun sait, n’est pas le fort de mon père)”
Pour Nabe la guerre aux médias est officiellement déclarée !

Et maintenant que va-t-il faire ? Nabe a un projet de roman court : Le Judas.
On voit aussi se dessiner Petits Riens Sur Presque Tout, et Visage de Turc en pleurs.
Nabe reprend sa liste de “en chantier”, et y ajoute un projet très peu littéraire et encore peu étudié : un enfant avec Hélène ?

Le printemps 88

Éclaircie : Nabe fait une conférence sur Bloy en province, devant des lycéens.
“Applaudissements. Succès. Remerciements.”

“Un prof moustachu me dit : “Finalement, vous défendez la littérature aujourd’hui comme Bloy défendait le catholicisme au siècle dernier !”.”
.

Alors que Suzy fait des séjours répétés en clinique, Nabe et Hélène vont s’aérer pour Pâques avec les Algoud, à la campagne, dans Le Lot. Inénarrable (sauf par Nabe) équipée. Enfer, paradis, tragicomédie, larmes, douce folie, et bonheur du retour à Paris dans le petit studio.
“Ce studio a quand même une sacrée gueule. Quel agencement de gaietés !... On ne peut être qu’heureux ici.”

“Mardi 19 avril 1988. - J’ai enfin réussi à remonter ce journal. Je laisse trop traîner. C’est lui qui me gâche la vie ! Bientôt cinq ans (1 825 jours !!!) que je m’y astreins. J’ai raison, mais je vivrais plus heureux si je n’avais ce souci permanent qui me hante : ne pas laisser filer le temps entre mes doigts.”

A la mairie de Courbevoie, une magnifique réception est organisée pour les quatre-vingt dix ans d’Arletty. Hélène et Nabe s’y rendent.
Beaucoup de connaissances.
Une (re)connaissance : Nada.
Hélène et Nada font connaissance.

Au Salon du Livre, Nabe signe Le Bonheur à coté de Bohringer qui dédicace C’est beau une ville la nuit, chez le même éditeur.
“Devant moi, les gens font la queue pour Bohringer. Comme au ciné ! Ce sont des ploucs, des minettes et des faux durs que l’acteur séduit parce qu’il est pour eux le Rimbaud qu’ils ne pourront jamais lire ! Tous trépignent, leurs 55 francs à la main. Ces gens me regardent comme un Martien en costard, certains feuillettent mollement Le Bonheur, comme dans une salle d’attente on tripote un magazine avant de passer chez le dentiste, puis le reposent... D’autres me demandent carrément des renseignements sur Bohringer ou sur le salon en général, me prenant sans doute pour une sorte de steward et Hélène pour une hôtesse !...”

Pendant des jours et des jours, atermoiements amoureux. Tortures sentimentales entre les belligérants : Nabe, Hélène, Nada. Finalement, encouragé par Dachy et Algoud, Nabe se décide et écrit un magnifique poème de rupture à Nada, qui se termine par :
“Nous ne sommes pas frère et soeur.
Nous ne sommes pas mari et femme.
Nous ne sommes pas amants.
Nous ne sommes rien.

C’est tout.

C’est bien et c’est fini.


Ton schizophrène qui a tranché

Marc-Edouard Nabe”


Le troisième tome se termine presque comme il avait commencé : la mort de Desproges que Nabe met dans le même cabas que Coluche.

les précédents volumes du Journal intime sont : Nabe's Dream, Tohu-Bohu
[ le prochain et dernier volume du Journal intime : Kamikaze (mai 1988 - septembre 1990) ]


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Demain vendredi 5 mars 2010, je pars pour passer quelques jours en Turquie. J’emmène Le Bonheur à relire (je l’avais lu trop tôt, en 2007).



Les précédents volumes du Journal intime sont : Nabe's Dream, Tohu-Bohu
Le volume suivant et dernier du Journal intime c'est : Kamikaze




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