Terreurs enfantines
samedi 28 mai 2005
A hauteur de la rue de Javel, la rue Blomet est en travaux, la chaussée complètement défoncée. La toute petite fille que sa maman accompagne à l'école refuse d'avancer. Ses joues rondes sont blanches, ses yeux encore agrandis de terreur muette. Rien ne la fera bouger. Sa maman ne comprend pas, et moi non plus, pas tout de suite.
Il faut le temps que remonte à ma mémoire, le souvenir de cette peur, la même. Le bruit du marteau piqueur, effrayant, menaçant, anachronique. On l'entendait plus souvent à Paris dans les années 50, Je me penche vers la petite pour lui dire que moi aussi ce bruit me fait peur, mais que sa maman est là, à côté d'elle pour l'aider à traverser le danger, la vie. Distraite un instant, elle me regarde, ses joues rosissent, ses couettes s'animent et elle serre bravement la main de la maman pour repartir.
Ce bruit du marteau piqueur j'en avais peur, comme j'avais peur de traverser les petits ponts dans le bois de Boulogne, ceux qui imitaient en béton des rondins et des traverses à claire-voie entre lesquelles je voyais couler des torrents furieux. J'avais peur aussi des ascenceurs Roux -Combaluzier avec leurs grilles qui pincent les doigts et les portes vitrées à battants qui se refement méchamment , puis la lente montée cahotique de la cabine vitrée dans la cage en métal forgé à claire-voie elle aussi.
Par contre j'aimais l'odeur du goudron chaud que les employés de la voirie transportaient dans des sceaux en bois pour les verser sur les trottoirs, après que les terribles marteaux piqueurs se soient tus. Ce matin j'ai retrouvé cette odeur rue Blomet.