Merci à mon amie Isabelle qui m'a soufflé l'idée de ce billet (je sèche un peu ces temps-ci).
L'histoire n'est pas neuve, elle a sûrement été reprise maintes fois déjà sur Le Filet. Le scénario, le casting, le making off, et l'analyse des résultats de cette "expérience" sont relatés par le menu dans un article du Washington Post dont j'ai traduit de longs extraits dans la suite de cette note. Enjoy!
By Gene Weingarten
Washington Post Staff Writer
Sunday, April 8, 2007
Le jeune homme venant du métro avait débouché dans le hall d'accès à la station L'Enfant Plaza de Washington. Il s'installa dos à un mur à côté d'une poubelle. Il n'était en rien remarquable : un jeune blanc portant jeans, sweatshirt et casquette aux couleurs des Washington Nationals. Il a sorti un violon, placé l'étui vide à ses pieds, jeté dedans quelques pièces histoire d'inciter les passants à la générosité. Il s'est tourné face au flux des voyageurs, et s'est mis à jouer. C'était un vendredi, un peu avant huit heures, en pleine heure de pointe, un matin de janvier 2007. Pendant trois quart d'heures le violoniste interpréta six œuvres classiques. 1097 personnes sont passées devant lui. La plupart se rendaient à leur travail, et étant donné l'endroit et l'heure, le plus grand nombre étaient des employés de l'administration fédérale, hommes et femmes de la classe moyenne, chefs de service, employés de bureau, consultants, secrétaires, gestionnaires financiers.
Chaque passant était confronté au choix de comportement que connaissent bien les usagers des transports en commun dans cette situation : je m'arrête pour écouter ? je hâte le pas avec un mélange d'irritation et de culpabilité, conscient de ma pingrerie, mais contrarié que l'on m'impose une distraction que je ne recherche pas ? je jette une pièce, juste pour la politesse ? si il est mauvais, je remets la pièce dans ma poche ? et si il est bon ? mon emploi du temps m'autorise-t-il une pause au nom de l'émotion artistique ? après tout pourquoi pas ?
Mais ce matin-là, les réponses à toutes ces interrogations personnelles banales et presque quotidiennes, sont biaisées. Personne ne le sait encore, mais le violoniste adossé au mur d'un recoin de l'immense hall, à la sortie des escalators, est l'un des meilleurs musiciens au monde, interprétant des morceaux renommés pour leur grande beauté, sur un instrument d'une valeur inestimable, un Stradivarius. Il s'agit d'une mise en scène imaginée par le Washington Post, pour mesurer en situation réelle, l'impact d'un environnement ordinaire et peu adapté, sur notre sensibilité au Beau.
Le musicien n'a pas interprété des thèmes populaires et archi connus. Il a joué des chef d'œuvres classiques qui ont traversé les siècles pour leur pur éclat, des musiques faites pour résonner dans les nefs des cathédrales et les salles de concert symphonique. L'acoustique était étonnamment favorable. L'architecture utilitaire de la galerie, servant de passage entre le métro et l'extérieur, s'appropriait le son et le renvoyait, ample et brillant, sans aucune perte d'harmonies. On dit que le violon est un instrument extrêmement proche de la voix humaine. Sous l'archet de cet immense musicien, l'instrument sanglotait, riait et chantait, lyrique. Il se faisant à volonté charmeur, irritable, joueur, tragique, solennel, généreux.
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