FilsThon
Développement personnel

Détresse(s)

Madame, Monsieur vous avez pris place dans le TGV direct Paris Nantes. Notre départ est retardé de quelques minutes car nous devons attendre un groupe.

En effet, un agent de l’accueil SNCF vient installer à la place libre derrière nous, une dame aveugle, dont nous comprendrons un peu plus tard qu’elle est aussi atteinte de surdité. Le train part aussitôt. Un peu après Le Mans, le contrôleur passe. Tout à coup nous sentons qu’un mini drame se noue. Le contrôleur s’est aperçu au même instant du handicap de la passagère, et que son billet n’est pas pour le train de Nantes, mais celui de Brest. La dame a des sanglots de désarroi lorsqu’elle comprend la situation. « Je le sentais bien qu’il y avait quelque chose de pas normal ». « Il fallait se dépêcher pour le train, on nous poussait, c’était le bazar ». « Comment je vais faire pour aller à Brest moi maintenant ? ». Le jeune contrôleur prend les choses en mains, il apaise la voyageuse, va prévenir le chef de train, et revient, rassurant. La gare de Nantes est prévenue, la dame aveugle sera accueillie et accompagnée jusqu’au train de Brest.

mais mon histoire ne s'arrête pas là …

Le calme revient dans la rame. Juste avant Angers, nouvelle annonce :

Notre train va s’arrêter à quai en gare d’Angers-Saint-Lau, où nous allons devoir attendre trente à quarante minutes. Un train de marchandises en détresse occupe la voie devant nous. La SNCF vous prie d’accepter ses excuses, blablabla.

Autour de nous, les récriminations sont discrètes pour une fois. Chacun doit penser à la dame aveugle dont le voyage est décidément complètement pourri. Nous, nous allons évidemment rater la correspondance avec le TER et devoir attendre le suivant pendant presque une heure. A Nantes, nous retrouvons la dame aveugle qui elle aussi a raté sa correspondance pour Brest. Elle est installée dans la salle d’attente de la gare, calme et résignée. Avant de prendre notre train, nous nous assurons que l’accueil SNCF s’occupe bien du problème, ce qui semble être le cas. L’énorme bourde de l’employé de la gare Montparnasse a été rattrapée du mieux qu’on a pu. Un taxi va arriver nous dit-on pour emmener la dame jusqu'à Brest, trois heures de route.

Nous arrivons à notre destination une heure plus tard que prévu. C’est le deuxième jour de l’été, malgré l’heure la lumière est encore belle sur l’étang. Dans son taxi, la dame de Brest ne verra pas les ajoncs fleuris le long de la route. Il y a des nuits noires qui sont plus noires et plus longues que d’autres. Des détresses plus insoutenables et muettes que d’autres.

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