[souvenir] internet, remède à la nostalgie, à l'apathie et au sybaritisme...
vendredi 28 août 2009
Depuis son "évaporation" aux Etats-Unis en décembre 1981, il se faisait appeler Michael. Mais pour moi il était resté Micha, l'ami polonais de papa qui nous rendait souvent visite depuis la Suisse où il s'était d'abord réfugié dans les années cinquante. Les deux amis s'étaient connus à vingt ans dans des circonstances tragiques (les camps de travail à Berlin entre 1943 et 1945), perdus de vue dans les années 80 lorsque Micha ne pouvant supporter le destin de son pays natal, s'était évaporé aux Etats-Unis, puis retrouvés il y a quelques années seulement grâce à internet (et surtout à mon beau-frère qui avait étudié au MIT où Micha avait atteri à soixante ans passés !) .
En juillet dernier sa femme Krystyna m'avait appris son décès par mail. Il y a quelques jours chez mon père j'ai retrouvé une lettre extraordinaire que Micha lui avait envoyée il y a un an. Micha y essayait une nouvelle fois de convaincre son vieux copain de se mettre aux nouvelles technologies de l'information. Peine perdue, hélas. Et pourtant, le ton, l'acceptation résignée du grand âge, mais aussi l'optimisme, l'admiration du vieil homme de formation scientifique pour les progrès de la communication sont infiniment touchants.
En souvenir de Micha - Michael Lawina, 1916-2009 -, je retranscris le texte de sa lettre à mon père, dans la suite de cette note, avec sa syntaxe personnelle et ses fautes d'origine.
Hampden, le 15 juin 08
Cher Charles,
Je sens que mon silence est devenu inconvenant depuis longtemps. Les gens dans notre situation d'habitude justifient cela par le fait que le temps passe trop vite pour qu'on puisse en égaler. En réalité il nous manque d'énergie pour opposer l'inertie qui nous saisit. Les jours passent, l'un après l'autre ; le sybaritisme guette derrière une telle vie. Comment lutter contre elle ? Comment arrêter l'apathie qui s'avance ?
J'ai pensé que l'ordinateur serait un bon outil contre cette inertie. On pourrait de poser à l'ordinateur diverses questions et recevoir les réponses rapides et satisfaisantes à notre nostalgie. Hélas mon vieux système de programmation était trop lent. Pour recevoir une réponse de l'ordinateur (download) il fallait attendre parfois une heure ! Et cela ouvrait le chemin à l'apathie !
Heureusement, Christine m'a fait une surprise, il il y a un mois. Elle m'a procuré un nouvel ordinateur extrêmement vite (où on mesure le temps du download en secondes). Maintenant je passe des heures devant l'écran et ça donne l'impression de remplir le plein jour.
Ah les ordinateurs modernes donnent les possibilités très diverses. Tu peux évoquer tes connaissances vieilles de la mécanique, la littérature et beaux arts, écouter les chanteurs célèbres, regarder les films anciens (et contemporains), etc. etc...., calmer toute ta nostalgie !
Pourquoi mentionne-je tout cela à toi, Charles ? Bien sûr, je ne connais pas le plan de ta vie d'aujourd'hui, lors je ne puis pas te donner de conseils. Mais ce qui m'a frappé à certain moment (il y a dix ans ou plus), c'est que tu as renoncé à maintenir les contacts électroniques avec tes (tellement nombreux) descendants. Il n'était pas "trop tard" à ce temps ; et il n'en est pas maintenant ! Ne me dis pas les arguments arithmétiques (90 qui s'approche) ! Ce serait pas très difficile à toi d'apprendre les règles fondamentales du computing. Vas-y !
Richards, Finets, - aidez-le !
En t'embrassant bien fort
Christine et Michel
Il y a un an, je n'avais pas lu cette lettre, et ignoré totalement l'appel vibrant de Micha aux enfants de Charles (les Richard - mon côté, les Finet - ma soeur). Charles effectivement, n'avait jamais manifesté le désir de se mettre lui-même au clavier lorsque nous lui montrions les photos de ses arrières petits-enfants, ou les blogues de voyage de ses petits-enfants sur nos portables. Nous aurions dû insister. Micha aurait été tellement heureux de recevoir un e-mail et des photos de son vieux pote..., lui qui n'a pas eu de descendance et disait envier Charles pour la sienne !