[jaserie littéraire] ne désespérer jamais

où il sera question de livres, d'auteurs, d'éditeurs, de librairies et de lecteurs, et d'une rencontre mémorable à la Maison de la Poésie

sous la forme d'une annexe chronologique à deux notes de lecture indépendantes :

 

(on peut lire les deux notes — et les livres qu'elles décrivent — sans avoir pris connaissance de la chronologie ci-après ; mais je conseille d'y revenir ensuite, ou de s'y reporter pendant !)

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[lu] l'été, deux fois, roman de christian costa

aux Éditions de Minuit, 126 pages, août 2023, 16 euros

La plage serait à peu près la seule activité de Boz s’il n’éprouvait en même temps le désir de commencer quelque chose, on ne sait pas quoi. Entre les deux (son goût pour la plage et ses velléités de commencements) il pense à Commons. Oui. La pensée de Commons accompagne Boz qui, au début, ne fait pas grand-chose (personne ne peut dire le contraire), voilà qu’entre ses commencements, la plage et Commons – la pensée de Commons – Boz, maintenant, est aussi occupé que n’importe qui. D’autant plus qu’il y a Llac, de-ci de-là, dans l’histoire.  —  Christian Costa est né à Béziers (Hérault) en 1954.Jérôme Lindon a publié ce premier roman de Christian Costa en 1989.

Il vient d'être réédité, toujours aux Éditions de Minuit, par Thomas Simonnet.

Costa n'a rien publié entre temps. Si vous voulez savoir ce qui s'est passé dans l'intervalle, et qui est Guillaume Daban, le dédicataire de la nouvelle édition, lisez ici  : ne désespérer jamais (jaserie littéraire).

“ Tout cela se passait au mois d'août. C'est étrange parce qu'aujourd'hui encore c'est le mois d'août. Il y a donc deux fois le mois d'août, se dit Boz, l'été, deux fois. Faudra penser à ne pas mélanger les mois d'août. Les pinceaux. Surveiller les pinceaux. ”

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[lu] n'ajouter rien, roman de fabrice chillet

chez Bouclard, septembre 2023 lien, 136 pages, 19 euros

4è de couv : Dans une brasserie, Fabrice Chillet se fait voler un livre, L’Été, deux fois, publié aux Éditions de Minuit à la fin des années 1980. Notre auteur part en quête de ce roman qui se révèle peu à peu aussi insaisis- sable que fascinant. Entre portes closes et chausse-trappes, tout semble un temps se dénouer grâce au mystérieux Daban, gardien du temple et ultime propriétaire d’un roman unique et introuvable dont l’auteur – Christian Costa – paraît sans cesse se dérober. Ainsi naît une fascination littéraire, ainsi naissent les fétiches dans ce jeu de mise en abyme. — Après quelques études universitaires et une thèse lâchement abandonnée sur le sens du Graal dans la vulgate arthurienne, Fabrice Chillet a passé le reste de son temps à hésiter. Tantôt professeur de français, par vocation. Tantôt journaliste, par ambition. Parfois encore rédacteur-fantôme, par nécessité. Et enfin auteur, à dessein. Derniers livres parus : Un feu éteint (2018), Narcisse était jaloux (2021), aux éditions Finitude ; Pyrate chez Bouclard Éditions (2022).Fabrice Chillet est un écrivain spécialiste des pas de côté (littéraires)... qui se dit in-capable d'inventer toute une histoire, mais tout à fait capable de mentir ! Et justement Bouclard a une collection à la mesure de son travail d'auteur : "Tout est vrai ou presque".

À la page de l'achevé d'imprimer il est indiqué : Cette quête a été publiée... pas "ce roman", "cette quête" !

Quand on lit N'ajouter rien on est chahuté d'un bout à l'autre entre vérité et fiction ; le mieux est de se laisser faire, de ne résister pas.
À la fin vous pourrez vouloir recoller les morceaux, ou pas. Moi, j'étais plutôt pour.

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[lu] faim de parcours, roman d'alain bron

éditions In Octavo, 348 pages, novembre 2023, 16 euros

4e de couv : Pierre, 92 ans, vit en EHPAD. Toujours alerte, respectable et respecté, il poursuit un but secret : venger sa mère morte de faim à l’hôpital psychiatrique de Clermont-de-l’Oise sous l’occupation allemande. Dans le même temps, l’équipe du commissaire Berthier se voit confier une enquête sur un meurtre étrange. Aucune trace, une arme datant de la Deuxième Guerre mondiale... Existerait-il un lien entre ces deux drames ? Une fois encore, Alain Bron parvient à nous entraîner dans un roman policier bouleversant où se côtoient la tragédie et l’humour. Pour notre plus grand plaisir. — Lauréat de la Bourse de l'Aventure à seize ans, Alain Bron part seul au Sahara et revient riche d'expériences qui marqueront toute sa vie littéraire et professionnelle. Plus tard il se passionnera pour la psychosociologie d'entreprise. Il a publié des essais, des nouvelles, des polars et des romans primés à plusieurs reprises. Il dirige par ailleurs l'Art en Chemin dans l'Oise et préside une compagnie théâtrale. Il est membres de la Société des Gens de Lettres et des Écrivains des Hauts-de-France.Qui dit roman policier dit indices.
Même pas besoin d'ouvrir le livre d'Alain Bron pour découvrir le premier, c'est celui que délivre la très belle couverture arrangée par l'artiste Jacques Blanpain à partir d'une photo du réfectoire de l'asile psychiatrique de Clermont-de-l'Oise (circa 1935).
C'est dans l'annexe de cet hospice que Séraphine de Senlis mourut misérablement en 1942, comme de nombreux autres patients internés sous l'Occupation, là et ailleurs en France. La photo est sombrement évocatrice du dénuement macabre dans lequel "on" les avait laissés.
Découvrez si vous le voulez la quatrième de couverture en texte alternatif de l'illustration à gauche : vous verrez qu'il n'y a pas de fôte dans le titre, mais que le jeu de mots (très roman Série Noire) dévoile la clé principale (mais pas la seule) de l'intrigue : la vengeance !

Qui dit roman policier dit victimes, enquêteurs et suspects, mais celui-ci n'a rien d'un whodunit à la Agatha Christie !
Parce qu'on sait très tôt qui l'a fait et pourquoi ! Mais pas comment...

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[lu, babelio] le café où vivent les souvenirs, roman de toshikazu kawaguchi

chez Albin Michel, novembre 2023, 256 pageslien, 18 euros 90

4è de couv : Sur le flanc du mont Hakodate, au nord du Japon, le café Dona Dona est réputé pour sa vue imprenable sur le port de la ville. Mais surtout, comme au café Funiculi Funicula, à Tokyo, il est possible pour ses clients d’y vivre une expérience extraordinaire : voyager dans le passé, le temps d’une tasse de café.  On y rencontre Yayoi, une jeune fille qui en veut à ses parents défunts d’avoir fait d’elle une orpheline ; Todoroki, un comédien qui se languit de son épouse et de leurs rêves communs ; Reiko, submergée par la disparition de sa sœur ; Reiji, qui réalise trop tard à quel point il aime son amie d’enfance… Autant d’âmes sincères et émouvantes qui, en retrouvant un pan de leur passé, apprennent à regarder le présent autrement et à envisager l’avenir avec plus de sérénité. —  Avec sa voix singulière et le talent de conteur qui ont fait son succès dans le monde entier, Toshikazu Kawaguchi signe un nouveau roman plein de sensibilité et de finesse, aussi réconfortant qu’un bon café chaud.Ce roman m'a été offert à l'occasion de la rencontre avec l'auteur organisée par Babelio et Albin Michel le mardi 10 octobre.
À la différence de rencontres précédentes personne n'avait pu lire le livre avant et il n'y a pas eu de questions à l'écrivain.
Pourtant j'ai vécu un moment délicieux et mémorable.
L'endroit, déjà : un concept store gastronomique japonais tout neuf avec vue sur la Bourse du Commerce, épicerie japonaise, restaurants, bars. Nos hôtes nous ont gâtés : bouchées niponnes variées, yakitori, moshis, cocktails raffinés, à volonté. Finalement tout le monde semblait ravi de ce type de rencontre littéraire plutôt inattendu. On bavardait par petits groupes, on se serait cru dans une rencontre de blogueurs des années 2005-2010 (tiens, un voyage dans le temps ?).
Toshikazu Kawaguchi, fort sympathique, extrêmement souriant, a fait de nombreuses dédicaces calligraphiées mais n'a rien dit à la cantonade sur son roman.
Comme je n'avais pas eu le livre à l'avance et ne connaissais pas l'auteur, quelques jours avant la rencontre j'ai lu son précédent (le deuxième, en poche, 2022 en France) : Le Café du temps retrouvé.

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[lu] le prix fort, récit de david rochefort

éditions En-exergue, avril 2023, 173 pages, 19 euros

4è de couv : Le 30 avril 1993, Monica Seles est victime d’une agression au couteau en plein match à Hambourg. Véritable ovni du circuit féminin, numéro 1 mondiale avant ses 18 ans, Seles s’est forgée dans l’adversité, au sein de ce qui allait devenir l’ex-République fédérale socialiste de Yougoslavie. Adolescente poursuivie par les tabloïds, moquée pour ses cris, elle remporte huit tournois du grand chelem en moins de trois ans. En trois parties (crépuscule, nuit, aube), David Rochefort raconte le face-à-face entre Monica Seles et Günter Parche, un chômeur de l’ex-RDA, amoureux fou de Steffi Graf, la grande rivale de Seles. Refusant d’accepter la chute de son idole, Parche va tout faire pour que Graf reprenne la première place. Par une narration incarnée, l’auteur nous replonge dans une époque (la chute du communisme en Europe) et un âge d’or du tennis féminin qui connut une fi n tragique à  Hambourg ce jour-là. — David Rochefort, né en 1980, vit et travaille à Paris. Depuis 2010, il a publié quatre romans aux éditions Gallimard et plusieurs textes courts dans des ouvrages  collectifs. Carrière sportive : a réussi à être dispensé de sport au bac.Et de deux !
Presque au même moment, David Rochefort publie Ce pays secret lien chez Gallimard et celui-ci : Le prix fort chez En-exergue.
Pour l'un comme pour l'autre, on ne peut pas dire qu'on soit aidé par l'illustration de couverture, ni par la signification du titre... Les titres-énigmes sont d'ailleurs un gimmick habile de l'écrivain !
Pour celui-ci, un vague indice : En-exergue est une jeune maison d'édition dont la vocation première est de parcourir le vaste champ qu'est le sport grâce à la littérature.
C'est donc une histoire de sport, une histoire autour du sport. Et ce malgré l'édifiant cévé sportif de l'auteur : a réussi à être dispensé de sport au bac ! Il nous rassure à la page cent quarante-cinq :

Quand je me suis lancé dans cette histoire, je me sentais légitime à double titre. D’abord parce que, m’étant trouvé moi-même dans la position de celui qui érige ses idoles au rang de divinités, la psychologie du fan ne m’était pas tout à fait étrangère. Et ensuite parce que j’étais écrivain et (supposément) capable de raconter des vies, réelles ou imaginaires.

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[babelio, lu] trilogie baryonique 1/3 : la tragédie de l'orque, roman de pierre raufast

aux Forges de Vulcain, mars 2023, 368 pages, 20 euros

4è de couv : 2173. L’humanité se remet progressivement de la grande migration climatique qui a décimé sa population. Le progrès scientifique est au point mort.  Seule perspective possible : mettre la main sur les gisements d’antimatière qui doivent se cacher quelque part dans l’espace. A cette fin, des mineurs d’espace-temps génèrent des trous de ver pour explorer les strates de l’Univers.  Sara et Slow sont ainsi embarquées dans le module Orca-7131. Mais une avarie improbable transforme cette mission de routine en catastrophe. Une expédition de la dernière chance s’organise alors – une tentative de sauvetage qui va peut-être marquer le retour de la denrée devenue la plus rare : l’espoir. — Pierre Raufast est né à Marseille en 1973. Depuis son premier roman, La Fractale des raviolis (prix de la Bastide et prix Talents Cultura 2014), il se plaît à jouer avec les structures narratives. Quand il n’écrit pas, il travaille dans la cybersécurité (et vice versa). Les titres des romans de Pierre Raufast sont des devinettes surréalistes et délicieusement intrigantes (La Variante chilienne, La Fractale des raviolis, et les autres...).
Cette fois, on aura trois volets rassemblés dans une série, soit quatre titres !
Le titre de la série (La Trilogie baryonique) est sobre et inviterait normalement à extraire péniblement du fond de nos mémoire les notions de base de physique des particules qui y sont confortablement enfouies ; ce n'est vraiment pas la peine, il suffit de faire une confiance absolue à la pédagogie raufastienne : l'immersion.
Pour le titre du volume 1 (La Tragédie de l'orque), pas besoin non plus de consulter une monographie sur les ondotocètes ; l'orque en question est un vaisseau spatial spécialisé dans le forage de l'espace-temps et la recherche de ressources énergétiques liées à l'antimatière hors de notre système solaire ; son immatriculation (sa taillette, vocabulaire minier) est ORCA-7331 (pour : trente-et-unième lancement de l'année 2173).

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[lu] ce pays secret, roman de david rochefort

éditions Gallimard, mars 2023, 304 pages, 21 euros

4è de couv : À bord d’un train Marseille-Paris, un homme rêve au livre qui lui fera connaître la gloire. Tout juste divorcé, il est allé chercher ses deux petites filles chez leur mère et entend rentrer avec elles à Paris. Tandis qu’il les regarde s’agiter autour de lui, tandis que les autres passagers semblent curieux puis apeurés, tandis qu’au téléphone l’inquiétude de son ex-femme va croissant, le roman prend le pas sur le monde réel. Deux récits se déploient : celui des occasions manquées et celui de la revanche. Les personnages, Henri, Giulia, Joffre, Lola, endossent les coups pour leur créateur. Quand il faut descendre du train, la vérité apparaît, éclatante, mais aussi l’incroyable maîtrise et l’art du romancier qu’est David Rochefort. Ce pays secret est une machine à récits, une satire de l’esprit de sérieux, où l’affabulation interroge le pouvoir de la littérature. Là où chacun s’est rendu, par vanité ou par ambition, prisonnier du monde social, la fiction offre une seconde chance.J'espérais qu'en démarrant ma note de lecture, j'aurais une explication du titre à vous offrir ; eh bien finalement non, mais cela ne va pas m'arrêter ni m'empêcher d'essayer de vous communiquer l'envie de lire cet excellent quatrième roman de David Rochefort (toujours dans la Collection Blanche de Gallimard).

Beaucoup de choses distinguent Ce pays secret des trois précédentslien titres (déjà très différents entre eux !), dont en premier lieu la construction, j'y reviendrai. Mais on y retrouve avec énormément de plaisir la marque de fabrique de l'auteur : une écriture élégante, acérée, implacable de justesse et de précision ; on retrouve aussi sa pertinence impitoyable (im-pertinence ?) dans la présentation des personnages, le récit de leurs activités, de leurs pensées, l'analyse de leurs décisions et de leurs actes.

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[jaserie japonaise] makanai, dans la cuisine des maiko, minisérie de hirokazu kore-eda, sur netflix

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C'est pas mon habitude de chroniquer une série télé, mais celle-ci m'a procuré un tel plaisir que je voulais l'analyser (pas trop, restez lire !) et le partager.
Ce n'est qu'après l'avoir regardée que j'ai appris que le réalisateur était le grand Hirokazu Kore-eda, et que le scénario était d'après manga.
J'en avais entendu parler brièvement à la radio et les thèmes cités (Kyoto, cuisine japonaise, éducation, tradition) m'avaient ramenée 40 années en arrière...
Mon court séjour (professionnel) là-bas, mes surprises, le théâtre bunraku à Osaka, le son du shamisen... Je m'étais laissée bercer avec bonheur et parfois bousculer par l'étrangeté, le mystère des codes, la juxtaposition de la modernité extrême avec la tradition, le contraste entre le grouillement des grandes artères et la lenteur entrevue dans les temples et dans les petites rues vieillottes au pied des gratte-ciels.
Je ne pense pas que cette série de 9 épisodes de 45 minutes soit faite uniquement pour les vieilles occidentales nostalgiques de leurs voyages lointains et exotiques, mais ça a fonctionné au delà de mes espérances...
Visionnage totalement régressif !

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[lu, masse critique, babelio] portrait de l'écrivain en chasseur de sanglier, roman de jean-françois kierzkowski

éditions Malet-Barrault, janvier 2023, 230 pages, 19 euros

en 4è de couv : Comment être écrivain lorsqu’on vit reclus à la campagne ? Loin du milieu littéraire et en mal de contrat, François Korlowski accepte de participer à la rédaction d’un ouvrage collectif ayant pour but de célébrer les Grands Prix du roman de l’Académie française. Son travail : écrire une notice sur Alphonse de Châteaubriant, homme de Lettres de sa région, Grand Prix 1923. Galvanisé par cette proposition de la Coupole, l’auteur rêve à une reconnaissance nationale. Il fait connaître sa prestigieuse mission à qui veut bien l’entendre mais, au village, on se passionne davantage pour les soirées bar-becue et la chasse au sanglier. Avec une tendre ironie, l’auteur nous entraîne dans les aventures fantasques de son héros qui met du temps à mesurer les pièges que recèle la biographie de Châteaubriant. Les deux récits s’entrechoquent et se répondent dans la dissection des mécanismes de la construction d’une œuvre, du besoin de reconnaissance, des prétentions de l’artiste face à une société de plus en plus pragmatique.J'aime beaucoup l'effet tombola de l'opération Masse Critique de Babelio lien.
Mais d'abord il faut gagner son billet et cela faisait un moment que malgré ma participation très matutinale aux précédentes éditions je n'avais plus jamais été élue pour recevoir le livre choisi.
Un peu désabusée je m'y suis prise cette fois très tard en choisissant au petit bonheur (je savais quand même prendre peu de risques en choisissant un livre édité chez Mialet-Barrault) : Portrait de l'écrivain en chasseur de sanglier.
Et ce fut un grand bonheur : de recevoir le livre d'abord, de lecture ensuite.
Un livre à (bonnes) surprises pour tout lecteur je crois, mais spécialement pour moi.

Un mot d'abord sur l'illustration de la couverture (dessin de Marek — avec qui Jean-François Kierkowski collabore en bande dessinée). Évidemment elle donne le ton du livre, burlesque et composite, mais c'est quand on referme le roman qu'elle prend toute sa saveur.

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[challenge interallié] que reviennent ceux qui sont loin, roman de pierre adrian

Gallimard, collection Blanche, août 2022, 192 pages, 20 euros

4è de couverture : « Là, sur la route de la mer, après le portail blanc, dissimulées derrière les haies de troènes, les tilleuls et les hortensias, se trouvaient les vacances en Bretagne. Août était le mois qui ressemblait le plus à la vie. »  Après de longues années d’absence, un jeune homme retourne dans la grande maison familiale. Dans ce décor de toujours, au contact d’un petit cousin qui lui ressemble, entre les après-midi à la plage et les fêtes sur le port, il mesure avec mélancolie le temps qui a passé. Chronique d’un été en pente douce qui commence dans la belle lumière d’août pour finir dans l’obscurité, ce roman évoque avec beaucoup de délicatesse la bascule de l’enfance à l’âge adulte.Est-ce que j'aurais lu Que reviennent ceux qui sont loin si je n'avais pas su que Pierre Adrian était un ami d'enfance de Philibert Humm dont j'ai tant aimé Roman fleuve ? Qu'ils avaient écrit un journal de voyage à quatre mains, malin et potache (Le Tour de la France par deux enfants d'aujourd'hui, 2018) ? Si Alain Bonnand ne m'avait pas écrit tout le bien qu'il pensait de ce très jeune écrivain passionné par l'Italie, Pasolini et Pavese ? Si Adrian n'avait pas reçu des mains de Pierre Arditi le premier prix Jean-René Huguenin (La Côte sauvage, 1960), peu notoire encore mais qui lui va si bien ? Si enfin Adrian et Humm ne s'étaient pas retrouvés concurrents dans la sélection finale de l'Interallié 2022, prix littéraire notoire celui-ci ?
Heureusement, je me suis laissée inciter sans résistance et sans regrets car Que reviennent ceux qui sont loin est un grand roman d'apprentissage, sublime et délicat.

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note : le paragraphe ci-dessus est truffé de liens un peu cachés parce que c'est plus joli... promenez le mulot et cliquez !

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[challenge interallié] roman fleuve, récit romancé de philibert humm

aux Éditions Équateurs, août 2022, 288 pages, 19 euros ; prix Interallé 2022

4è de couv : "Il nous fallait partir, extravaguer, voir de nos yeux les sinuosités du monde. Nous faisions confiance à notre ignorance pour nous le faire mieux connaître. La peste est l'opinion de savoir, dit le sage en collerette. C'est pouquoi nous partîmes, canoë sur l'épaule, jeter à l'eau ce qui nous restait de joie et de courage pour affronter le dieu le plus proche : la Seine !". Trois hommes, un bateau, un fleuve : une histoire qui prend l'eau dès les premières pages. — Né en 1991, Philibert Humm est l'auteur, aux Équateurs, du Tour de la France par deux enfants d'aujourd'hui et de La Micheline, coécrits avec Pierre Adiran. Roman Fleuve est son premier roman.Éric Neuhoff m'a coupé l'herbe sous le pied. Je lui pardonne, la cause est juste.

J'allais commencer cette note de lecture en annonçant le livre le plus léger, le plus drôle, le plus malicieux, de la rentrée littéraire 2022.
Mais l'éternel gamin de la critique littéraire et cinématographique, nez en trompette et épis capillaires en goguette, a clamé le premier son enthousiasme pour Roman Fleuve en première page du Service Littéraire d'octobre.
De la même façon il traite Philibert Humm d'énergumène, ce que je m'apprêtais aussi à faire ici ; tant pis, il me reste : foufou, dingo et zozo.
Par contre Neuhoff a une formule lapidaire que je n'aurais jamais trouvée : “ Philibert Humm n'aura pas le Goncourt. Il n'aura que des lecteurs. ”.

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(c) DR

Le plus loufoque de cette histoire est qu'elle a toutes les apparences de la véracité. Une photo dans le journal où Philibert Humm a été pigiste l'atteste. Le bateau s'appelle bien Bateau, l'auteur-narrateur-capitaine au centre est fièrement coiffé d'un bonnet marin à pompon (je sais maintenant qu'on dit bâchi) ; avec ses deux copains (moins de 90 ans à eux trois) ils ont descendu la Seine de Paris à Honfleur au mois d'août 2018 dans un canoë à pagaies.

 

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[jaserie littéraire] mon challenge interallié

où il sera question de : Que reviennent ceux qui sont loin de Pierre Adrian, La petite menteuse de Pascale Robert-Diard, Roman fleuve de Philibert Humm, Le mage du Kremlin de Guiliano da Empoli, La vie la plus douce de Fabrice Gaignault, et aussi de Le colonel ne dort pas d'Emilienne Malfatto

photo volée à Livres HebdoPas vraiment un challenge puisque j'en suis l'unique challengeuse... sauf si vous avez le temps de lire cinq excellents romans de la rentrée littéraire d'ici au 8 novembre. À vos lunettes !
À cette heure-ci (samedi 29 octobre, circa 18:00) il ne m'en reste qu'un seul à lire, je devrais donc pouvoir très vite conforter et annoncer mon choix personnel pour le prix Interallié 2022 qui sera proclamé le mercredi 9 novembre chez Lasserre.

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[jaserie caniculaire] aux affligés, brasserie parisienne

Métro Glacière, Antoine Meurant, illustrateur 06 82 17 47 21
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Cherchez pas : j'ai changé le nom de la brasserie Aux Affligés qui sert de décor et de titre à mon billet. Mais ce qui est véridique, c'est que c'est la terrasse la plus proche de l'entrée/sortie du cimetière [bipbip]. Je m'y suis affalée à midi après mon cours de gym, bien décidée à profiter du calme relatif : on entendait surtout les clings et les clangs du montage du marché du samedi. Il me semblait depuis le matin que tout le monde se déplaçait au ralenti, côté ombreux des trottoirs, et de préférence en direction d'une terrasse où s'asseoir et se rafraîchir.

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note : l'illustration n'a (presque) rien à voir... mais elle me plait beaucoup et est très réfrigérante ; et surtout elle est signée Antoine Meurant dont vous pouvez retrouver les irrésistibles dessins ici, et (il expose en ce moment au Select où je me suis laissée tenter par un autre de ses paysages parisiens malicieux)

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[compile] où l'on reparle de renata n'importe quoi et de catherine guérard

papier pour le sitelien Les Notes (Choisir & Lire) : présentation de la réédition de Renata n'importe quoi, roman de Catherine Guérard, aux éditions du Chemin de Fer, novembre 2021 ; c'est un mashup de plusieurs chroniques déjà publiées ici à propos de ce roman obsédant, avec quelques révélations "sensationnelles" - mais malgré tout incomplètes -, sur son auteure...
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les extraits de Renata n'importe quoi infra respectent bien évidemment la ponctuation inventée par Catherine Guérard


crédit photo : Tilly Richard, 2021Dans une des chroniques littéraires rassemblées dans Le Cycliste du lundi (recueil posthume, La Grande Ourse, 2012), François Nourissier écrivait :
« Puis vint l’automne 1967 et l’on découvrit un vrai roman de Catherine Guérard, composé il est vrai d’une seule phrase, mais une phrase longue de cent quatre-vingt-quinze pages. Cette phrase frôla le Goncourt, aventure qui prouve que nous pouvons tout attendre de cette romancière. […] Catherine Guérard a écrit un roman qui défie l’imitation et décourage la comparaison […] je ne sais pas ce qu’elle écrira ensuite, ni quand, ni même si elle n’attendra pas encore une dizaine d’années avant de se remettre au travail ; il n’en est pas moins sûr que nous avons affaire avec Catherine Guérard à un personnage exceptionnel ; Renata n’importe quoi suffirait à nous empêcher d’oublier son auteur. »

 

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[jaserie d'automne] hommages collatéraux

jaserie : note de blog de type fourre-tout où je raconte des trucs un peu personnels mais pas trop ; où je fais des petites recommandations timides pour des machins décalés si possible ; dans laquelle je vous invite à suivre des liens (ça c'est valable pour toutes mes notes, en fait)

Dans celle-ci il sera question de : betteraves, ossements, vitraux, crypte, armée de la Loire, Mac Mahon, commémoration, Ladon, parents (les miens), vivre à la campagne au Japon

Betteraves, route du LoiretHier 21 novembre 2021 en fin d'après-midi, sur le bord de la route de Pithiviers à Étampes, sous un ciel gris tabac, les énormes entassements de betteraves évoquaient pour moi un ossuaire... On ne s'est pas arrêtés pour faire la photo, mais ce matin j'en ai retrouvé une qui date de plusieurs années et qui rend bien l'impression ressentie.
— Mais pourquoi elle nous raconte ça ? pourquoi cette morbidité ? Ben parce que c'est de saison, et que c'est mon blog à moi.

Ladon, c'est le village du Loiret où mes parents ont vécu à partir de 1982, après Orsay, et où ils sont inhumés.

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[réédité, relu] renata n'importe quoi, roman de catherine guérard

aux éditions du Chemin de fer, novembre 2021, 178 pages, 18 euros

en 4è de couv : Catherine Guérard nous emporte dans le monologue de son héroïne, bonne à tout faire, qui décide un jour de quitter ses patrons pour devenir “une libre”. Ce sont trois jours et deux nuits d’errance, à marcher dans les rues, s’asseoir sur les bancs, regarder les passants et écouter les oiseaux. La narratrice va se confronter à un monde qu’elle semble découvrir au fur et à mesure qu’elle l’arpente, un monde qui la rejette systématiquement, elle dont la liberté ne peut souffrir aucune entrave. Le plus saisissant dans ce roman est la réussite magistrale d’un parti pris formel : une seule longue phrase ponctuée de quelques virgules et majuscules judicieuses. Le flot du texte emporte le lecteur dans les ressassements et les obsessions d’une pensée pleine de candeur mais toujours déterminée et dangereusement radicale. Publiée pour la première fois en 1967, cette œuvre résonne aujourd’hui comme un hymne prémonitoire. N’annonce-t-elle pas le vent révolutionnaire qui soufflera bientôt sur un monde corseté dans ses certitudes et empêtré dans sa peur de manquer ou de perdre ses acquis ? Renata n’importe quoi c’est l’invraisemblable odyssée d’une bonne de Giraudoux qui attendrait Godot. Un trésor qu’une communauté de lecteurs initiés se transmet comme une pépite, qui nourrit une réflexion profonde et nécessaire sur l’absurdité de nos sociétés, la loi, l’argent, le travail et la consommation. Ou pour le dire autrement : comment refuser l’aliénation qui nous est imposée sans apparaître soi-même comme un aliéné dans le regard des autres ?  "Alors leur vie ne leur appartient pas, ils obéissent au temps, et j’ai pensé Moi je suis mieux qu’eux ma vie m’appartient, je n’ai pas un patron qui possède ma vie, c’est horrible ça, j’ai pensé, d’avoir une vie qui n’est pas à soi, C’est des fous les gens, j’ai pensé, pour avoir de l’argent ils vendent leur vie à quelqu’un d’autre, comme si on vivait mille ans, comme si on vivait deux fois"Réédition tout à fait inattendue et très heureuse, d'un roman-culte, marquant et mystérieux ; c'est le second (dernier) roman d'une auteure incompréhensiblement disparue des radars de l'Édition, compte tenu de son talent et sa modernité.

Je l'ai lu une première fois en 2013 ; Alain Bonnand m'avait offert l'édition Gallimard (aujourd'hui épuisée), il avait deviné que cela allait me plaire. C'est lui encore qui vient de me signaler la réapparition de Renata n'importe quoi.

À l'époque j'avais voulu me renseigner sur l'auteure. Mais Catherine Guérard, c'est plutôt Catherine n'importe qui parce qu'avec ce nom très homonymé, on ne trouve pas grand-chose sur elle. Un Masque et la Plume de 67 à l'INA dans lequel elle intervient depuis la salle, mais aucune image. Est-ce que la Catherine Guérard qui regrettait le départ de bébé Adjani de la Comédie Française en 75, c'était elle ?  "Une Adjani, il n'y en a qu'une par siècle !". Si elle avait si complètement disparu des internets, c'était sans doute pour une triste raison ?

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[babelio, masse critique] le sergent salinger, roman de jerome charyn

aux éditions BakerStreet, traduit de l'américain par Isabelle D. Philippe, septembre 2021, 335 pages, 21 euros
lu pour l'opération Masse Critique de Babelio lien (on choisit un livre dans une liste de nouveautés, on reçoit le livre, on donne son avis sur le livre, on le partage)

Le portrait insolite de la légende littéraire américaine en jeune soldat à la fin de la guerre, au débarquement, à la libération de Paris...Quand j'étais snob et menteuse (il y a fort longtemps)... je disais que mon livre préféré, c'était L'Attrape-Cœurs de J. D. Salinger.
Depuis j'ai presque tout oublié de l'errance d'Holden Caulfield dans Manhattan.
Par contre j'ai conservé le souvenir du pincement au cœur que m'avaient laissé les dernières lignes d'Un jour rêvé pour le poisson-banane (dans le recueil intitulé Nouvelles).
Dans une interview récentelien, Jerome Charyn dit que L'Attrape-Cœurs n'est pas son titre préféré de Salinger, qu'il vient bien après les Nine Stories. Comme moi ! ai-je pensé (moins snob, peut-être, mais pas plus modeste !).

Le Sergent Salinger est un roman biographique qui couvre la période 1942 à 1947 de la longue vie de Salinger.

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[#rl21] au printemps des monstres, roman de philippe jaenada

éditions Mialet-Barrault, août 2021, 749 pages, 23 euros

4è de couv : Ce n'est pas de la tarte à résumer, cette histoire. Il faut procéder calmement. C'est une histoire vraie, comme on dit. Un garçon de onze ans est enlevé à Paris un soir du printemps 1964. Luc Taron. (Si vous préférez la découvir dans le livre, l'histoire, ne lisez pas la suite : stop !) On retrouve son corps le lendemain dans une forêt de banlieue. Il a été assassiné sans raison apprarente. Pendant plus d'un mois, un enragé inonde les médias et la police de lettres de revendication démentes, signées "L'Étrangleur" ; il adresse même aux parents de l'enfant, horrifiés, des mots ignobles, diaboliques, cruels. Il est enfin arrêté. C'est un jeune homme banal, un infirmier. il avoue le meurtre, il est incarcéré et mis à l'écart de la société pour le reste de sa vie. Fin de l'histoire. Mais bien sûr, si c'était aussi simple, je n'aurais pas passé quatre ans à écrire ce gros machin (je ne suis pas fou). Dans cette société naissante qui deviendra la nôtre, tout est trouble, tout est factice. Tout le monde truque, ment, triche. Sauf une femme, un point de lumière. Et ce qu'on savait se confirme : les pervers, les fous, les odieux,  les monstres ne sont pas souvent ceux qu'on désigne. — Philippe Jaenada est l'auteur d'une douzaine de romans,  dont Le Chameau sauvage (prix de Flore), La Petite Femelle, et La Serpe (prix Femina).“ Le plus difficile c'est de trouver par où commencer. ” (première partie, Le fou, p. 18)

Vendredi matin, il me restait une cinquantaine de pages d'Au printemps des monstres à lire (quand j'aime un gros livre et que j'approche de la fin, je ralentis pour faire durer le plaisir), et coïncidence (Philippe Jaenada les aime, et moi aussi) : au même moment à la radio, l'écrivain expliquait à Augustin Trapenard d'où lui était venue l'idée de s'intéresser au meurtre du petit Luc Taron le 27 mai 1964, à l'arrestation de Lucien Léger, sa condamnation à perpétuité (malgré le manque de témoignages, de preuves, de mobile), sa libération conditionnelle après quarante années en prison (Léger est sorti à soixante-huit ans à l‘automne 2005 ; il meurt en juillet 2008).

J'aurais bien eu envie de vous laisser là-dessus en vous envoyant écouter en podcast (lien) la belle voix nicotinée de l'écrivain, parce que moi non plus je ne sais pas par où commencer (mais bon, même si elle n'est plus professionnelle, ma conscience me torturerait trop).

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note : avez -vous lu la quatrième de couverture (toujours en passant sur l'image) : elle est évidemment de l'auteur !

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