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13 notes en mars 2007

[Charles le bellevillois] La bataille de Berlin, avril - mai 1945

Episode précédent : Déporté pour le travail forcé, 1942-1945
Premier épisode : Charles de Belleville

Le 20 avril, la bataille finale débuta et la colossale artillerie soviétique, concentrée, pilonna le quartier.

Berlin1945 Dans la nuit du 29 au 30 avril, nous fûmes enfin délivrés par deux soldats russes qui s'annoncèrent en tirant une salve de mitraillette dans l'escalier. Je criai quelques mots en russe « Tovaritch ! Franzouski ! ». Chaleureux, élégants, jeunes, ces play-boys soviétiques nous firent évacuer la cave après force embrassades et exclamations joyeuses. Dehors, c'était la nuit, la bataille continuait très proche. Il y avait beaucoup d'autres soldats de l'Armée Rouge, bien moins sympathiques et même patibulaires. Ils nous chassèrent assez brutalement vers le sud. L'un d'eux s'empara de ma montre-bracelet. Au matin, je parvins à la voie express ouest-est qui contournait Berlin par le sud. Là nous fûmes à plusieurs, requis pour déblayer et remettre en état un pont routier. Je pus m'esquiver dans l'après-midi et, la chance aidant, trouver un vieux vélo de dame, abandonné dans un fossé. Je pédalais dare-dare en direction du sud-ouest, vers l'Elbe et les territoires contrôlés par les Américains.

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Ca, c'est Paris !

Samedi matin, j’attends l’ouverture du salon de coiffure (Le Petit Salon), rue Blomet. Il est tôt, la rue est tranquille, je musarde, admirant les rénovations de petits immeubles, dont certains ont de jolie cours déjà fleuries. Ma déambulation n’est pas du tout du gout d’une petite dame habillee plutôt chic pour cette heure matinale. Elle sort de chez elle, se plante sur le trottoir devant moi et aboie :

Qu’est-ce que vous faites là ? Qu’est-ce que vous voulez ?

Au lieu de rougir, de bredouiller que j’attends mon coiffeur et de m’éloigner piteusement en longeant le mur, je regrette encore de ne pas lui avoir dit crânement :

Mais voyons, Madame, je fais les repérages pour mon prochain casse !

J’imagine une scène du même genre à Paros. Là-bas, j’aurais été invitée à entrer dans le jardin, et au salon j’aurais eu droit à un café skieto servi avec un loukoum rose.

Mais Paris n'est pas Paros et Paros n'est pas Paris.


A la radio, dimanche matin

- Qu'est-ce que c'est que cette émission où l'on passe Couperin et Coluche ?
- C'est une émission où il faut avoir un nom qui commence par C.

De et par Philippe Meyer, "La prochaine fois je vous le chanterai", France Inter

Monsieur Meyer a en plus programmé une sublime chanson de Nino Ferrer : "Piano jazzy" que je ne connaissais pas, et  "La guitare enragée" de Coluche que j'avais oubliée.


[Charles le bellevillois] Déporté pour le travail forcé, 1942-1945

Episode précédent : Paris envahi, 1940-1942
Premier épisode : Charles de Belleville

“ Ich bin ein Berliner ”,  J.-F. K. 

L'inquiétude crût progressivement dans les usines après le tristement célèbre discours de Laval, en mai 1942. Dès juin, dans la presse, la radio, se développa la campagne de propagande en faveur de la relève des prisonniers par les ouvriers. Cela s'organisa vite et fort, le volontariat échouant. Les directions des entreprises obéissaient sans discussion à leurs organisations professionnelles patronales et à l'administration gouvernementale de Vichy. Sommées par les ministères et l'Inspection du Travail, elles dressèrent en peu de temps, les listes de départ et, police aidant, les trains bourrés d'ouvriers désignés, partaient dans les quarante-huit heures.

Jeune célibataire, je fus hélas de la première liste. Je refusais de signer le contrat présenté, lequel fût aussitôt et sans hésitation, paraphé par l'Inspecteur du Travail présent . Dans la confusion de l'arrivée à Berlin, je me promus moi-même, dessinateur industriel. Plutôt qu'être le tourneur qualifié offert par Laval à l'industrie de guerre allemande, autant faire l'apprentissage du dessin industriel qui me sera utile et me procurera un confort relativement meilleur que les ateliers.

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"Mais je ne m'inquiète pas."

... mais est-ce vraiment la dernière phrase du roman...?

J’ai dévoré ce weekend le beau roman de Françoise Chandernagor (La voyageuse de nuit). A aucun moment je n’ai eu la tentation de jeter un œil sur la dernière ligne de la dernière page. Cela m’arrive évidemment de le faire, mais jamais quand je suis accrochée par l’histoire et les personnages comme je l’ai été par Olga et ses filles. Dimanche soir tard, il a bien fallu m’y résoudre, j’avais tout lu sans rien sauter. Et là, surprise.

La dernière ligne de la dernière page du roman était blanche.

Voyageuse Vous me direz que c’est pareil pour tous les bouquins. Il y a une dernière ligne imprimée, mais elle est toujours suivie d’une ou de plusieurs lignes blanches. Là, je vous assure, la dernière ligne est blanche. Il y a même plusieurs pages blanches à la suite, avant l’achevé d’imprimer au verso de la dernière.

J’ai pas bien dormi. Lundi midi je suis allée dans une FNAC pour en avoir le cœur net. Tous les exemplaires en rayon sont bien ( ou mal ?) paginés comme le mien. Mais bizarrement, je ne veux toujours pas y croire. J’espère que d’autres lecteurtrices viendront ici pour témoigner de cette bizarrerie d’édition, ou de l’admirable sens de la chute romanesque de l’auteur. Car je serais finalement déçue s'il s’avérait que ce soit simple une boulette de l’imprimeur.

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[niguedouille] a l'oreille musicale

Boulevard Raspail, en face du Lutétia, la dame tirant une petite valise à roulettes :
- Excusez-moi madame, connaissez vous la rue Debussy ?
Moi :
- Non, mais j'ai un plan, attendez, je cherche. D - E - B - U, non je ne vois pas, il n'y a pas de rue Debussy !
- Ah ? Mais je crois c'est avec un C
- Mais non madame, c'est S-S-Y, Debussy.
- [...]
- Argh excusez-moi, j'avais compris Debussy, mais je vois : c'est la rue de Buci que vous cherchez !

Niguedouille-pedia :

  • la rue Claude-Debussy est dans le 17 ème arrondissement, entre le boulevard de l'Yser et le boulevard Gouvion Saint Cyr
  • la rue de Buci, dans le 6ème, doit son nom à Simon de Buci, qui avait acheté la porte Saint-Germain en 1350.

Bébé prozac

Axel a six mois et il prend le tramway chaque matin à sept heures trente à la Porte de Versailles. Avec sa maman bien sûr, qui doit être infirmière à Broussais, ils descendent à Didot. J'ai fait sa connaissance il y a quelques jours. Depuis, cet adorabe bébé me transfuse, chaque fois que je le rencontre, une grande dose de  joie et d'innocence.

Le protocole est le suivant : nous plantons franchement nos regards l'un dans l'autre, nos quatre zyeux s'allument, les nez se froncent, et c'est parti pour un dialogue sans paroles, entrecoupé de gloussements, et de congratulations réciproques et muettes.

Comment font les bébés bien portants pour être si confiants, si détendus, si prêts à la rigolade, à l'échange de gracieusetés ? Et en plus ils ne rechignent pas à nous faire partager leur bien-être. Au contraire, ils sont tout disposés à nous donner des leçons de zénitude.

Je recommande chaleureusement ce traitement quotidien pour combattre la morosité hivernale et l'angoisse de la jounée de travail à affronter, et le reste,


[Charles le bellevillois] Paris envahi, 1940-1942

Episode précédent : Ouvrier comme ton père, 1937-1942
Premier épisode : Charles de Belleville

“… Ils ont sur autrui une force redoutable… celle de la persuasion …”

En 1941, je suivis aussi, le dimanche matin, un cours de dessin industriel à l'École Spéciale des Travaux publics, boulevard Saint-Germain. J'y obtins au bout d'un an, le diplôme de dessinateur industriel délivré par l'ESTP. À ce cours encore, le professeur me demandait mes dessins au tire-ligne et encre de chine sur papier Canson, pour les garder dans sa collection.

Mon goût, pour le dessin en général, datait de plusieurs années déjà et j'agrandissais au fusain, à la craie ou à la plume, des photos d'artistes vedettes à la mode, ou de familiers, mes parents, Gaby…

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Mon « chef d'oeuvre » fut, en octobre 1940, un portrait du Général De Gaulle que personne ne connaissait alors « de visu ». Je l'avais extrait d'une photo de groupe du Ministère Raynaud, de juin, sur la page froissée d'un journal enveloppant des légumes ! Agrandi au fusain, photographié avec mon minuscule appareil Eljy-Lumière, j'en diffusais autant que je pus de petits tirages 24x36. Ce portrait s'est, cinquante ans plus tard, promené quelques années, d'exposition en exposition, dans toute la France, avec une masse d'autres souvenirs gaullistes.

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[Charles le bellevillois] Ouvrier comme ton père, 1937-1942

Episode précédent : Apprentissage, 1934-1937
Premier épisode : Charles de Belleville

"... détestent la vulgarité, aiment avant tout ne pas se commettre… au contact assez froid… peu familiers en général… ils ne se livrent guère…”
 

À dix-sept ans tout juste, je devins « ouvrier d'État » stagiaire le 1er septembre 1937, attendant ma majorité – 21 ans alors – et le retour du service militaire pour devenir « titulaire ». Affecté à une équipe de tourneurs de l'atelier de mécanique, j'étais voué aux torturantes manivelles d'une vieille machine usée, quarante heures par semaine. L' atelier de la STCRP était bruyant, sale et puant. Comme au XIXe siècle, les machines étaient entraînées par d'innombrables courroies descendant du plafond. Elles battaient l'air vicié sur une multitude de poulies entraînées par un unique et énorme moteur électrique. L'encadrement, à quelques exceptions près, était à l'image du décor : ouvriers et chefs d'équipe intempérants, contremaître jouant aux courses et empruntant de quoi à ses ouvriers, chef d'atelier quasi gâteux… Fort heureusement, il y avait, se tenant les coudes, une poignée de jeunes ouvriers sérieux et un chef d'équipe honnête. Dans le temps de pause et après le travail, nous jouions entre nous aux échecs ou discutions livres et, bien sûr, politique.

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