[masse critique] Histoire de l'oubli, roman de Stefan Merrill Block
samedi 03 janvier 2009
Ce billet est rédigé dans le cadre du programme Masse Critique de Babelio. Merci à eux !
Est-ce la correspondance et la similitude entre les titres ? J'ai choisi celui-ci dans la liste de titres de la quatrième opération Masse Critique de Babelio en pensant à L'histoire de l'amour de Nicole Krauss que j'avais beaucoup aimé. Beaux titres. Et aussi bien sûr, parce que la maladie d'Alzheimer est le thème au centre de ce premier roman de Stefan Merrill Block jeune universitaire américain.
J'ai trouvé beaucoup de qualités à ce roman qui se lit facilement malgré la noirceur du thème principal. Mais j'aurais aimé ressentir plus d'émotions à la description des vies fracassées des personnages. Manque de poésie, de fantaisie, peut-être en partie dû à la traduction. Le style varie peu suivant les parties pourtant bien distinctes qui structurent le roman (le récit Seth, le récit d'Abel, le mythe d'Isidora, l'histoire génétique de la maladie).
Abel - Abel Haggard est un vieux paysan texan handicapé, résolu à ne pas quitter la ferme tombée en désuétude de sa famille décimée, ce malgré les pressions des promoteurs qui convoitent les dernières terres disponibles de la banlieue de Dallas. Il vit dans le souvenir de ses chers disparus et dans le fol espoir du retour de l'unique rescapée. Il a longtemps été "celui qui est de trop", il est maintenant "celui qui reste".
Seth - Beaucoup plus au sud, à Austin, Seth Waller est un adolescent surdoué, romanesque et mal dans sa peau qui se réfugie dans la solitude. Lorsque le diagnostic de la maladie de sa mère tombe, il décide d'enquêter sur le terrain pour retrouver ses origines familiales mal connues, et établir une cartographie génétique de la forme rare d'Alzheimer précoce dont elle souffre.
Isidora - A des centaines de kilomètres de distance et sans le savoir encore, Abel et Seth partagent un même héritage génétique qui se manifeste par la destruction des mémoires et des vies de leurs proches. L'auteur du roman a imaginé que la descendance de l'homme premier porteur du gène déviant avait inventé et propagé un conte familial qui va servir de "marqueur" de la maladie, et permettre à Seth de progresser dans sa quête. Il s'agit du mythe d'Isidora, une sorte de pays d'Alice, un monde fabuleux, une troisième dimension où les habitants vivent et meurent heureux, libérés de tout souvenir, de toute mémoire. De génération en génération, le conte poétique s'enrichit et se complexifie, mais la tradition n'est jamais interrompue. Le roman repose sur ce postulat poétique original.
Ce que j'ai bien aimé :
- le genre saga, des familles complexes à histoires et lourds secrets
- l'idée de l'inversion du cours de la vie des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer
- certaine réflexion sur les besoins des malades, la description certainement très documentée de comportements de malades
Ce que j'ai moins aimé :
- Stefan M. Block n'est pas Caldwell, ni Faulkner, dommage pour la saga d'Abel
- Stefan M. Block n'est pas Carson McCullers, ni J. D. Salinger, dommage pour le personnage de Seth
En y repensant, il y a plus que leurs titres qui appellent les comparaisons entre le roman de Nicole Krauss et celui de Stefan Merill Block :
- l'écriture, la perte, la Shoah, sont autant de liens entre les personnages solitaires de L'histoire de l'amour
- le rapport à la maladie, la mémoire, le hasard, relient ceux de l'Histoire de l'oubli
- le personnage de l'adolescent surdoué, sa quête identitaire, son éducation sentimentale sont présents dans les deux romans
- tout comme le personnage du vieillard solitaire vivant en marge de la société, mais qui attend jusqu'à la fin la révélation du sens caché de ce qu'il a subi plus que vécu
Au final, je place L'histoire de l'amour assez loin devant l' Histoire de l'oubli dans le classement de mes lectures récentes préférées.