le weekend où salinger est vraiment mort
mardi 02 février 2010
C'était un temps rêvé pour la balade en forêt, le tour de l'étang : beau froid sec et ensoleillé. Au final j'ai passé une grande partie du weekend toussotante et crachotante (épisode n°3 de la série automne-hiver 2009-2010), entre fumigations, couette, fauteuil, revues et bouquins, un peu de télé, beaucoup de radio.
jeudi -- A la radio, j'entends l'appel pour le jury du Livre Inter. Je résiste dédaigneusement, non merci, pas cette année. D'ailleurs j'ai suffisamment de lectures devant moi. Dont celles que j'emmène en partant vers l'ouest, pour un long weekend.
flash-back -- Il y a environ deux semaines, j'étais plongée dans la lecture d'Inch'Alllah, Journal Intime 3 de Marc-Edouard Nabe. A la radio, j'entends un court entretien avec Jean-Jacques Schuhl prix Goncourt 2000 pour son roman Ingrid Caven. Il est interrogé à l'occasion de la sortie de son quatrième roman en quarante ans : Entrée des Fantômes. Beaucoup de charme... Je tombe raide dingue de la chanson qu'il a écrite pour Ingrid : La la la et qu'il a choisie comme conclusion à l'émission. Classe, élégance, "todchic".
Je reviens à Inch'Alallah. J'en suis au 6 avril 1987, page 2085, et je lis....
" Schuhl ! L'idole de ma jeunesse ! L'écrivain invisible ! L'inventeur de l'information-fiction !... "
Après vingt-cinq ans de chassés-croisés, Nabe rencontrait pour la première fois Jean-Jacques Schuhl dans une galerie de peintures.
Un signe. Aussi sec, j'achète et lis Ingrid Caven, en poche. Magnifique. Et je décide de prendre Entrée des fantômes pour le lire pendant le weekend.
vendredi -- Je lis Fantômes. Je suis contente d'avoir aussi pris Ingrid Caven avec moi. C'est fou comme les deux romans écrits à dix ans de distance, entrent en résonance. Je prends des notes.
Cette photo magnifique que Vincent Turquois a prise de Dutronc lors d'un concert au Zénith de Paris début janvier n'est pas du tout hors-sujet. Je suis allée l'écouter ce soir au Zénith de Nantes avec mon amie Marie-Henriette. Comme par miracle, je me sens beaucoup mieux ! Excellent concert. Grand grand plaisir. A Vincent Lindon venu sur scène pour un duo et qui vient de faire un épouvantable effet larsen en abaissant son micro en direction d'un ampli : "Ton micro, faut jamais qu'il débande !".
La lune est pleine ce soir, dans un ciel clair. Elle me fait penser au projecteur braqué sur L'Opportuniste.
samedi -- Forêt, étang, vus de loin, vus de haut, à la fenêtre. Deux grandes aigrettes blanches, et le héron gris paradent aristocratiquement sur les grèves boueuses qui bordent l'étang peu profond.
Il parait que Jacques Dutronc incarnera prochainement Céline dans une adaptation au cinéma de D'un chateau l'autre. Ce matin en poursuivant la lecture de Fantômes, je me représente Jean-Jacques Schuhl avec les traits et l'allure de dandy fatigué du chanteur.
En fin de journée, Marie-Henriette (qui est bien au fait et un peu complice de ma dépendance à internet...) m'invite à venir consulter ma messagerie chez elle.
Aieee, je trouve un mail annonçant le passage de Nabe chez Taddeï sur Europe 1 à 18h15, mais il est 19h30 quand je lis le message ! Et sur le blog des Jeunes Vermines j'apprends que le jeudi soir il y avait un lancement confidentiel de L'Homme qui arrêta d'écrire dans une boutique de mode du côté de Saint-Sulpice. J'ai aussi un message me prévenant de l'expédition de ma commande de son livre, comme prévu le 27 janvier... je vais rater la livraison !
dimanche -- L'étang est gelé le matin. Les "courtes pattes" (canards, poules d'eau, mouettes) se risquent au patinage sur glace pour trouver l'eau libre au milieu.
J'ai fini de lire Fantômes. J'ai pris des notes pour écrire une chronique. Ce livre est fascinant. J'ai repris Ingrid Caven pour retrouver les correspondances.
lundi -- Au réveil je trouve le titre pour ce billet. Contente de moi !
Le nez dehors, un peu quand même, avant de reprendre le train.
Retour à Paris.
ps -- Et J.D. Salinger, dans tout ça alors ?
Sur inter, Begbeider le comparait à Camus (!), j'ai pas bien compris pourquoi. Il y a aussi ce message de Bret Easton Ellis sur twitter qui crée la polémique en cent quarante caractères :
Yeah!! Thank God he's finally dead. I've been waiting for this day for-fucking-ever. Party tonight!!!
Peut-être qu'il n'y a là rien de très scandaleux ou irrévérencieux ? Juste un hommage en forme de provocation. Un sentiment commun aux écrivains vivants qui pensent devoir leur vocation à la lecture L'Attrape-Coeur. Aujourd'hui, ils peuvent se sentir enfin libérés de l'influence castratrice d'un écrivain fantôme de son vivant.