[lu] textes et textes Etaix, recueil de textes de Pierre Etaix
j'y Etaix... supplément illustré

histoire de Dorothée, ou le journal d'une belle dériveuse

Une autre retombée inattendue, la deuxième, de mon billet sur l'affaire des films Etaix/Carrière il y a quelques jours. Une nouvelle rencontre virtuelle infiniment troublante. Comme pour celle avec Laurent, j'ai demandé son autorisation à Qui est Dorothee Blanck ?la personne concernée avant d'en parler ici.

Dorothée Blanck avait  mis une note dans son Journal d'une dériveuse [lien] pour signaler mon billet, ce qui m'a bien sûr fait plaisir, mais le plus incroyable, c'est ce que j'ai découvert en visitant ses pages [lien].

Dorothée Blanck est née en 1934. Elle blogue depuis 2004 ! Et tient un journal depuis bien plus longtemps sans doute. Plusieurs billets par jour, chaque jour, tous les jours. Des extraits des livres qu'elle a publiés, des liens vers des billets d'actualité culturelle variés, des notes personnelles. Et ce n'est pas tout, Dorothée a une page MySpace [lien]. Ce que l'on y trouve est fascinant, hypnotisant, infiniment touchant.

Qui est Dorothée Blanck ? Danseuse, modèle, comédienne (films de Renoir, Resnais, Demy, Varda, Bresson, entre autres), écrivain, Dorothée a été, est toujours, d'une beauté sidérante. Sois belle et tais-toi ! C'est l'avenir qui semblait être réservé à la petite fille née dans une prison allemande, d'une maman polonaise détenue politique, ensuite élevée dans différents foyers, le plus souvent séparée de ses parents. L'injonction stupide devient cruelle quand on sait que Dorothée, enfant, était devenue progressivement sourde. Jeune adulte elle est finalement opérée avec succès, recouvre l'ouïe, réapprend la parole articulée, prend des cours de comédie pour consolider sa guérison.

Dans les années soixante j'étais une petite lycéenne de banlieue, on n'avait pas encore la télé à la maison, je lisais beaucoup, et j'allais un peu au cinéma. Je n'étais pas très yéyé. Je ne cherchais pas à ressembler à Sylvie Vartan, à France Gall ou à Marianne Faithfull. Je me souviens que je trouvais belles : Irène Tunc, Valérie Lagrange, Delphine Seyrig, Anouk Aymé. A cette époque elles étaient les aînées de quelques années des soeurs Dorléac. Dorothée B. a tourné dans Lola, Les Parapluies de Cherbourg, Les Demoiselles de Rochefort. Cléo de 5 à 7, je l'ai vu plus tard, au ciné-club de la fac, sans doute. Dorothée Blanck n'a jamais eu de rôle de tout premier plan, elle n'est pas devenue à proprement parler une icône de la Nouvelle Vague, mais elle a surfé, dérivé sur la déferlante, libre et belle.

Pourquoi la Dériveuse ? Parce qu'elle a beaucoup aimé un... Dériveur. Parce qu'ils qu'ils ont navigué ensemble longtemps dans la vie, comme sur les courants argentés de la Manche. Le Dériveur, c'était le surnom donné à Jacques Sternberg, écrivain nouvelliste de science-fiction. Elle ne fut pas son épouse. Les billets sur son journal au moment de la mort du Dériveur en octobre 2006 à l'age de 83 ans, sont infiniment touchants. C'est une des rares fois ou l'on trouve un commentaire sur le blogue de Dorothée B., celui de Jean-Pol Sternberg, le fils du disparu.

Dorothée et Jacques croisaient-ils Françoise Sagan et sa bande à Trouville ? Marguerite Duras et Yann Andrea ? Sans doute pas, car ceux-là étaient loin d'être des sportifs, contrairement à Dorothée B ! Pendant vingt ans, tout en écrivant des romans, Dorothée a donné des cours de yoga... au Club Med. Là encore, la dérive de la vie est jolie, saine, hédoniste, le bord est tiré sans aigreur, avec optimisme,

Festival_cannes

Dimanche soir, je sais que Dorothée  regardait le palmarès du Festival de Cannes à la télé, à Trouville. Elle tourne toujours dans des moyens et courts métrages, elle dit que c'est le format qui lui convient.

Mademoiselle Dorothée Blanck devrait avoir une accréditation permanente à Cannes, je trouve.  Est-ce que quelqu'un connait Thierry Frémeaux et pourrait lui transmettre mon vœu ?

 

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