Arlington Park, roman
dimanche 11 novembre 2007
Arlington Rise, ce n'est pas tout à fait Wisteria Lane, mais les épouses et mères désespérées qui y résident partagent avec celles de la série américaine leur lucidité dévastatrice (enfin celle que les fans - comme moi - leur prêtent).
L'écriture de ce roman est très particulière. Comment dire. J'ai été agacée mais scotchée par le style bizaroïde du tandem formé par Rachel Cusk et sa traductrice, Justine de Mazères. Pas de risque de s'endormir, rien n'est monocorde. Elles font alterner les passages où l'écriture est classique, normale, facile, avec d'autres complètement décalés, où les adjectifs télescopent les termes qu'ils qualifient, les verbes dérapent, les métaphores explosent. Parfois je n'ai pas aimé du tout ces jeux de bascule, et souvent j'ai trouvé ça génialement original, parfois j'ai trouvé ça ridicule, à d'autres moments cela illustre à merveille le propos de l'auteur.
Pour preuve, je vous propose dans la suite de cette note deux paragraphes au début du roman. Le premier est en mode normal, le second en mode... alternatif.
"Mais ce jour-là, elle s'arrêta, irréprochable, devant la boucherie sous la pluie et se retourna sur son siège pour se garer en marche arrière. Eddie, qui était attaché derrière elle, se retourna aussi. Ensemble, ils regardèrent par la vitre la rue grise et mouillée."
"... en deux manoeuvres, [elle] amena la voiture à quinze centimètres du trottoir, où elle demeura sous l'aura assourdie du moteur qui refroidissait, en examinant la vitrine du boucher. La pluie y dégoulinait en épaisses rigoles visqueuses. Derrière la vitre, l'étalage rose et rouge procédait à son atroce déposition."
J'adhère bien à l'image de la pluie, mais la "déposition sanguignolante", là je pige pas.
Je n'ai pas toujours tout compris, mais je n'ai rien sauté, chaque fois je me suis arrêtée, intriguée, pour relire. C'est un peu comme si dans un musée, l'accrochage proposait sur un même mur, un tableau impressioniste à côté d'un cubiste, sur un même motif. Brillant. A lire. A suivre.