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[Charles le bellevillois] Ouvrier comme ton père, 1937-1942

[Charles le bellevillois] Apprentissage, 1934-1937

Episode précédent : Petite enfance parisienne (1920-1923)
Premier épisode : Charles de Belleville

“ … leurs travaux sont pratiques, utilitaires, de caractère parfait… ”

Stcrp L'école d'Apprentissage de la STCRP avait alors ses ateliers dans un coin de la section « Mécanique » de l'Atelier Central, rue Championnet, Paris XVIIIe. Ses deux salles de cours se situaient loin à l'arrière, rue du Mont-Cenis. En 1934, le directeur de l'École, ancien officier de marine, était secondé par deux professeurs, un excellent, ancien marin lui aussi et un très mauvais – Arts & Métiers –. En seconde année, un nouveau directeur – Arts & Métiers – nous fit regretter l'ancien. Le pauvre professeur incapable fut remplacé par un ancien officier mécanicien de l'AéroNavale – Arts & Métiers, bien sûr ! – pourvu d'une jambe de bois et infatigable dormeur. Je le retrouverai plus tard…

Après un an d'ajustage, j'appris le métier de tourneur. Les travaux pratiques alternaient avec les cours en classe. Ces cours étaient d'une déconcertante simplicité et les exercices d'atelier bien moins agréables. Les blessures aux mains, aux yeux étaient assez fréquentes, mais le danger permanent rendait prudent. Le travail s'effectuait sur d'abominablement
vieilles machines usées, réformées, retapées qui avaient été apportées durant la guerre par les Américains.

Bien que parmi les plus jeunes, j'étais encore premier au classement. On disait maintenant « le major » et le Certificat d'Aptitude Professionnel CAP fut mon dernier et unique diplôme après le Certificat d'Études. Enfin, l'essai d'embauche dit de « compagnon », épreuve interne à l'entreprise m'y fit admettre comme « ouvrier d'État » mineur et par conséquent, stagiaire. À quelques exceptions près, mes camarades avaient deux ou trois ans de plus que moi. Nous étions alors une trentaine par « année » ou promotion, tous parisiens ou banlieusards. L'époque voulant cela, j'avais trois ou quatre amis parmi les « fascistes », fils d'anciens combattants, Croix-de-Feu, Jeunesses Patriotes et trois ou quatre autres aux Jeunesses Communistes, Faucons rouges, fils de militants et de syndicalistes. Pour l'équilibre, les autres, tout comme moi, étaient « neutres » et observaient se gardant bien de s'engager dans les discussions politiques passionnées du moment qui, heureusement, à l'école ne dégénéraient jamais en bagarres.

Le meilleur de la nouveauté de ces trois années fut certainement l'éducation physique, une demi-journée en hiver, deux en été. Nous étions entraînés par deux moniteurs sportifs et passionnés, et ces activités me firent le plus grand bien, car vélo mis à part et natation, je n'étais ni doué, ni préparé aux exercices musculaires.

Jusqu'en 1936, la semaine anglaise concernait quarante-huit heures de travail hebdomadaire. Cette année-là, à la rentrée, les quarante heures du Front Populaire libérèrent le samedi matin qui fut consacré au sport, au stade de la Porte des Lilas. J'en profitais pour, à midi, rendre visite à ma grand-mère qui habitait non loin, un appartement sombre et vaste rue de Belleville. Contente de me voir, elle me préparait le steak que j'apportais. Elle mourut hélas cette année-là et mes parents se décidèrent alors à revenir à Paris. Dès lors, pour ma dernière année d'apprentissage, le trajet raccourci fut beaucoup moins pénible. Nous habitâmes à partir de l'hiver un tout petit logement de ce 140 rue de Belleville, près du métro Jourdain.

Adieu la gare toute neuve du Vert-Galant, à une demi-heure à pied de la maison, le train de 6 heures au petit matin, la Gare du Nord enfumée et l'autobus 31. Ce cadeau du Front Populaire n'a pas duré longtemps, menaces de guerre aidant, mais son autre cadeau, les congés payés, m'apporta mes premières vacances. Congespayes

Avec mon cousin Gabriel Vandon – Gaby – nous partîmes sans nos parents, pour un mois d'août radieux en Bretagne, à Lancieux. Gaby venait alors toujours passer ses deux mois de vacances au Vert-Galant jusque-là. Nous retournâmes à Lancieux avec des copains en 1938, et devenus audacieux, nous étions en août 1939 à St Jean de Luz, toujours avec des amis de notre âge.

[à suivre]

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